Par François Jarraud
Vivement soutenue par le gouvernement, la loi Grosperrin sur leur formation a été adoptée par le 15 février au terme de débats houleux. Elle reste très contestée.
La commission des affaires culturelles de l’Assemblée avait examiné le texte, inscrit en urgence par le gouvernement, le 1er février. La majorité a accepté quelques amendements. Ainsi la formation des enseignants est assurée « par les établissements d’enseignement supérieur notamment les universités », une modification qui ne rassure pas ceux qui y voient l’entrée du privé. Elle est définie dans « un cahier des charges » et non plus un référentiel ». Mais l’essentiel c’est la disparition du mot IUFM qui sera totalement éradiqué du code de l’éducation.
Une nécessité. Après l’annulation par le Conseil d’Etat de l’arrêté sur la formation des enseignants, le gouvernement aurait du négocier avec les syndicats la réforme de la formation. La loi Grosperrin évite ce débat et impose la solution présidentielle. Finalement l’Assemblée nationale a adopté le 15 février la loi par 263 voix UMP pour et 147 socialistes et 18 GDR contre.
Condamnée à gauche. L’adoption mobilise une forte opposition à gauche. Ainsi, « la FSU demande que cette réforme soit abandonnée. « Enseigner est un métier qui s’apprend », ce qui suppose de tout autres exigences. La formation des jeunes est un enjeu déterminant pour l’avenir… Elle poursuit son appel aux parlementaires à ne pas adopter cette proposition de loi. Elle s’adresse en ce sens aux sénateurs qui vont maintenant examiner le texte ». Pour le PS, Vincent Peillon et Bruno Julliard, conseillers éducation de F Hollande communiquent leur opposition. « Pour les socialistes, la formation des enseignants doit rester à l’université. François Hollande a été très clair sur ce point dans son discours sur l’École et la Nation du 11 février dernier à Orléans : « Les universités auront la responsabilité de cette formation (des enseignants). Les actuels IUFM se transformeront en Écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Je souhaite que tous les professeurs, quels que soient leurs niveaux de recrutement, qu’ils se destinent à enseigner en maternelle où qu’ils se destinent à être à l’université, partagent un moment de formation commun dans ces Écoles supérieures. C’est cela, la République ! (…) L’année de stages sera donc rétablie ». Le gouvernement actuel se montre d’une cruelle ignorance du métier d’enseignant, de ses exigences et de sa réalité au quotidien. Nous nous opposons donc fermement à la réforme votée par la majorité présidentielle, car enseigner est un métier qui s’apprend ». La loi pourrait faire l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel à la fois sur le fait qu’une proposition de loi ait bénéficié d’une procédure d’urgence et sur le fait qu’un texte réglementaire soit pris sous forme de loi.
Dossier législatif
http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/modification_dispo[…]
L’analyse du Snes
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/02/15022012[…]
Communiqué
http://www.cdiufm.fr/positions-publiques/article/formation-des[…]
La Cour des comptes épingle la formation des enseignants
En mai 2010, la Cour des Comptes avait publié un rapport d’expertise du système éducatif français extrêmement sévère demandant « un nouveau management ». Mardi 8 février, le rapport annuel de la Cour des Comptes convoque encore l’Education nationale. Parmi les sujets abordés : la formation des enseignants, le plan Réussite licence, les réseaux de recherche RTRA. L’enseignement supérieur prend donc une grande part du fardeau…
Didier Migaud, premier président, entouré des présidents de chambre et des magistrats, a présenté le Rapport annuel sous les tapisseries qui rappellent l’ancienneté de cette juridiction, vieille de plus de 7 siècles. Des nombreux sujets abordés par la Cour on retiendra son analyse de l’endettement public et les points qui concernent le système éducatif.
De nouveaux efforts pour réduire le déficit public. « Pour que notre pays évite une austérité brutale, il faut faire un effort partagé et continu maintenant ». Didier Migaud évalue le déficit public en 2011 à 5,7% du PIB soit 2 points de plus que la moyenne de la zone euro. Ces 100 milliards représentent les budgets de l’éducation nationale, de la défense et de la justice ! Le déficit alimente une dette de l’Etat qui représente 1700 milliards, soit 85% du PIB. Pour la Cour, il est indispensable pour que le pays garde sa souveraineté de réduire le déficit de 1 point de PIB par an soit 20 milliards. Pour cela de nouvelles mesures sont nécessaires pas seulement une hausse des recettes mais aussi une baisse des dépenses. C’est cette situation que le nouveau gouvernement devra affronter dès mai 2012.
