Par François Jarraud
Refonder l’Ecole, c’est l’objectif que François Hollande fixe à son mandat s’il est élu. Il prononce aujourd’hui, à Orléans, à 18 heures, un grand discours sur la réforme de l’Ecole. En exclusivité, en voici dès maintenant les principaux thèmes.
« Refondation », « redressement moral et intellectuel », François Hollande place l’enjeu de la reforme scolaire très haut. « C’est un nouveau contrat entre l’école et la Nation, un pacte éducatif » qu’il propose, « une réforme globale ». » La France, parce qu’elle est une République, entretient un rapport particulier, privilégié, à son Ecole », déclare-t-il. « C’est le résultat d’une longue histoire, une longue et belle histoire… La liberté humaine, l’émancipation de la personne, l’établissement de la démocratie, supposent une éducation, un apprentissage, une culture, un savoir, des connaissances, mais aussi des combats « . Or » jamais l’Ecole de la République n’a été à ce point attaquée, brutalisée, qu’au cours de ces cinq dernières années, dans ses moyens bien entendu, et tout autant dans ses missions, mais surtout dans ses valeurs. Il va nous falloir rectifier cette erreur qui est une faute, la corriger, la réparer », promet F Hollande. C’est pour lui une exigence démocratique mais aussi économique.
Un objectif : lutter contre l’échec scolaire. « L’échec scolaire n’est pas une fatalité ! Non, la réussite des uns ne se nourrit pas forcément de l’échec des autres ! On veut trop souvent nous faire croire que pour que les uns réussissent les autres devraient échouer ! Les raisons de l’ampleur de l’échec scolaire en France sont ailleurs, dans cette “machine à trier” qu’est devenue notre Ecole », affirme-t-il. Pour lui 40% des jeunes entreraient en 6ème avec une faible maitrise de l’écrit, un diagnostic plutôt sévère.
François Hollande porte son effort en priorité sur le primaire. » j’ai décidé de faire de l’école maternelle et de l’enseignement primaire une priorité de mon action ». Il annonce le renforcement de l’encadrement au primaire, inférieur effectivement à la moyenne des pays de l’OCDE. » Je m’engage à ce que le principe dit “de plus d’enseignants que de classes” soit adopté et mis en oeuvre », promet-il. Il créera aussi une obligation d’accueil en maternelle à 3 ans et promet une remontée du taux de scolarisation pour les enfants de moins de 3 ans en zone prioritaire. Parallèlement, F Hollande annule les évaluations nationales qui seront remplacées par des évaluations indépendantes probablement par sondage. Ces évaluations avaient été très critiquées par le Haut Conseil de l’Education qui en avait critiqué la qualité. Les programmes très critiqués de 2008 seront revus. Mais F Hollande veut aussi une réforme des rythmes scolaires sur l’année et sur la semaine. C’est à dire le passage de 4 jours de classe par semaine à 4 jours et demi.
Sur le collège, il s’oppose aux orientations précoces que Luc Chatel a multiplié. « Ce qui fait la force des systèmes éducatifs qui marchent le mieux, c’est l’importance et la durée du tronc commun. C’est pourquoi je refuse totalement les orientations précoces proposées par l’actuel gouvernement. Vouloir orienter les élèves dès la fin de la cinquième, c’est accentuer les défauts de notre système, c’est trier encore et plus tôt, c’est aggraver encore les inégalités ».
Pour le lycée, François Hollande veut aller vers des lycées polyvalents associant général, technologique et professionnel, sans fixer d’objectifs précis. Il souhaite une réforme de l’orientation au bénéfice de l’enseignement professionnel. Les filières supérieures courtes devront faire place aux bacheliers technologiques et professionnels.
C’est sur la réforme de la formation que l’on attend aussi F Hollande. Il promet une refonte de la formation des enseignants. Outre le rétablissement de l’année de stage, il rétablira « une formation initiale et continue digne de ce nom » c’est dire que l’année de stage sera rétablie. Les enseignants seront formés dans des Ecoles supérieures du Professorat et de l’Education, au sein des universités, qui remplaceront les IUFM.
Et le métier ? F Hollande maintient le socle mais veut « l’adapter ». « Les pédagogies doivent évoluer », affirme-t-il, « le travail en équipe encouragé ». Mais le candidat mise sur la liberté des enseignants , en opposition à la mise en concurrence dont il accuse ses adversaires. C’est sur la sécurité et l’autorité qu’il conclue cet aspect de son discours. « L’autorité doit être restaurée. La sécurité doit être assurée ». Pour cela il mise sur l’augmentation du nombre d’adultes dans les établissements et la création d’un nouveau métier », évoqué à Perrefitte courant janvier. Il a bien sur confirmé l’embauche de 60 000 personnels supplémentaires dans l’éducation.
Alors que la droite veut mettre le temps de travail des enseignants en coeur de campagne, le discours de F Hollande cherche l’équilibre entre els attentes de la société envers son école et celles des enseignants. Les points d’équilibre seront définis dans une loi à l’automne et donc il y aura peu d’avancées concrètes à la prochaine rentrée. Un thème n’est pas abordé dans le discours : celui de la revalorisation, qui est pourtant attendue et une étape nécessaire au recrutement des 60 000 nouveaux enseignants.
Comment les syndicats accueillent-ils le programme de F. Hollande ?
Interrogés par le Café, les leaders du Snes, du Snuipp et du Se-Unsa accueillent différemment le discours de F Hollande.
Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa, salue « la vision humaniste et sociale de l’école » de F Hollande, « opposée à celle de N Sarkozy ». Il juge très intéressant le discours sur le primaire « après 10 ans de désintérêt » pour le premier degré. Il approuve le maintien du socle, le refus de l’orientation précoce, le rétablissement de la formation des enseignants. Il a pourtant deux déceptions : F Hollande ne parle pas ni de revalorisation financière ni de l’évaluation des enseignants. Sur le premier point, pour lui, les arbitrages ne sont pas faits.
Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, est le plus enthousiaste. « François Hollande a une vision de l’école » nous dit-il. Il salue la priorité au primaire, le rétablissement de la formation des enseignants, le principe du « plus de maîtres que de classe », la promesse de concertation. « Je constate avec satisfaction que la bataille pour défendre l’école durant ces dernières années n’a pas été vaine », lâche-t-il. Il retrouve dans les propos de F Hollande plusieurs revendications de son syndicat. « Les enseignants ont besoin de retrouver la fierté dans leur métier et la société de croire à nouveau dans son école ». La question des rythmes scolaires ne lui semble pas tabou. La question de la revalorisation « est une vraie question » même si le métier « est revalorisé dans la façon d’en parler ».
Déception. C’est l’impression que donne Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes. Pour elle, « il y a une véritable volonté de rupture avec la politique de ces 5 dernières années et c’est positif ». Il y a des choses concrètes mais aussi du flou ». Le flou c’est le second degré sur lequel F Hollande n’a pas dit grand chose. « Ca manque de fond et de réflexion » par exemple sur les questions qui se posent en classe. F Rolet regrette aussi de ne pas savoir comment seront répartis les nouveaux emplois. « La revalorisation reste symbolique ». Sur l’évolution du métier elle invite à être prudent..
Agressif, Luc Chatel a réagi pour l’UMP au discours de F Hollande en demandant « des droits d’auteur » sur des mesures qu’il estime déjà mises en oeuvre comme les AVS, la conférence sur les rythmes scolaires. « Le programme de F Hollande se réduit à un plagiat des mesures » sauf sur deux points : F Hollande « manque de courage » sur l’autonomie des établissements et est « obsédé des moyens ».
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