Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs
Ce mois-ci, nous attirons votre attention :
– Sur la reconversion professionnelle de Thierry Devos, qui a démissionné après 17 ans d’enseignement pour créer GRAFEN;
– Sur l’entretien professionnel à 20 ans de carrière, à travers un sondage réalisé par une enseignante en voie de reconversion professionnelle ;
– Sur la publication massive des postes à pourvoir dans le réseau ECLAIR, à défaut de pouvoir proposer aux enseignants d’autres formes de secondes carrières ;
– Sur les éventuelles conséquences du projet annoncé en 2007 par le président candidat et baptisé « service public 2012 »…nous y sommes…
Thierry Devos, après 17 ans d’enseignement, a démissionné pour créer son auto-entreprise comme coach en orthographe.
Exposez-nous votre parcours de carrière dans l’enseignement, et ce qui vous avait motivé pour y entrer :
Dès l’âge de dix-neuf ans, je suis entré au service de l’Education nationale comme surveillant en collège et lycée. Cela était un moyen de financer mes études, et surtout une découverte du monde éducatif puisque dès cette époque le projet de devenir enseignant était bien présent.
Devenu professeur de Lettres Modernes à vingt-quatre ans, j’ai commencé en Lycée puis j’ai obtenu un poste de titulaire en collège REP. Transmettre la capacité à maîtriser la langue française, partager et donner le goût de la littérature était très important. J’étais moi-même issu d’une famille très modeste, l’école m’a permis de progresser socialement, intellectuellement. J’ai donc toujours été guidé par cette idée de permettre au plus grand nombre d’accéder à la connaissance, à la culture.
Quelles compétences pensez-vous avoir développées dans l’enseignement, et comment ?
Après les premières années pendant lesquelles j’ai appris mon métier au contact de la « réalité du terrain », tant il est vrai que ce métier s’apprend avant tout par la pratique et l’expérience, j’ai commencé à m’investir dans des projets plus importants, et notamment le domaine des nouvelles technologies appliquées à l’enseignement (TICE)
Ensuite, après une inspection réussie, on m’a proposé d’intégrer un groupe d’innovation pédagogique de l’académie de Lille, qui était pionnière dans l’équipement des établissements en « salles pupitres » (24 ordinateurs élèves, pilotés par un poste maître). J’ai conçu et animé, avec d’autres collègues formateurs, et sous la responsabilité d’une IPR, des formations destinées aux enseignants. C’est sans aucun doute la période la plus enrichissante intellectuellement que j’ai connue.
J’ai enfin formé des professeurs stagiaires, et travaillé pour l’amélioration de la liaison collège-lycée dans mon académie.
Tout cela m’a permis de diversifier mes compétences, de m’adapter à des publics d’adultes, de concevoir des formations, et de mettre en œuvre des méthodes pédagogiques très variées.
Quelles raisons et/ou motivations vous ont donné envie de faire autre chose ?
En 2009, deux facteurs ont joué un rôle important : une vraie « fatigue psychologique » puisque j’enseignais dans un collège où les élèves étaient en grande difficulté, ce qui demande une dépense d’énergie assez impressionnante, à cela est venu s’ajouter le sentiment de ne pas pouvoir évoluer, d’être pris dans un carcan, une routine qui ne me satisfaisaient plus. Je voulais utiliser mes compétences d’une autre façon. Après avoir formé des adultes, en ayant conçu et animé des stages, je me suis rendu compte que c’était ce qui m’intéressait le plus.
Un autre événement en 2010 a joué également un rôle essentiel : j’ai eu l’opportunité de former pendant quelques semaines des moniteurs-éducateurs. Ces professionnels compétents avaient pourtant des difficultés et un manque de confiance assez surprenant lorsqu’il s’agissait pour eux de rédiger des rapports, essentiellement destinés aux autorités judiciaires. J’ai compris à ce moment que des besoins existaient, et bien plus qu’on ne le pense, en matière de communication, et de maîtrise de la langue.
Comment concrètement s’est déroulée votre reconversion ?