Dans ce combat, la Cour a montré que l’Etat est mal armé pour lutter contre les fraudes. Dans une affaire récente, la fraude au quota de carbone, l’Etat a perdu 1,6 milliard de recette. 600 à 800 millions ont été perdus faite d’une réaction rapide du ministère des Finances ! La Cour demande une réorganisation des services chargés de lutter contre la fraude et les trafics financiers.
C’est la question de la formation des enseignants qui est le point le plus important abordé par la Cour. Elle rappelle que la masterisation a permis un gain immédiat de 9567 emplois et une économie budgétaire de 370 millions en supprimant l’année de stage. Mais « cela a entraîné des difficultés. En effet les enseignants débutants ont souvent été confrontés à des conditions défavorables d’exercice de leur nouveau métier alors que plus de 70% d’entre eux n’avaient aucune expérience de l’enseignement ». La Cour rappelle que ces nouveaux enseignants se sont retrouvés en ZEP ou contraints d’effectuer des heures supplémentaires alors qu’ils doivent déjà faire un temps plein plus une formation. Elle relève aussi « un défaut d’articulation avec les objectifs de l’enseignement scolaire ». Ainsi « la gestion des différents niveaux d’élèves ne représentait que 9 heures de formation pour le second degré ». Enfin le relèvement du niveau de diplôme requis pour se présenter aux concours a diminué le nombre de candidats et la sélectivité. La Cour recommande « des durées minimales de formation des étudiants en milieu professionnel » et de mettre les concours avant ou au début des masters. Elle souhaite aussi que les nouveaux enseignants affectés en zone difficile bénéficient de décharge.
La Cour a violemment critiqué la gestion de Valérie Pécresse, comme ex ministre de l’enseignement supérieur, à propos des Ecoles Normales Supérieures (ENS) et des Réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) et le Plan Réussir en Licence (PRL). Dotés de 200 millions de fondation, les RTRA ont en général consommé leur fondation pour faire face à des frais de fonctionnement. La Cour critique la façon dont les ENS gèrent les élèves et particulièrement leur sélectivité accrue et le laxisme avec laquelle elles ne veillent pas à l’obligation décennale des élèves. Le gros fiasco de V Pécresse c’est le Plan Réussir en licence. Doté de 700 millions de crédits, il doit remédier au fort taux d’échec en université : un étudiant sur trois seulement atteint la licence en 3 ans, un sur deux échoue en première année. Or « la répartition de cette enveloppe de crédits n’a guère été sélective », juge la Cour. « Ce plan n’a pas fait l’objet de la part du ministère d’un pilotage ni d’un suivi garantissant l’efficacité de cette dépense publique ». La Cour recommande l’amélioration de l’orientation avant l’entrée en université, de favoriser l’accès aux formations courtes aux bacheliers professionnels et technologiques.
La Cour est revenue sur le cas des inspecteurs d’académie de Paris, un corps qu’elle a largement contribué à faire supprimer. Ces inspecteurs étaient nommés sans aucun concours par simple décision en conseil des ministres. Le souci de la Cour aujourd’hui c’est que 12 inspecteurs ont été rattrapés grâce à des concours particuliers : ils sont devenus IPR. Elle demande à ce qu’on les suive de près et à ce que certains bénéficient d’une « formation renforcée compte tenu de l’insuffisance de leurs compétences professionnelles »… C’est une façon de rappeler qu’elle suit ses dossiers. Les gouvernants présents et futurs ont intérêt à lire le rapport annuel et à en tenir compte…
François Jarraud
Liens :
Le rapport
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/Theme-296.html
Le rapport spécial de 2010 sur l’éducation nationale
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Page[…]
Le Snes exige d’Hollande des mesures d’urgence pour les enseignants stagiaires
« Quel que soit le gouvernement en place après les élections, il devra rétablir des conditions acceptables d’entrée dans le métier d’enseignant ». Outre ce message très clair à François Hollande, Daniel Robin, secrétaire général du Snes, en a lancé deux autres. Un à Luc Chatel à propos de la loi Grosperrin. Et un autre à Alain Boissinot, recteur de Versailles, qualifiant « d’escroquerie » les masters d’ enseignement en alternance mis en place dans cette académie.
