Par François Jarraud
Soumis depuis 10 ans à une avalanche de réformes et de contraintes, voire de brimades, les enseignants peuvent être sensibles à la proposition de F Bayrou de ne rien changer pour les professeurs. Le maintien du statu quo ou le retour à un âge antérieur est il vraiment l’intérêt des enseignants et de la société dans son ensemble ?
Du primaire, avec les programmes de 2008, au lycée, avec la réforme des lycées généraux et technologiques, des lycées professionnels et une seconde réforme du technologique, l’Ecole a bien été soumise à une suite ininterrompue de réformes. Il faudrait y ajouter tout ce qui a été introduit au collège au nom du socle commun avec le livret personnel de compétences. Toutes ces réformes ont été masquées avec des arguments pédagogiques mais toutes ont vite montré leur vrai visage qui est de dégager des moyens et d’affaiblir les structures. Pour les enseignants elles se traduisent par des conditions de travail dégradées, un métier transformé et prolétarisé. Cela pèse lourdement en salle des professeurs où on constate une méfiance immédiate envers l’institution et un découragement général. Ajoutons que cela a aussi malheureusement décrédibilisé le discours pédagogique. C’est un terrain qui peut être d’autant plus sensible aux arguments de F Bayrou que toute annonce de nouvelle réforme peut devenir une brutalité de trop.
Pourtant ce que propose F Bayrou est bien un nouveau cap qui enfermera les enseignants dans un nouveau drame. En flattant les instincts corporatistes, F Bayrou propose d’en finir avec le rêve démocratique. Il propose des bacs d’excellence pour les meilleurs et la sortie précoce des élèves faibles, dont l’entrée au collège serait barrée, et des élèves remuants, expédiés « hors les murs ». Sous prétexte de collège différencié, il abandonne en fait l’idée du socle commun. Il va jusqu’à prôner « dans leur intérêt », la détection précoce des difficultés des enfants.
Or le pays est condamné à trouver des solutions pour réduire les sorties sans qualification et élever le taux de diplômés du supérieur. Et ce n’est pas en sélectionnant à outrance qu’on peut y parvenir. C’est dans les milieux populaires que sont les gisements de main d’oeuvre qualifiés à découvrir si on veut à la fois sortir de la crise économique et de la crise sociale. Or F Bayrou a beau se présenter en défenseur de la culture, son programme manque sérieusement d’ambition pour ces élèves là. S’il est « humaniste », il l’est comme l’étaient les hommes du XVIème (siècle !) qui se moquaient de l’instruction des enfants mal né.
Finalement ce que fait F Bayrou c’est opposer professeurs et élèves, les bons élèves et les autres. Et ça c’est typiquement un procédé de discours sarkozien.
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