Marc
Degioanni aime la géographie, mais sait qu’elle est souvent un
parent pauvre de l’enseignement en élémentaire, même à Digne (04).
Profitant de sa présence de « maitre supplémentaire », ses collègues et
lui ont cherché l’efficacité en mobilisant les ressources
technologiques de l’école. Magique ? Surement pas… Au bout d’un an,
la richesse des outils produits rend compte de la mobilisation, et le
recours au papier-crayon n’est jamais oublié quand il s’avère
nécessaire…
1. Quel a été l’origine (la personne,
l’évènement, la rencontre…) de votre projet ?
Au
départ, le projet repose sur le fait que je dispose de 3 heures en
surnombre
(un maître de plus que de classes). Ceci a permis de lancer le projet
pendant les quatre premiers mois. Depuis janvier, les élèves étant
davantage autonomes, ces heures sont utilisées pour une autre action,
et le projet TICE-géographie suit son cours sans heure supplémentaire
dédiée.
En septembre 2011, l’analyse des besoins de nos élèves des cycle 3
montre que bien peu ont un usage autonome de l’ordinateur. Nous
convenons, avec mes trois collègues, de ne pas organiser de séances
« TICE », mais de proposer un apprentissage d’une des disciplines au seul
moyen de l’ordinateur. Ainsi nous espérons mener de front les deux
apprentissages, disciplinaire et technologique, et en renonçant
aux supports traditionnels on s’oblige à une forme nouvelle de relation
pédagogique. Nous souhaitons donc expérimenter de n’enseigner que
par l’intermédiaire du numérique : en se donnant cette contrainte, on
s’oblige à imaginer des solutions que nous n’aurions pas nécessairement
choisies à priori.
Le choix se porte sur la géographie pour plusieurs raisons :
– il nous fallait une discipline avec un volume horaire limité, pas les
maths ou le français, pour que les 3 classes puissent en bénéficier.
– la géographie est souvent une discipline que l’on n’a guère le
temps de traiter valablement.
– elle a souvent une image vieillotte et les TICE peuvent contribuer à
la dépoussiérer
– elle gagne à s’ancrer dans le local, ce que le manuel « national » ne
permet pas, à la différence de nos productions
– elle fait appel à des compétences verbales mais aussi non verbales,
telles que le repérage spatial, domaine dans lequel les TICE et les SIG
peuvent apporter un concours appréciable
– cette initiative nous semble pouvoir être utilisée en l’état par des
classes proches, et avec adaptation par des classes plus éloignées
– j’ai une (lointaine) formation post-bac dans ce domaine et suis un
utilisateur assidu des TICE dans plusieurs domaines et en tant que
formateur
Nousa vons d’ailleurs gardé trace ce que nous en disions en septembre :
http://formation.eklablog.fr/geographie-au-cycle-3-ensemble-complet-d-activites-en-ligne-a4004750
2. Pouvez-vous décrire, du point de
vue des activités menées avec les élèves, une situation dans laquelle
vous avez vu un impact positif sur les apprentissages scolaires ou de
la mobilisation des élèves ?
Par rapport à la séance
traditionnelle, qui s’appuie soit sur le manuel
soit sur une documentation amenée par l’enseignant, nous avons pu
constater davantage d’investissement dans les tâches proposées. Le
binôme se connecte, prend connaissance du scénario, et se lance dans la
réalisation en suivant le mode d’emploi. Ce sont les enfants qui
interrogent l’enseignant. Ils constituent leur portfolio numérique avec
les documents qu’ils produisent et s’approprient ; il n’y a pas de
cours mais des séances où les élèves agissent à propos des documents
proposés
3. Selon vous, quel est/a été la plus
belle réussite de ce que vous avez pu mettre en œuvre ?
Beaucoup de nos élèves sont issus de milieux modestes ou placés dans
une institution. Voir un de ces élèves, dont le parcours scolaire n’est
pas toujours facile, venir à posteriori demander des précisions sur un
point abordé, ou encore se connecter de chez lui pour revenir sur une
activité proposée n’est pas banal. Les activités en ligne permettent ce
retour sur action…
4. Et a contrario, une difficulté
persistante, un écueil que vous n’aviez pas mesuré complètement ?
Les TICE ont souvent un défaut, celui du papillonnage. On survole, on
agit, on produit, mais structure-t-on suffisamment ? Aussi le
« tout-numérique » a-t-il parfois laissé entrevoir des limites ; il a
d’ailleurs ponctuellement été complété par du « papier-crayon ». Par
ailleurs, nous avons dû renoncer à l’usage si commode et performant des
fichiers .kml/.kmz, car Google Earth, aux potentialités pédagogiques
énormes, ne passe pas sur notre parc de 16 PC datant de … 2002 !
5. Pouvez-vous nous faire partager une
anecdote significative d’un comportement, d’une réaction d’élève(s) au
cours d’une des phases de votre travail ?
Dans cette séance : http://formation.eklablog.fr/l-eau-seance-4-a5665795
Il s’agissait de terminer ce diagramme du débit de « notre » rivière
locale :
http://data0.eklablog.fr/formation/perso/eau 4 graphique bleone.png
A cette occasion sont remontées à la surface des erreurs
d’interpolation, même en CM2 ; une régulation mathématique s’est avérée
nécessaire ; ensuite, l’interprétation du résultat obtenu n’a pas été
simple : si la fonte des neiges est connue, en revanche la cause de
l’étiage d’hiver par exemple l’est moins. Avoir produit un schéma,
c’est bien, l’expliquer c’est mieux… Alors on se rend compte
que ce qu’on croit bien connu (les caractéristiques des saisons,
par exemple) ne l’est pas nécessairement. Innovation et retour aux
fondamentaux donc.
6. Si c’était à refaire, pouvez vous
citer une phase du projet que vous pourriez modifier pour le rendre
plus « efficace » pour les élèves ?
L’an prochain, en étant allé au bout du tout-numérique, il faudra
sans doute mieux articuler supports traditionnels et supports
numériques. On projette aussi d’intégrer une démarche d’auto-évaluation
des acquis, notamment en produisant des contenus interactifs – cf. un
exemple ici dans un tout autre domaine :
http://data0.eklablog.fr/ce1/perso/probleme/index.html
Enfin l’usage de Google Earth sera recherché, au pire en
vidéo-projection (on reviendrait là à une forme de cours, de
démonstratif, ce qui n’était pas souhaité au départ, mais contraint par
notre matériel limité) car l’outil facilite la relation
réel/représentation du réel
7. Un point de vue, une remarque que
vous souhaiteriez partager avec les lecteurs du Café Pédagogique ?
Au final, des élèves qui ont une autre image de la discipline, un
certain nombre d’acquis notamment méthodologiques (légender une carte,
construire un diagramme pluvio-thermique…), mais aussi les items du
B2i presque tous validés au passage (sauf e-mail), une cohérence de
cycle et un moment de respiration dans la semaine où « on travaille
autrement », tout ceci donne envie de continuer. Quelques collègues
extérieurs à l’école utilisent d’ores et déjà notre support en ligne ;
le travail de conception est assez lourd et on pourrait imaginer que
des contributions extérieures enrichissent le projet (améliorations,
production de thèmes non encore traités et déclinaisons locales des
thèmes traités). Lecteurs, à vos marques…