Alexandre
Acou apprécie Twitter, et s’est dit qu’il pourrait en faire profiter
ses
élèves de CM à Paris. Sa plus belle réussite : développer la production
écrite en direction de ses 195 abonnés, sans que ça lui prenne plus de
temps que ça… Et au passage, en développant un réseau de nouveaux
collègues devenus indispensable à l’exercice de son métier.
1. Quel a été l’origine (la personne,
l’évènement, la rencontre…) de votre projet ?
J’ai découvert à la rentrée 2011
les CP de Jean-Roch Masson
(@Classe_Masson) qui « twittaient » depuis un an, en même temps que je
découvrais ce réseau social. J’ai donc voulu à mon tour tenter
l’expérience. J’ai créé mon compte et celui de ma classe de CM1 avec
deux objectifs : motiver l’écriture et donc le travail sur la langue,
et enseigner l’internet responsable. J’ai pu dès le départ profiter des
conseils et critiques qu’avaient développés d’autres enseignants sur
Twitter, notamment sur leurs blogs, comme Laurence Juin, professeur en
lycée professionnel, ou Amandine Terrier en cycle 3, aidée de Bertrand
Formet.
2. Pouvez-vous décrire, du point de
vue des activités menées avec les élèves, une situation dans laquelle
vous avez vu un impact positif sur les apprentissages scolaires ou de
la mobilisation des élèves ?
Qu’il s’agisse de rédiger des commentaires lors d’une sortie ou bien
des énigmes mathématiques ou encore des poésies, la motivation et même
l’envie croissante des élèves, d’écrire, de lire, de partager via notre
compte Twitter, nous a permis de travailler en amont ou en aval de très
nombreuses compétences pluri-disciplinaires ! En français surtout, le
fait d’être lu (par au moins nos 195 abonnés dont 8 familles de la
classe) donne beaucoup plus de sens aux compétences, orthographier
correctement en tête. Quel que soit le contenu, les élèves sont prêts à
corriger autant de fois que nécessaire s’il reste des erreurs. Dans les
conventions de la classe, un tweet nécessitant une correction porte un
(c) ou est co-signé par l’enseignant.
Mais
je vois aussi un autre intérêt : dans les nombreuses situations de
communication, les élèves sont confrontés à des choix sur ce qu’on peut
écrire (ou pas) ou ce qu’on doit répondre. Ainsi, un jour trois élèves
décident de tweeter que tout le monde, sauf X. (qu’ils nomment) a eu un
point en plus… Je leur fais alors remarquer que quelque chose ne va
peut-être pas dans leur message. Après avoir cherché une faute
d’orthographe inexistante, elles comprennent et se disent qu’en effet
c’est « l’affiche » pour cet élève… Elles décident alors de corriger
en écrivant « tout le monde ». Je leur fais remarquer alors que c’est
faux. Elles finissent par reformuler en utilisant le « presque »…
3. Selon vous, quel est/a été la plus
belle réussite de ce que vous avez pu mettre en oeuvre ?
Globalement, l’intégration de cet outil de publication de notre vie de
classe et de communication (avec ses avantages) sans que cela ne
« prenne du temps » sur notre programme de travail. L’utilisation de mon
smartphone s’est révélée un atout de souplesse et bien sûr de
mobilité, mais aussi de travail individualisé d’écriture voire de
création photographique (lors d’un reportage sur l’école #lEcolecest
diffusé via Instagram et Twitter).
Plus simplement, le fait que chaque matin, les élèves regardent avant
tout qui est « tweeteur du jour » ou qu’ils me demandent de rester
pendant une recréation pour finir leur « brouillon Twitter », font partie
de mes plus belles réussites.
4. Et a contrario, une difficulté
persistante, un écueil que vous n’aviez pas mesuré complètement ?
Si l’aspect publication et partage de nos informations semble bien
intégré chez mes élèves, l’exploration, la découverte des autres
classes qui sont sur Twitter (et qui sont les seuls comptes auxquels
nous nous abonnons) semble moins les intéresser… Ce qui manque
peut-être au projet, mais qui en même temps me permet de rester centré
sur notre travail.
Ensuite, si certains parents (huit) ont ouvert des comptes Twitter pour
mieux nous suivre, aucun n’a interagi avec la classe. Il ne s’agissait
pas d’un objectif mais on peut imaginer le gain de motivation des
élèves face à des félicitations non pas « d’inconnus », somme toute très
aimables et importants, mais de leurs propres parents…
5. Pouvez-vous nous faire partager une
anecdote significative d’un comportement, d’une réaction d’élève(s) au
cours d’une des phases de votre travail ?
Après celle déjà évoquée plus haut, relatif à l’usage responsable
d’Internet, je pourrais parler de #conseilsorciere, un travail
d’écriture de conseils à l’impératif mené à la manière de Jean Tardieu,
début d’avril. D’abord cela a poussé chaque élève à écrire au moins une
phrase avec consignes précises, sans faut. Beaucoup en ont rédigé
plusieurs, généralement en temps de travail « libre », et ont donc
remobilisé leurs compétences. Cela a aussi motivé un professeur
d’anglais de collège à Montpellier à faire de même en anglais
(#witchadvice) en nous adressant les messages, et a motivé en retour
une de mes élèves, sans que je lui demande, à en écrire un en
anglais, provoquant le besoin d’un travail sur le vocabulaire
français-anglais des sorcières ! Et les voilà qui twittent en anglais à
l’impératif à la manière de Jean Tardieu !
6. Si c’était à refaire, pouvez vous
citer une phase du projet que vous pourriez modifier pour le rendre
plus « efficace » pour les élèves ?
Au départ, si j’avais été plus sûr de mon projet, j’aurais peut-être
davantage motivé les parents à participer, pour l’aspect motivation
pour écrire. J’aurais dû également me soucier dès septembre de la
conservation de tous ses messages en vue d’une restitution en fin
d’année sous forme de… question encore à étudier !
7. Un point de vue, une remarque que
vous souhaiteriez partager avec les lecteurs du Café Pédagogique ?
Je pense que ce projet m’a plu, et me plaît aussi parce qu’il va de
pair avec mon usage plus personnel de Twitter qui m’a permis d’échanger
avec d’autres enseignants sur les intérêts, les risques et l’avenir
d’un tel projet. De nombreux enseignants sur ce réseau (ceux déjà
cités, mais aussi Amandine Terrier, Bertrand Formet, ou Guillaume Caron
entre autres) forment un véritable mouvement pédagogique avec ses
réflexions, ses méthodes, et surtout son interactivité permanente et
immédiate. Plus globalement, la veille d’actualités sur l’éducation que
permet l’outil m’est aujourd’hui indispensable.
Enfin, je suis convaincu que cette démarche expérimentale a une
influence positive sur le travail d’enseignant car on doit davantage y
réfléchir et critiquer sa pratique. Collaborer, partager, essayer, mais
aussi relayer et valoriser, deviennent des choses aussi naturelles
qu’importantes. Et ce dynamisme positif déteint sans doute sur nos
élèves…
CM1,
école élémentaire B 47 avenue d’Ivry, 75013 Paris
http://twitter.com/#!/classe_acou