J’ai découvert l’existence de L’IDV (Indemnité de Départ Volontaire) totalement par hasard. Dès lors, l’idée de quitter l’enseignement « classique » a peu à peu fait son chemin entre 2009 et 2010.
En 2011, j’ai à la fois engagé la procédure de démission pour « projet personnel » et j’ai créé une activité en tant qu’auto-entrepreneur.
Pour obtenir l’IDV, j’ai d’abord demandé des renseignements par courrier au rectorat qui, en retour, m’a fait parvenir le décret de 2008 qui définit les règles d’attribution de l’indemnité :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?c[…]
Ensuite, il a fallu s’adresser à la DPE (Division des Personnels Enseignants) du rectorat, pour demander le montant attribué en fonction de ma carrière. On m’a alors fait une proposition chiffrée. Il est possible de la contester, ou de l’accepter. Pour ma part, j’ai accepté et envoyé en recommandé ma demande de démission pour projet personnel en transmettant mon n° de Siret – numéro d’enregistrement auprès de l’URSSAF en tant qu’auto-entrepreneur-.
Il est à noter qu’en cas de départ pour une création d’entreprise, type SARL, la procédure est plus longue puisqu’il faut fournir le KBIS de l’entreprise.
Enfin, le rectorat m’a fait parvenir le document qui officialise la «radiation des cadres ». L’ensemble de la démarche a demandé quatre mois.
En quoi consiste votre nouvelle activité ? Qu’y proposez-vous ?
Les difficultés à s’exprimer clairement, à rédiger avec une orthographe correcte sont un véritable obstacle pour des personnes très différentes, cela touche aussi bien le demandeur d’emploi peu qualifié que le professionnel qui, bien que compétent dans son domaine, se heurte à ces difficultés.
L’orthographe est avant tout une question de confiance en soi et d’organisation de la pensée, bien plus qu’un problème de règles – même si elles sont indispensables-
Je propose donc aux adultes un coaching en orthographe et expression pour ceux qui souhaitent se sentir enfin à l’aise lorsqu’ils rédigent. L’utilisation de méthodes moins « scolaires », certains procédés de mémorisation, l’utilisation des nouvelles technologies, et une démarche qui tient compte des difficultés de chacun pour fixer et atteindre des objectifs clairs permettent de dépasser « la peur de la faute ». Loin de l’ancestrale dictée qui est un exercice valable…si l’on maîtrise déjà l’orthographe.
J’interviens également pour la relecture et la correction de documents : orthographe, syntaxe et clarté de l’expression.
Tous ces services sont accessibles en détail sur mon site www.grafen.fr
Désormais, l’administration va proposer un entretien professionnel au cap de 20 ans d’ancienneté aux enseignants
De notre point de vue, nous l’avions souligné à plusieurs reprises depuis 2010, l’entretien professionnel à 2 ans d’ancienneté est trop précoce, et celui à 20 ans d’ancienneté est trop tardif.
Aucun des deux ne permettra d’aider concrètement des enseignants dans un éventuel projet de mobilité :
– le premier entretien permet plutôt d’aider un enseignant qui aurait des difficultés, il est beaucoup trop tôt pour le conduire vers une reconversion, car il souffre bien souvent de ne pas avoir bénéficié d’une formation digne de ce nom de la part de l’Education nationale pour laquelle il s’est pourtant investi sans compter son temps ;
– le deuxième entretien intervient vers l’âge de 45-50 ans pour un enseignant qui le serait devenu dans la continuité de ses études universitaires. A cet âge, il a atteint au moins le 8e échelon de son grade, parfois l’échelon terminal, et se reconvertir dans un autre ministère ou dans l’Education nationale sur une fonction administrative relève de la mission impossible : il coûtera trop cher, et ne sera donc pas le bienvenu. La Fonction Publique Territoriale ne voudra pas de lui non plus, puisque leurs différents DRH préfèrent recruter des fonctionnaires qui n’ont pas dépassé le 7e échelon de leur grade. En détachement, 70% de charges salariales sont à verser par la collectivité, contre 30% pour un contractuel, ce qui montre bien la difficulté, après 20 ans de carrière, de se reconvertir dans la Fonction Publique.
