Par Françoise Solliec
Des élèves volontaires, pour ne pas dire volontaristes, motivés, et en petit nombre, des moyens suffisants, une équipe soudée de pédagogues, le micro-lycée de la Courneuve serait-il la structure idéale d’enseignement ? Pas si simple, affirme Nathalie Broux, l’une de ses coordonnatrices.
Dernier-né des micros lycées de l’académie de Créteil, celui de la Courneuve a ouvert ses portes en 2009, explique Nathalie Broux, l’une de ses deux coordonnatrices. Accueillant les élèves uniquement au niveau 1ère et terminale, il est complété au niveau seconde par le dispositif Nouvel élan implanté au lycée Mozart du Blanc Mesnil.
Administrativement, le micro lycée est rattaché au lycée Jacques Bel de la Courneuve, mais fonctionne dans des locaux indépendant, prêtés par la mairie, qui ne lui permettent pas d’accueillir plus de 40 élèves. Sa structure se compose de 2 classes de 1ère, L et ES, et des 2 terminales correspondantes. Comme les 3 autres structures similaires, son fonctionnement est garanti par la région Ile-de-France. Il répond à une charte précisant que « les microlycées sont des lieux de recherche-action suivis par des laboratoires universitaires en Sciences de l’éducation. Le travail expérimental reconnait à l’enseignant qui exerce dans un microlycée une fonction de praticien-chercheur ».
Les élèves recrutés, qui ne sont plus scolarisés depuis au moins quelques mois, ont de 16 à 25 ans et peuvent avoir décroché à n’importe quel niveau, mais tous ont une ambition commune, « raccrocher » une formation diplômante, avec pour premier objectif l’obtention du baccalauréat. « Il n’y a pas de critères hyper stricts de recrutement » déclare Nathalie Broux, les élèves ont en général mis un pied au lycée, mais ils peuvent aussi avoir obtenu un CAP ou un BEP. « On essaie de penser des passerelles ».
Les élèves nous sont souvent envoyés par d’anciennes connaissances » mais ils peuvent aussi être orientés par l’inspection académique, ou les missions locales, ou encore venir d’eux-mêmes, sur consultation Internet. Environ la moitié des élèves recrutés le sont en juin, l’autre moitié de septembre à décembre.
Dans l’équipe enseignante, pratiquement tous les membres interviennent à mi-temps, l’autre mi-temps s’effectuant dans un autre lycée. « Nous défendons l’idée d’avoir un pied dans l’enseignement traditionnel » et cette façon de fonctionner « en miroir ». Malgré le désir de raccrochage affirmé des élèves, les phénomènes et les attitudes qui ont conduit au décrochage sont toujours présents. Il est donc nécessaire de retisser toute une relation au travail scolaire et aux examens. « Il faut jouer d’ingéniosité pour essayer de se mettre là où en est ‘élève par rapport à la discipline et définir les connaissances qu’il lui faut acquérir ». Il est en fait aussi important pour les enseignants de redonner confiance aux élèves que de préparer le bac. Ils ont donc établi pour chacun un programme de travail personnalisé où la philosophie et les arts tiennent une grande place et illustrent ou mettent en perspective de larges pans du programme de lettres ou d’histoire. En ce qui concerne les SES, l’équipe essaie d’utiliser les expériences professionnelles (souvent des petits boulots) et de faire référence au vécu. « On essaie de créer une collégialité » affirme Nathalie Broux, « on fait le ménage ensemble, on organise des études sur place, chaque élève a un tuteur ». L’objectif est de faire corps, de prendre confiance, d’apprendre à travailler ensemble, mais aussi de constater qu’on est pris en compte individuellement dans ce retour à l’apprentissage et à la vie en société.
Comment travaillent concrètement les enseignants du micro-lycée ? « Comment travaille-t-on avec un élève qui vient de s’absenter un mois ? » rétorque Nathalie Broux. On essaie de ne pas travailler en séquences et de savoir à tout instant ce sur quoi on peut s’accrocher pour chacun en termes d’activités. Le professeur d’arts plastiques joue un rôle transversal. C’est important en terminale L pour garantir les options, c’est important pour les autres élèves de pouvoir élargir leur horizon culturel (photo, vidéo, dessin etc). Beaucoup d’enseignants suivent des stages de création et reprennent cette dimension dans leurs cours, notamment en philo, littérature, histoire, géographie.
Au moment du recrutement, on fait passer un test écrit, notamment pour savoir si le candidat a des capacités d’abstraction. S’il est trop faible, on fait des propositions de réorientation dans d’autres formations. Mais le véritable filtre est avant, sur la motivation, le projet, les acquis personnels pendant la période de décrochage. « Très peu de candidats sont refusés simplement parce que leur test n’est pas bon ». Pour ceux qui entrent en terminale, c’est assez compliqué, car ils ont souvent déjà expérimenté l’année du baccalauréat. Même s’ils ont le niveau, il ne faut pas oublier de vérifier qu’ils vont bien se lever le jour de l’examen ! Les méthodes de travail adoptées semblent porter leurs fruits : l’an dernier 8 élèves sur 10 ont obtenu le diplôme.
L’avantage d’être coordonnatrice, c’est qu’on peut exercer des tâches administratives et de pilotage, tout en restant entre pairs, déclare Nathalie Broux, qui regrette néanmoins de ne pas être évaluée aussi dans cette fonction. Elle joue ainsi « un rôle de relations avec l’extérieur, notamment avec les autres micro-lycées avec lesquels on travaille beaucoup, on garantit la liberté pédagogique et l’autonomie de l’équipe ». Le fait d’être encore enseignant permet d’estampiller la structure comme expérimentale. La charte des micro-lycées précise qu’en raison de son caractère très fort d’entité, elle peut recruter elle-même une partie de ses enseignants sur des postes à profil, avec l’accord du proviseur et de l’inspection académique. La cohésion de l’équipe enseignante et sa forte volonté de travail en commun, non seulement méthodologique, mais aussi interdisciplinaire, sont en effet des gages de réussite importants dans la réussite des micro-lycées.
Le microlycée 93
http://web.me.com/eburaud/Microlycee93/Bienvenue.html