Les révolutions du « Droit et Grands Enjeux du Monde Contemporains »
Petite révolution, dans le cadre de la revalorisation de la série L de l’enseignement général, un nouvel enseignement de spécialité a été créé en terminale L : droit et grands enjeux du monde contemporains (DGEMC).
Si le titre de cette matière a des consonances géographiques ou philosophiques, la lecture du programme montre qu’il s’agit d’une véritable formation aux raisonnements juridiques, qui sera proposée aux élèves à partir de septembre 2012, dans près de 30 % des lycées ayant une série littéraire.
Pourquoi du droit en terminale L ?
Environ 25 % des bacheliers L poursuivent des études de droit à l’université ou préparent Sciences Politiques. Les juristes, dont je fais partie, expliquent que le droit est partout dans notre vie et celle des lycéens. Donc pour mieux appréhender sa vie professionnelle, familiale, et de citoyen, comprendre les rouages juridiques sera toujours utile.
En première L, les lycéens doivent choisir pour leur enseignement de spécialité entre : mathématiques, langue vivante 3, approfondissement LV1 ou LV2, latin, grec, arts et arts du cirque.
Les élèves de terminale L devront abandonner l’enseignement de spécialité qu’ils ont démarré en première s’ils veulent suivre celui de DGEMC. Mais ils ont la possibilité de transformer certains de ces enseignements en option de terminale.
Le projet de programme a fait l’objet d’une consultation publique, et si on compare la version initiale à la version finale, des changements sont intervenus. Certaines remarques ont donc été prises en compte.
Les thèmes et l’esprit du programme
Durant trois heures par semaine, les thèmes suivants seront abordés : la loi, la jurisprudence, le contrat, la responsabilité, la personne, le justiciable, le travailleur, le propriétaire, l’entreprise, la famille, le sexe, la vie, le corps, la santé, les discriminations, Internet, les infractions, l’organisation judiciaire, la constitution, les relations internationales, la gouvernance mondiale, les droits de l’homme, le droit de l’Union européenne.
Cette liste peut paraître ambitieuse, mais il ne s’agit pas d’une préparation à la faculté de droit, mais bien d’une proposition de réflexion sur des grands thèmes de notre société. Le but est d’initier au droit à travers les grands enjeux du monde contemporain et de donner l’envie de maitriser le raisonnement juridique.
L’épreuve au baccalauréat, une présentation orale d’un projet
Une épreuve finale portant sur un sujet nécessitant un énorme capital de connaissances aurait eu un effet dévastateur sur l’intérêt de cet enseignement.
L’épreuve retenue est la présentation orale d’un projet préparé pendant l’année par l’élève (seul ou en groupe). L’élève choisit une problématique en lien avec le programme et doit développer une argumentation juridique. Il est ensuite interrogé sur ce travail. L’épreuve sera coefficientée 4.
Les méthodes d’enseignement
Elles n’ont rien de révolutionnaires. Il faut partir de cas concrets pour aboutir à un raisonnement juridique technique. Méthodes déjà prônées et pratiquées, notamment en STMG et BTS tertiaires. Le DGEMC ne doit pas être un enseignement juridique de type universitaire, qui partirait de la théorie générale pour aboutir aux cas particuliers. Par exemple l’étude de la loi ne doit pas démarrer sur les différentes catégories de lois mais doit partir d’un cas qui pourrait montrer les enjeux de la loi par rapport à la liberté…
Diversité des enseignants
Lors des nombreuses journées de formation (pour l’académie de Lille), il nous a bien été précisé qu’il ne s’agissait pas d’une nouvelle discipline mais d’un nouvel enseignement. Une des conséquences sera la diversité du corps professoral engagé dans le DGEMC. Si la grande majorité vient de l’Économie Gestion, l’Histoire Géographie, les Sciences économiques et sociales, la Philosophie, la Littérature et les Langues vivantes, ont également fournis des bataillons… Le point commun étant bien sûr, une formation de juriste validée par un diplôme.
Ce mélange des disciplines est un des attraits de cette aventure : travailler avec des collègues d’autres matières pour le même cours.
C’est peut-être là que se situe une autre révolution, celle de la polyvalence en fonction des compétences. Si les professeurs d’Histoire Géographie et d’Économie Gestion y sont déjà habitués, d’autres le sont moins…
Lors des formations dans l’amphi de science Po à Lille, le matin les collègues d’Économie Gestion sont très à l’aise lorsqu’on aborde les contrats de droit privé, l’après-midi les historiens géographes reprennent la main dans le cours de droit constitutionnel, souvent relié à la troisième et la quatrième république.
Comment mutualiser ?
Le premier réflexe des enseignants en formation à Lille, devant l’ampleur de la tâche de création des séquences pédagogiques dans un domaine nouveau, a été de constituer une mini liste de diffusion interne. Ce système montrant rapidement ses limites, j’ai pensé développer un site et un forum pour augmenter les possibilités de collaboration. J’ai volontairement écarté la solution du wiki, parfois lourd à utiliser et à gérer.
Je voulais un outil de partage qui fonctionne de manière autonome : les professeurs vont stocker leurs fichiers dans leur espace de partage gratuit style « Google documents ». Ils postent ensuite les liens de leurs contributions dans les discussions.
Dernière révolution ?
Une autre révolution serait d’étendre cet enseignement à d’autres sections : S et ES.
Pour certains professeurs d’université, les meilleurs juristes sont souvent titulaires d’un bac scientifique : ils sont aptes à maitriser la rigueur des raisonnements juridiques. Les titulaires d’un Bac ES qui se destinent à Sciences politiques, à des études d’économie, ou à une école de commerce, vont également être formés au droit. Pourquoi ne pas les initier également aux problématiques juridiques de notre société dès la classe de terminale ? Il suffirait de leur permettre de prendre DGEMC en option…
Kaltenbach Louis
Professeur d’économie gestion
Lycée Pierre de Coubertin Calais