Alors l’enseignant aura-t-il envie de démissionner et de demander à ce titre une Indemnité de Départ Volontaire, alors qu’il lui restera encore en théorie 21.5 années à travailler ? Cette durée pose un problème majeur : la retraite des salariés du privé s’évalue sur les 25 meilleures années. Il faudrait donc à cet enseignant démissionnaire, donc aventureux, la possibilité de retrouver immédiatement un emploi dans le privé, sans jamais rencontrer de période de chômage par la suite…ce qui relèverait de l’exploit, surtout après 55-60 ans, au moment où bon nombre d’entreprises poussent encore leurs salariés vers la porte de sortie : leur retraite. Nous déconseillons aux enseignants soucieux d’obtenir une retraite convenable de démissionner après 20 ans de carrière, sauf s’ils ont découvert un procédé révolutionnaire et déposé un brevet d’invention, ou découvert le moyen de transformer le plomb en or bien sûr !
Donc que pourra donc bien proposer un Conseiller Mobilité Carrière à un enseignant qui a 20 ans d’ancienneté ?
Changer de niveau d’enseignement ?
Notre expérience d’accompagnement d’enseignants montre qu’il est fortement déconseillé, après 45 ans, de devenir professeur des écoles en raison des multiples problèmes musculo-squelettiques dont les enseignants avouent souffrir à partir de cet âge, à force de se pencher des dizaines de fois par jour vers « les petites tables, les petites chaises, les petits élèves »…
Changer de discipline alors ?
Les rectorats obligent déjà une partie des enseignants à le faire, et pour ceux qui sont déjà fatigués d’enseigner, changer de discipline ne change rien : pour la rentrée 2012, bon nombre d’enseignants de Technologie, de STI, et des professeurs RASED voient leurs postes et leurs disciplines d’enseignement purement et simplement supprimés, avec ce mot d’ordre : faites une reconversion ! En fait, avec la loi du 3 août 2009, ils sont tombés dans un véritable piège institutionnel : leur « mobilité » les conduit à se voir proposer trois offres successives d’emplois, qui peuvent se situer partout en France ou dans les DOM-TOM….s’ils les refusent, ils seront placés en disponibilité d’office au prétexte d’abandon de poste, le comble !
Devenir inspecteur ?
Il ne s’agit pas d’une seconde carrière nouvelle, et début 2012, tous les inspecteurs se posent la question de leur devenir, à l’heure de la réforme de l’évaluation des personnels enseignants. Beaucoup en ont déjà perdu le moral et se demandent s’ils ne feront pas partie des prochains wagons « volontaires » de la locomotive de la mobilité professionnelle…
Devenir chef d’établissement alors ?
Leurs pouvoirs ont été renforcés, et certains sont déjà autorisés (réseau ECLAIR) à recruter leurs équipes, et à les évaluer. Cependant, comme nous l’avait souligné Jean-Pierre Obin, la formation des chefs d’établissements a été réduite d’une année, et leur formation continue est déficiente. Beaucoup ne sont pas formés à gérer du personnel, et encore moins à l’évaluer. En 2006, une enquête menée par Georges Fotinos pour la MGEN indiquait que 52% des personnels de direction « n’avaient pas le moral », et que « si c’était à refaire », ils n’auraient tout simplement pas tentés ce concours…sachant qu’un chef d’établissement sur deux regrette de l’être devenu, comment imaginer que ceux là puissent gérer efficacement les richesses humaines qui leur sont confiées ?
Et en-dehors de cela, que proposer à des enseignants de 20 ans d’ancienneté ? Un congé maladie car ils n’en peuvent plus ? Un congé de formation, mais pour quel débouché puisqu’une fois la formation réalisée, aucun ministère ne voudra les employer puisqu’ils coûtent trop cher ?
