Par François Jarraud
Scolarisant encore la moitié de l’humanité, l’école rurale fait l’objet d’un nouveau numéro de la Revue internationale d’éducation de Sèvres (n°59). Malgré des situations très diverses, le numéro définit des invariants de l’école rurale et montre ses atouts. Parmi ceux-ci son inventivité en fait un appui pour le système éducatif dans son ensemble.
Il y a bien des façons d’aborder la question de l’école rurale. On peut se rappeler les scènes touchantes de la classe unique de Saint-Etienne sur Usson (« Etre et avoir ») ou au contraire dénoncer l’isolement, le manque de perspectives des écoliers ruraux. Sous la direction de Pierre-Louis Gauthier et Odile Luginbühl, la Revue internationale a pris le parti d’aller y voir de plus près. Elle revient avec une moisson de problématiques propres aux écoles rurales, des motifs d’inquiétude et aussi des éléments novateurs.
La problématique générale du monde rural c’est l’isolement. Les densités sont faibles, les distances de plus en plus importantes entre élèves et écoles et davantage encore entre enseignants. Or les uns et les autres ont besoin de communiquer pour progresser. L’article sur l’école rurale finlandaise montre par exemple que les enseignants des écoles rurales n’arrivent pas à accéder à la même formation continue que les collègues des écoles urbaines.
Et puis il y a la domination. L’espace rural est dominé par la ville qui y impose ses normes et qui l’exploite. Un bel exemple est donné par l’école rurale chinoise longtemps délaissée et considérée comme une un moyen de produire de la main d’oeuvre bon marché. En France, l’école rurale, la classe unique ont longtemps été regardés de haut. Le regroupement en grands établissements est encore encouragé et considéré comme un outil d’accès à la modernité. La revue ne le dit pas, mais très récemment les suppressions de postes ont durement frappé les régions rurales quand, par exemple en Limousin, on leur affecte les coefficients d’emploi des zones urbaines.
Car le grand problème de l’école rurale c’est son coût. Forcément, du fait des faibles densités elle coût plus cher que l’école urbaine. Cela génère un certain acharnement contre elle. En France, Yves Alpe montre des effectifs décroissants rapidement et la montée des RPI. En Finlande le surcoût est évalué à 14%.
Pourtant l’école rurale garde des atouts. Yves Alpe montre qu’en France ses résultats sont meilleurs dans les évaluations nationales et pour l’accès au CM2 sans redoublement. Et on connait le dynamisme de réseaux ruraux vivifiés par le désenclavement permis par les TICE. En Argentine, la Revue montre comment les enseignants ont été contraints de s’affranchir des consignes officielles pour inventer de nouveaux savoirs faire. Au Burkina Faso, en Tanzanie, les écoles rurales sont celles qui à travers le bilinguisme sont en train de faire revivre les langues nationales en les dotant de dictionnaires, grammaires et manuels. Bien loin d’agoniser, l’école rurale est un berceau. « Ne peut-on alors reconsidérer la place de l’éducation en milieu rural et faire de sa particularité, non pas un motif de stigmatisation, mais un atout de la recherche pour l’amélioration de la qualité de l’éducation ? » interrogent Pierre-Louis Gauthier et Odile Luginbühl. Bonne question !
Education et ruralités, Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°59 avril 2012.
François Jarraud
Liens :
La Revue de Sèvres
http://www.ciep.fr/ries/index.php
Dossier l’école rurale
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/[…]
L’école rurale menacée par la RGPP