Laurent Cardona est passionné, il l’avoue. Et il a mis sa passion au service des collègues et de leurs élèves. Profitant de l’évolution technologique qui rend accessible ce qui restait couteux il y a quelques années, il a mobilisé ses partenaires de la Vienne autour de la production sonore.
1. Quel a été l’origine (la personne, l’évènement, la rencontre…) de votre projet ?
Je suis passionné de radio depuis l’enfance. J’ai animé avec des copains des émissions sur des radios locales associatives au milieu des années 80. J’ai aussi eu la chance d’être au lycée pilote innovant du Futuroscope, où il y a une radio scolaire. J’ai commencé à mener des expériences avec des enfants en centre de loisirs où j’étais animateur, puis, lorsque je suis devenu enseignant, l’idée m’est naturellement venue de mettre en oeuvre un projet de radio scolaire avec mes élèves. En 2006, étant devenu administrateur de l’OCCE de la Vienne, j’ai proposé que l’association propose le projet radio comme projet fédérateur départemental. Un ami webmaster du site pédagogique de l’inspection académique travaillait sur la conception d’un site adapté à la diffusion des productions sonores. Nous avons donc monté un partenariat OCCE / IA. L’animatrice OCCE assure la coordination du projet.
2. Pouvez-vous décrire, du point de vue des activités menées avec les élèves, une situation dans laquelle vous avez vu un impact positif sur les apprentissages scolaires ou de la mobilisation des élèves ?
L’activité radio scolaire est complexe. Elle permet d’acquérir des compétences dans différents domaines :
– l’apprentissage de la langue : construction du discours, utilisation de l’écrit pour structurer un discours oral, prise de conscience de la nécessité de rythmer (ponctuation), de mettre le ton pour permettre une meilleure compréhension du message.
– la citoyenneté : comprendre le média pour prendre de la distance par rapport à ce qu’on écoute (acquérir un esprit critique) ; apprendre à exprimer une idée, une opinion.
– la coopération : les rôles sont répartis en fonction des goûts, des compétences de chacun (animateur, technicien, scripte,…). Chaque élève apporte sa pierre à l’édifice pour une réalisation finale collective (le tout est supérieur à la somme des parties).
Le média radio permet en outre une évaluation (auto-évaluation) quasi immédiate du travail réalisé qui va pousser les élèves à se mobiliser pour réaliser des progrès rapides. J’ai ainsi pu constater que des élèves en difficulté par rapport à l’écrit pouvaient faire de gros progrès dans la mesure où l’écrit n’est qu’une étape dans le processus et non une fin en soi. Le maître n’exige pas une orthographe correcte, une belle écriture, c’est une phase préparatoire nécessaire, écrite à l’ordinateur et discutée par le groupe. Ce qui compte, c’est la compréhension du message oral qui sera diffusé. L’élève comprend que l’écrit peut être un outil au service d’un projet (exprimer une idée, rendre compte d’une activité, faire partager une poésie, réaliser un interview,…). Pour des élèves de maternelle, l’activité radio peut être une étape dans la mise en place des jalons qui vont permettre d’accéder à l’écrit (comme la dictée à l’adulte l’est aussi).
3. Selon vous, quel est/a été la plus belle réussite de ce que vous avez pu mettre en oeuvre ?
Depuis 2006, 31 écoles, 42 classes (soit 6 à 8 classes par an) ont participé au projet. A chaque fois le retour des enseignants est très positif. La plus grande satisfaction, c’est quand l’activité radio s’inscrit dans la pratique régulière des collègues et qu’elle perdure plusieurs années de suite.
4. Et a contrario, une difficulté persistante, un écueil que vous n’aviez pas mesuré complètement ?
Le principal obstacle réside dans la formation technique des enseignants : prise en main des logiciels, techniques d’enregistrement, de montage.
5. Pouvez-vous nous faire partager une anecdote significative d’un comportement, d’une réaction d’élève(s) au cours d’une des phases de votre travail ?
Ce qui me paraît particulièrement significatif, c’est lorsque des élèves très timides, réservés, se réalisent au cours d’un projet radio. Cela arrive régulièrement dans les classes qui participent au projet.
6. Si c’était à refaire, pouvez vous citer une phase du projet que vous pourriez modifier pour le rendre plus « efficace » pour les élèves ?
Il faudrait arriver à ce que les élèves deviennent autonomes techniquement pour pouvoir travailler en ateliers. L’organisation du groupe classe est en effet un frein lorsque l’enseignant est seul avec sa classe.
7. Un point de vue, une remarque que vous souhaiteriez partager avec les lecteurs du Café Pédagogique ?
Les outils d’aujourd’hui permettent de mettre en œuvre à peu de frais un projet de radio scolaire :
– les enregistreurs numériques de bonne qualité sont abordables ;
– l’évolution des outils permet de diffuser facilement du contenu audio par Internet ;
– les logiciels libres sont très performants (Audacity,…).
La radio est un média souple et polyvalent qui peut être le support de nombreuses productions sonores : compte-rendus, interviews, reportages, récits mis en ondes, débats,… Cette activité est un bon moyen de permettre à des élèves en difficulté de progresser dans l’acquisition de la langue. En outre elle est valorisante et c’est un bon moyen de communiquer avec les parents, les partenaires de l’école…