L’Education nationale n’a en fait quasiment rien à leur proposer, sauf de les écouter, et de compatir, éventuellement, à leur désarroi dans cette situation d’impasse. Ce qui explique actuellement que beaucoup de CMC soient surchargés de demandes, aient à repousser des entretiens car débordés d’appels, certains étant ici et là en congé de maladie de plus ou moins longue durée : assurément, les CMC ne sont pas en nombre suffisant, pas assez formés, pas assez outillés, et les moyens alloués à chaque académie pour attribuer des congés de formation professionnelle et des possibilités de DIF sont nettement insuffisants, ce qui explique l’incapacité collective actuelle de l’institution à assurer les promesses de « 500 emplois de seconde carrière par an » promises en 2005 par François Fillon, ou les « 1000 emplois de seconde carrière par an » promises en 2006 par Dominique de Villepin. Depuis 6 ans, ces promesses n’ont jamais été tenues…alors comment les enseignants pourraient-ils croire celles qui leur sont tenues maintenant pour les années à venir ?
Toute l’action de l’Education nationale depuis 2002, il est important de le rappeler, n’aura pas été de créer des possibilités de secondes carrières, mais d’en supprimer, car il est toujours plus facile et rapide de détruire que de construire :
– suppression de 5200 emplois d’enseignants mis à disposition sur des fonctions non enseignantes auprès d’établissements publics et d’associations complémentaires de l’Etat ;
– suppression de plus de 12 000 emplois RASED (en comptant ceux de la rentrée 2012) :
http://ecolededemain.files.wordpress.com/[…]
http://www.fnaren.com/lafnarenenimages4.html
http://www.snuipp.fr/2-500-RASED-supprimes-le-scenario
– programmation de la suppression de postes de CFC puisque le statut des GRETA est appelé à changer… ;
– suppression progressive des « niches d’économies » de la part des personnels administratifs en IA ou en Rectorat qui traquent la moindre décharge (cabinet de SVT, cabinet d’histoire-géographie, médiation culturelle, conseiller TICE, etc.) ;
– non renouvellement d’un fonctionnaire sur deux qui commence à toucher les postes en détachement (passés de 6500 à moins de 3000 actuellement pour les non enseignants dans les établissements publics de l’Education nationale) ;
– diminution du nombre de postes adaptés (PACD et PALD) qui sont pourtant bien utiles pour les enseignants que le hasard a affligés d’une mauvaise santé, ou qui ont été victimes d’un accident suivi d’un handicap.
Jusqu’où et jusqu’à quand va-t-on priver les enseignants de possibilités réelles de reconversion hors de l’enseignement ?
Malgré tout, nous vous proposons de contribuer à ce sondage réalisé par une enseignante en voie de reconversion, sur l’entretien à 20 ans d’ancienneté
Aide aux Profs, depuis l’origine, en complément de son action d’information, de conseil et d’accompagnement d’enseignants dans leurs secondes carrières, se rend disponible pour aider les journalistes dans leurs recherches de témoignages de professeurs, dès lors que la thématique de leurs reportages correspond aux problématiques que nous développons, et étudie avec attention toute demande d’un étudiant ou d’un chercheur s’intéressant aux évolutions professionnelles des enseignants et aux outils et méthodes qui permettraient de les faciliter.
Une enseignante, dans le cadre de son Master en Ressources Humaines, nous a demandé notre aide pour concevoir et réaliser un sondage auprès des enseignants qui ont 20 ans d’ancienneté environ, et auront bientôt à passer cet entretien avec leur chef d’établissement.
Cette enquête a pour but de cerner le profil des enseignants répondant favorablement à cet entretien proposé par la hiérarchie et d’en connaître les attentes et le bilan. Toutes les réponses sont anonymes et ne sont utilisées qu’à des fins statistiques dans le cadre de son mémoire de recherches. Nous vous en communiquerons les résultats dès qu’ils nous seront connus.