« C’est une méthode scandaleuse » qu’utilise le gouvernement avec la loi Grosperrin, explique Daniel Robin. Après l’annulation, fin novembre 2011, par le Conseil d’Etat de l’arrêté sur la formation des enseignants, le gouvernement était invité à proposer un nouveau texte. Pour D Robin, il a fait le choix de la proposition de loi Grosperrin pour gagner du temps et imposer la suppression de toute formation professionnelle et des IUFM. Une méthode qui,pour le Snes, est probablement illégale. Peut-on mettre une proposition de loi en procédure d’urgence (dispositif prévu pour les projets de loi gouvernementaux) ? Peut-on mettre dans une loi ce qui relève du cadre réglementaire ? Au niveau des personnels, le Snes a déposé pas moins de 300 recours devant le tribunal administratif pour exiger des indemnisations pour les enseignants stagiaires illégalement privés de leur année de formation et pour obtenir le paiement des 10 heures de travail hebdomadaire qu’ils ont fait en trop. Les jugements ne devraient pas tomber avant un an. Mais s’ils sont positifs, la facture pourrait être salée pour le futur gouvernement !
Des mesures d’urgence pour François Hollande. Pour Daniel Robin, « dès la rentrée 2012 il faudra un geste pour faciliter l’entrée dans le métier des stagiaires » c’est à dire diminuer le nombre d’heures de cours qu’ils devront faire et améliorer leur formation. « Il faut que la formation des enseignants soit révisée en urgence avec des mesures significatives » et cela « quelque soit le gouvernement en place ». Pour faciliter le recrutement, « on ne s’épargnera pas une vraie revalorisation », précise aussi Daniel Robin. Le Café avait souligné le silence de F Hollande sur cette question.
« L’escroquerie » des masters en alternance. Le Snes a tenu des propos très durs sur les masters d’enseignement en alternance mis en place dans l’académie de Versailles. Ils concernent une trentaine d’étudiants qui étaient admissibles en 2011 et détiennent un master 2 (en physique, SVTou EPS à Orsay) ou qui préparent le master 2 en maths (à Cergy). Pour le Snes, ce master » a aggravé leurs conditions de formation ». Le Snes apporte une preuve : la moitié des admissibles en 2011 ne le sont plus en 2012. Leurs conditions de travail sont trop dures pour se préparer valablement au concours : 6 heures et plus d’enseignement par semaine, plusieurs classes et niveaux, des établissements souvent éloignés des universités. Mais le pire c’est « l’arnaque » dont ils seraient victimes. D’après le Snes, alors qu’ils enseignent depuis le 1er septembre, les étudiants n’auraient toujours pas de fiches de paie. On leur aurait concédé une « avance » de salaire en décembre. Le Snes dénonce « l’attitude indécente » du rectorat qui n’a respecté ni leur qualification, ni les promesses faites pour leur rémunération. Payés en dessous de leur diplôme, ils ne gagnent que 5 463 € par an alors qu’on leur a promis 6000.
Masters en alternance : L’académie de Versailles répond. Contacté par le Café, Stéphane Aymard, secrétaire général adjoint, confirme les retards à régulariser le traitement des étudiants mais s’engage à leur verser 6000 euros annuels pour 6 heures d’enseignement. « Cet engagement sera tenu ». Il estime que « tout a été mis en oeuvre pour des versements le plus tôt possible ». Sur les difficultés rencontrées dans leur formation par les étudiants, S Aymard juge le dispositif en alternance « adapté ». La chute du taux de réussite des étudiants déjà titulaires d’un master 2 est liée aux difficultés du concours.
Liens :
Dossier de presse Snes
http://www.snes.edu/Formation-des-enseignants.html
Dossier loi Grosperrin
http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/modification_di[…]
Les stagiaires n’en peuvent plus
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/10/06102[…]
Une péniche pour la galère
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/201[…]
Sur les masters en alternance
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/20[…]
Le point de vue d’Alain Boissinot
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/01/2001_[…]
Dossier Formation des enseignants
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeFor[…]
Recrutement : Un niveau jamais atteint
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/10/101011_[…]
Capes : Modification des épreuves
Le J.O. du 11 février publie un arrêté modifiant certains capes externe et interne. Pour l’externe, sont moidifiées les épreuves en éducation musicale, histoire-géo, langue corse, physique – chimie. Pour l’interne, c’est el cas de l’histoire-géo et des lettres modernes.
Au J.O.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT0[…]
Sur le site du Café
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