« J’aimerais bien être une petite souris pour voir ce qui se passe en classe »… On entend souvent cette réflexion de parents au portail des écoles. Sylvie Torre, enseignante en CE2 à Chartres, a été invitée par le GFEN à présenter ce qu’elle fait avec les parents de ses élèves et elle espère bien que les échanges qu’elle suscitera enrichiront le groupe présent, composé d’enseignants, directrice d’école, maitre G en RASED, mais pas seulement, technicienne d’une ville chargée d’éducation, responsable syndicale, plusieurs étudiants en sciences de l’éducation…
Faut-il être parent soi-même pour mieux se rendre compte de l’intérêt de communiquer avec les familles ?… Sans doute pas. Mais, concède Sylvie Torre, « c’est quand j’ai vu comment procédait l’enseignant de ma fille en maternelle que j’ai mieux réfléchi à ces relations et fait évoluer ses pratiques avec les parents de mes élèves ».
Elle lance l’atelier en proposant une rapide réflexion individuelle dans laquelle elle invite chacun à « trouver 3 bonnes raisons pour travailler avec les parents et 3 bonnes raisons pour ne pas travailler avec eux ». Elle liste au tableau les réflexions du groupe, faisant surgir les préoccupations communes :
– « Moi, je suis directrice d’école et enseignante, les relations avec les parents me permettent de mieux connaitre les enfants, d’installer la confiance, de les reconnaître comme partenaires principaux.
– On a besoin d’avoir leur aval, pour éviter les conflits de loyauté, lever les malentendus, avoir des retours sur l’élève à la maison.
– On leur demande aussi de nous aider pour accompagner des sorties, participer à des fêtes, des projets, on utilise des compétences qu’ils ont (lire des livres en classe ou à la bibliothèque par exemple).
– Les enfants ont besoin de leurs parents pour réussir, on doit faire alliance avec la famille. »
Mais on accepte aussi de faire part des « bonnes » raisons pour ne pas s’engager à travailler avec les parents quand on est enseignant : bien séparer école et famille, ne pas les mettre en difficultés par rapport au travail scolaire, éviter d’être « envahis » par eux, se protéger de pressions éventuelles sur les programmes, et surtout… « ça prend du temps »
Un peu de théorisation des pratiques…
Comme elle est aussi formatrice d’enseignants, elle s’autorise à donner aux participants une « typologie » des parents proposée par J. Bernardin :
– ceux qui sont actifs et s’impliquent… il faut entretenir la motivation parce que rien n’est acquis définitivement
– d’autres qui délèguent beaucoup (« c’est l’affaire de l’école »), à qui « il faut faire comprendre que l’école a besoin d’eux pour soutenir les apprentissages de leur enfant »
– certains se sentent résignés, ayant eux-mêmes connu des difficultés dans leur propre scolarité et tombent dans le fatalisme, qu’il faut aider àcomprendre le fonctionnement de l’école
– ou ceux qui sont dans l’ambivalence, qui reconnaissent l’importance de l’école mais la critiquent en même temps….
Des réunions de parents… Comment faire ?
Puisque l’institution scolaire demande à tous les niveaux de classe d’organiser des réunions avec les parents, il faut le faire… Mais comment faire venir tous les parents ?
« La première chose que je fais, explique Sylvie Torre, c’est de montrer aux parents leurs enfants comme élèves C’est ce qu’ils ont envie de voir d’abord… Je leur permets d’être ces petites souris !… Mon outil principal est l’appareil photo ! Je prends des photos de tous les élèves dans toutes les situations de classe. Les parents peuvent se rendre compte de l’attitude de leur enfant dans cet espace qui n’appartient qu’à eux… Ces photos me servent à illustrer le fonctionnement de la classe, mais mon objectif principal c’est d’expliciter ce que j’attends des élèves en classe. »
Avec des exemples concrets d’activités, elle explique ses intentions, ses croyances, ses ambitions, ses méthodes de travail, en bref, toutes les convictions qui l’ont amenée au GFEN.
D’abord, dire aux parents que « la classe a un bon niveau cette année, un peu hétérogène, mais chacun va progresser ». Elle dit cela chaque année bien sûr. Posant ainsi tranquillement l’idée que pour que les élèves y arrivent, il faut y croire. Ensuite, elle présente aux parents les résultats d’une enquête menée en début d’année pour mesurer les représentations qu’ont les élèves sur les enjeux des apprentissages : est-ce important d’apprendre ? pourquoi apprendre ? comment on fait pour lire ? Ainsi, elle montre combien c’est important d’avoir un projet, un horizon d’attente. Elle explique aussi les activités, les projets, les différents intervenants et lieux, les programmes, les évaluations. Bref, la professionnelle de l’enseignement, c’est d’abord elle. Et elle détaille comment, à l’école, on apprend, on pense, on travaille, on réfléchit, sérieusement : en groupe, en confrontant, en mettant en commun les procédures de chacun, en cherchant chez les autres des stratégies plus efficaces, plus rapides… « On n’apprend pas seul mais avec les autres, on apprend des autres ». Et que ça va mettre du temps, et des efforts, que personne ne pourra faire à notre place.
Tous les parents sont capables d’aider leur enfant. Tout dépend à quoi…
C’est le moment de la réunion où elle retourne la situation vers les parents, et leur dit compter sur eux pour soutenir la scolarité de leur enfant. Comme dans l’autre atelier (voir ici) : « Vous avez appris beaucoup de choses à votre enfant depuis qu’il est petit, vous lui avez parlé avant qu’il ne sache parler, vous l’avez encouragé pour qu’il apprenne à marcher, vous n’avez pas fait à sa place pour lui apprendre à faire du vélo. Pourquoi ne pas faire la même chose avec les apprentissages scolaires ? »
C’est tout ça et rien que ça… et tous les parents peuvent le faire !