Nous vous remercions par avance d’y répondre, cela ne vous prendra que 10 minutes au grand maximum :
https://sharing-data.satisfactory.fr/fr/client/b[…]
Déshabiller Pierre pour habiller Paul ; les ZEP perdent leurs moyens au profit du réseau ECLAIR
300 collèges et lycées les plus « durs » voient leurs moyens renforcés, tandis que les « ZEP ordinaires », où il n’est déjà pas si facile d’enseigner, voient leur budget diminué :
http://www.liberation.fr/societe/01012390085-l[…]
Alors que le « salaire de la peur » n’est que de 1156 € de prime, complété par une éventuelle part variable de 2400 € (combien la recevront, étant donné la complexité de la procédure d’attribution ?), pour faire partie des « lauréats » du recrutement massif proposé par la BIEP depuis une semaine dans les établissements du réseau ECLAIR, obtenir sa mutation dans la région de ses rêves s’apparente à un aller simple vers la dépression nerveuse.
Qu’en pensent les gestionnaires de l’Education nationale ?
http://gestionnaires.actifforum.com/t19004-prime[…]
Qu’en a dit le Café récemment ?
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/20[…]
Qui, parmi ceux qui ont conçu administrativement dispositif, est prêt à devenir enseignant dans ces conditions aussi difficiles, là où la sécurité des enseignants n’est pas toujours aussi assurée qu’on leur promet ?
La BIEP a publié entre le 25 janvier et le 15 février 2012 (date limite de toutes les publications pour ces postes, pensez à consulter la totalité des pages du site pour ne manquer aucun poste) des emplois d’enseignants de toutes disciplines dans les établissements du réseau ECLAIR, et certaines académies, où le turn-over est important, comme Créteil, y ont ajouté d’autres types de postes : est-ce le début d’une pratique qui deviendra courante si le président est réélu en mai 2012 ? Avec ses dernières déclarations sur la fin du recrutement des fonctionnaires, il est permis de s’interroger sérieusement sur cette question.
Seuls ceux qui désespèrent une mutation dans l’une des villes proposées devraient postuler, tandis que les chefs d’établissement n’auront aucun mal à recruter, puisqu’ils trouveront toujours des demandeurs d’emplois titulaires d’une licence pour accepter l’emploi qu’on leur propose :
http://www.biep.gouv.fr/common/jobSearch/showList
« Service Public 2012 », c’est quoi au juste ?
Le 19 septembre 2007, le président entrant (devenu en 2012 le président sortant) propose un chantier baptisé « service public 2012″…nous y sommes arrivés… en indiquant alors: Je souhaite une fonction publique moins nombreuse, mieux payée, avec de meilleures perspectives de carrière.
Mais pourquoi les promesses des « meilleures perspectives de carrière » n’ont-elles jamais été mises en oeuvre par exemple pour les enseignants en 2005 lorsque François Fillon avait alors promis « 500 postes de seconde carrière par an » ? Et par Dominique de Villepin en 2006 quand il avait doublé ce chiffre ? Voilà déjà 6 à 7 ans que ces promesses ont été faites, en contrepartie de l’acceptation, par les enseignants, dans la loi de 2003 portant réforme des retraites, de l’allongement de leur durée de carrière. Pour mémoire, la durée d’activité s’est allongée tout de suite, mais pour les secondes carrières, les enseignants n’en ont jamais vu la couleur…
C’est devenu une habitude, en France, quand un parti politique promet quelque chose, de présenter des contraintes et des avantages dans la même mesure à « faire digérer ». Les contraintes deviennent applicables immédiatement, et les avantages, eux, ne sont quasiment jamais appliqués.
C’est, une nouvelle fois, ce processus qui se profile pour les fonctionnaires, nouveaux boucs-émissaires d’une crise économique qui les rend coupables aux yeux de tout un peuple de « coûter trop cher », alors que le non renouvellement d’un fonctionnaire sur deux depuis 2007 n’aura pas permis d’économiser plus de 400 millions d’euros, alors que dans le même temps la suppression de l’ISF aura privé l’Etat de près de 2 milliards d’euros.
