Par François Jarraud
« Jamais dans une élection il n’y a eu deux conceptions aussi différentes de l’école ». Devant les parents de la FCPE, à Paris, le samedi 17 mars, le candidat socialiste visait à opposer son projet d’école « de la réussite et de l’émancipation » à celui de Nicolas Sarkozy, « l’école de la sélection et du tri ». Mais ce qu’ont vu surtout les participants c’est la différence entre les deux candidats de gauche aussi bien dans le style que dans la forme. On retiendra enfin l’engagement de F Hollande de matérialiser un statut des délégués de parents d’élèves et de rééquilibrer les rythmes scolaires.
Samedi 17 mars, la première association de parents d’élèves a invité les candidats à la présidence à débattre devant elle. Tous ne sont pas venus. La FCPE se refuse à inviter M. Le Pen. Les autres candidats de droite se sont fait représenter par des représentants qui ont plutôt parlé pour eux-mêmes : C Goasguen pour le candidat UMP et Jacqueline Gourault pour F. Bayrou. Eva Joly a dominé la matinée avec une promesse de 20 000 embauches pour le système éducatif et l’idée d’une grande école commune de 6 à 16 ans.
Les interventions de François Hollande et Jean-Luc Mélenchon restent le point fort de la journée. Dans cette assemblée plutôt orientée à gauche, les deux hommes ont dû répondre aux questions de la FCPE et présenté rapidement leur programme. Or à l’évidence beaucoup de choses opposent les deux candidats. A la prudence et la modération de F Hollande répond la fougue du tribun Mélenchon. Au programme détaillé et pesé à la virgule près du candidat socialiste s’opposent les coups de coeur et les à-peu-près du candidat Front de gauche.
François Hollande : réforme des rythmes scolaires et statut pour les parents
On n’attend pas F. Hollande sur des mots mais sur ses engagements. Quand il s’exprime, il a une arme : son humour. Et un handicap : chaque mot engage le candidat et chaque formule est pesée soigneusement, ce qui ne facilite pas l’élan. Justement, F Hollande est venu pour rappeler son programme mais aussi pour faire des annonces.
La première annonce va droit au coeur de la FCPE. L’association de parents d’élèves se bat depuis des années pour un statut de parents d’élèves. F Hollande ne promet pas un statut mais des réponses. Les parents délégués bénéficieront d’autorisation d’absence pour assister aux conseils de classe. « Ce décret sera pris » promet F Hollande. Progressivement un dispositif de compensation pour payer le temps d’absence sera mis en place.
La seconde pose plus de problèmes. F Hollande a promis le retour à 4,5 jours de classe par semaine au primaire à la place de la désastreuse semaine de 4 jours imaginée par X. Darcos. Il souhaite aussi réduire les congés d’été. « C’est en France que la scolarité dans l’année est la plus courte et les heures de la journée les plus longues », déclare-t-il.
« Les moyens supplémentaires ne serviront pas à refaire ce qui a été défait« , explique F Hollande, « mais à changer l’Ecole ». Il revient sur l’augmentation de moyens pour l’éducation : 60 000 postes. « Vous avez vu ce que cela m’a valu », rappelle-t-il en faisant allusion au débat sur le coût de cet engagement. Une partie de ces emplois sera fléchée vers la maternelle. F Hollande promet que tout enfant de 3 ans pourra aller en maternelle si ses parents le souhaitent. Il ne veut donc pas de scolarisation obligatoire. Une loi de programmation et d’orientation sera proposée au Parlement. La candidat socialiste veut aussi revenir sur la très récente circulaire d’application de la loi Carle. « Une commune qui a une solution publique de scolarisation ne doit pas payer pour un élève scolarisé dans le privé dans une autre commune ». Enfin F Hollande a souligné la nécessité de la gratuité des outils numériques : « l’équipement numérique doit être apporté aux élèves », ce qui passe par une péréquation des moyens entre les collectivités territoriales.
Mélenchon : Flottement pédagogique et laïcité
« Les bienfaits de la loi de 1905 doivent être étendus à tout le territoire », promet Jean-Luc Mélenchon, visant le statut particulier de l’Alsace-Lorraine. L’autre phrase forte du candidat concerne l’enseignement privé. « La droite veut la privatisation de l’Ecole », estime JL Mélenchon. « Moi je suis pour le monopole ». Devant la salle il fait revivre la perspective de la nationalisation du privé, estimant que c’est un combat où il aurait besoin d’être soutenu. Il se présente aussi comme favorable au rétablissement de la carte scolaire et hostile à la marchandisation de l’éducation.
Fermer les boîtes à bac. JL Mélenchon rappelle tout ce que Bourdieu lui a apporté. « A l’école le tri est fait dès la grille », explique-t-il. « Comme ministre de l’enseignement professionnel (de 2000 à 2002) j’ai découvert le mépris de classe pour les milieux populaires ». Il prend l’engagement de fermer les entreprises privées de soutien scolaire et de supprimer l’avantage fiscal pour leurs services.
Un certain flou pédagogique. « Je vous invite à vous méfier d’un président de la République qui vous dirait ce qu’il faut faire dans les classes » , annonce d’emblée JL Mélenchon. Aux questions de la FCPE sur le collège unique et les méthodes pédagogiques il ne s’engage pas. « Dans le collège unique il n’y a que le bâtiment qui est unique », précise-t-il. Est-il contre le collège unique ? Il estime qu’il ne correspond pas à l’idéal « que nous avions ». Si l’orientation précoce est fustigée comme imaginée par « des gens parfumés », JL Mélenchon défend les 4ème et 3ème technologiques. Même flou sur les méthodes pédagogiques. Il met en débat la méthode hypothético-déductive et l’inductive, pour préciser que celle-ci doit trouver sa place à l’école. Mais peu importent les imprécisions. Le talent d’orateur du candidat Front de Gauche fait revivre 1981 ou 1936.
François Jarraud
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