A quoi va mener cette politique de démantèlement progressif des services publics ? A la merchandisation forcenée de tout ce qui peut l’être dans les anciens services publics, qui, de ce fait, verront leur coût s’accroître, en diminuant le pouvoir d’achat des individus ? A quoi auront servi dans ce cas les augmentations de salaire promises ?
Rappelons cette loi qui peine à être appliquée dans ses volets les plus positifs, mais dont les volets les plus négatifs s’appliquent déjà: le 3 août 2009 la loi sur les parcours de mobilité interministériels a commencé par écorner le statut des fonctionnaires en indiquant qu’un fonctionnaire qui refuserait trois propositions de postes (où qu’ils se situent, en France ou dans les DOM-TOM) après que le sien ait été supprimé (du fait d’un redéploiement géographique), pouvait être placé en disponibilité d’office (donc privé d’emploi, un fonctionnaire ne pouvant pas ensuite être indemnisé par Pôle emploi même s’il cotise depuis des années…).
Pour ne citer que ce cas là, l’Education nationale refuse toujours aux enseignants le droit à une mobilité professionnelle tout au long de l’année, la cantonnant aux rentrées scolaires, alors que la loi du 3 août 2009 instituait pourtant « un préavis de 3 mois »… cela prouve une fois de plus que ne sont appliqués dans les lois que ce qui arrange les hommes politiques qui les font voter. A chaque fois, c’est un miroir aux alouettes, un écran de fumée.
Je souhaite une fonction publique moins nombreuse, mieux payée, avec de meilleures perspectives de carrière…mais pourquoi moins nombreuse ? Aide aux Profs en a trouvé les raisons:
– pour économiser des pensions civiles devenues coûteuses et réduire progressivement les dépenses de l’Etat, donc le volume de l’endettement;
– pour augmenter ceux qui – pour l’instant, il est certain qu’ils y passeront aussi à leur tour – n’ont pas encore perdu leur poste: c’est la technique du « diviser pour mieux régner »: ceux qui se voient octroyer une Prime de Fonction et de Résultats aujourd’hui pour s’atteler à réduire le nombre de fonctionnaires – leurs anciens collègues ? – verront eux aussi, un jour, une fois que plus personne ne sera là pour les défendre, leur poste disparaître;
– pour réduire les effectifs des syndicats, donc les grèves, donc rendre les salariés corvéables à merci: la promesse de gagner plus n’est donc pas d’une certitude absolue dans ce contexte;
– pour plaire au patronat, qui cherche une main d’oeuvre contractuelle peu chère et corvéable à merci, pour faire toujours plus de profits;
– pour merchandiser ce qui peut l’être…en ne conservant que ce qui ne devrait jamais pouvoir l’être: Intérieur, Justice, Défense, Budget.
Le président sortant (mais pas encore sorti) indiquait en 2007 vouloir un droit à la mobilité reconnu pour chaque fonctionnaire de France: explication…
– pour l’instant, on constate sur le terrain qu’il s’agit de la mobilité imposée aux agents, à l’issue de la restructuration ou du redéploiement de leur service. On reconnaît à chaque fonctionnaire le droit d’accepter ou pas (et dans ce cas là d’être placé en disponibilité d’office) sa mobilité…
En 2007, le président déclarait que les nouveaux entrants dans la fonction publique pourraient choisir entre le statut de fonctionnaire ou un contrat de droit privé négocié de gré à gré.
Aujourd’hui, à la veille des échéances de 2012, le président sortant ressort son projet de ses cartons…pour mettre fin à la sécurité de l’emploi dans la Fonction Publique :
http://www.lesechos.fr/economie-politique/election-p[…]
Le député Christian Jacob avait déjà tenté une incursion à ce sujet :
http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/01/07/ch[…]
Ce qui avait déjà soulevé des protestations :
http://www.lefigaro.fr/emploi/2011/01/07/01010-20110[…]
Si les élections présidentielles ne sont pas la période propice pour réaliser le projet « service public 2012 », qu’est-ce qui attend les 5 millions de fonctionnaires à partir de juin 2012 en cas de réélection du candidat sortant ?