Par Monique Royer
Avant dernier pays de toute l’OCDE pour les inégalités sociales dans la réussite scolaire, la France a à apprendre du rapport de l’Organisation sur l’échec scolaire. Pas de romantisme à l’OCDE : pour elle la lutte contre l’échec scolaire est une affaire rentable. La réussite scolaire a un impact économique et social positif. La recherche de l’équité dans le système éducatif c’est de la bonne gestion. Dans un pays où la fracture sociale et la ghettoïsation progressent, le rapport de l’OCDE n’est pas qu’un avertissement. C’est aussi l’amorce de solutions.
Dans son rapport publié le 9 février sur la lutte contre l’échec scolaire, l’Ocde pointe des évidences bonnes à entendre et à argumenter. L’éducation est un investissement nécessaire pour favoriser l’insertion professionnelle de tous les jeunes quelque soit leur origine sociale. La politique éducative au regard de son équité, quelle place occupe la France à l’heure où l’école s’invite dans la campagne électorale ?
La première évidence concerne la performance économique : en favorisant la réussite scolaire de tous, les pays ont tout à y gagner. Investir dans l’éducation est un pari sur l’avenir de l’individu certes mais aussi du pays. La performance scolaire est un ingrédient indispensable pour favoriser l’émergence d’une économie durable où les individus sont en meilleure santé et contribuent plus fortement par l’impôt aux dépenses publiques. Elle se manifeste par l’acquisition d’un minimum de compétences pour assurer une insertion dans la vie sociale et professionnelle. Pour l’Ocde, l’équité éducative est un enjeu économique qui nécessite des investissements modulés en fonction des besoins ciblés.
« Conjuguer qualité et équité » recommande l’Ocde. Dans les phénomènes de décrochage scolaire observés dans les différents pays couverts par l’organisation, le marqueur social est encore trop prégnant. Le milieu socio-économique de l’élève est déterminant dans sa performance scolaire. Environ 20% des jeunes adultes n’achèvent pas leur scolarité de second cycle, la France se situe dans cette moyenne qui englobe des extrêmes forts éloignés représentés par la Chine (Shanghaï) avec ses 4,1% et le Brésil avec ses 49,6 % . En France toujours, le risque de décrochage est accentué pour les élèves issus de milieu défavorisé (2,68 fois), pour les enfants de parents peu instruits (2,43 fois) et pou ceux issus de l’immigration (2,19 fois). Les garçons ont un potentiel de décrochage 1, 82 fois plus fort que les filles.
Ces données soulignent l’équité insuffisante du système scolaire français. Pour l’Ocde, un système équitable devrait permettre à tous les enfants, quelque soit leur origine, d’avoir les mêmes chances de réussir à l’école jusqu’à la fin du secondaire. Dans cette optique, les politiques éducatives doivent donc définir un cadre et des mesures qui permettent de réduire les inégalités d’accès à la connaissance et aux apprentissages à tous les niveaux de la scolarité, à commencer par la petite enfance. Elles concordent aussi avec des politiques sociales complètes en matière de logement et de santé notamment.
La scolarité obligatoire jusqu’à seize ans est un aspect positif du système français. L’orientation précoce est pour l’Ocde un facteur d’inéquité, barrant l’accès aux connaissances indispensables pour une insertion durable. Les projets de collège à deux vitesses, orientant les élèves considérés comme les plus faibles vers des voies de qualification professionnelle expresses ne résistent pas à l’examen de l’Ocde. Orienter tôt c’est avant tout accroître les inégalités. De même, les passerelles entre enseignement professionnel et enseignement général doivent être renforcées en accentuant la qualité du premier.
Le rapport de l’Ocde souligne les aspects néfastes du redoublement : coûteux, peu efficace et discriminant. La France est encore largement dans le peloton de tête dans ce domaine avec 40% des élèves ayant déjà au moins redoublé une fois avant l’âge de quinze ans alors que la moyenne est de 13% dans l’Ocde. D’autres solutions sont préconisées pour prendre en compte les différences d’acquisition des connaissances : renforcer la détection des difficultés et l’accompagnement individuel, individualiser les parcours sur des doubles niveaux pour permettre l’acquisition des connaissances sur lesquelles les difficultés sont rencontrées.
La carte scolaire constitue un autre facteur d’inégalités. Pour l’Ocde, il faut trouver un juste équilibre entre le libre choix des familles et une répartition homogène des élèves favorisant la mixité sociale. L’assouplissement de la carte scolaire en France est facteur aggravant des inégalités s’il ne permet pas aux familles modestes d’orienter leurs enfants vers des établissements réputés. Les préconisations de l’Ocde vont vers des investissements plus importants pour les établissements défavorisés afin d’accroitre leurs performances et de garantir une plus grande équité.
Ces investissements intègrent une politique d’accompagnement et de formation spécifiques pour les personnels qui y exercent, équipe de direction et équipe enseignante. L’effort doit se réaliser aussi dans les conditions de travail et la valorisation financière des compétences. Les établissements défavorises sont pour l’Ocde une cheville ouvrière du renforcement de l’équité. Lutter contre l’échec scolaire c’est aussi renforcer la qualité du cadre et des conditions d’enseignement dans les lieux qui accueillent les élèves les plus exposés au décrochage scolaire. L’innovation pédagogique, la mise en œuvre d’un environnement propice aux apprentissages sont préconisés afin de viser un niveau d’exigence élevé, aussi élevé que dans des établissements plus favorisés. Les dispositifs ECLAIR sont, dans cette perspective, prometteurs aux yeux de l’Ocde, l’effort doit être généralisé notamment en matière de formation. Ouvrir l’école semble aussi nécessaire en développant des relations avec l’environnement, celui des enfants à commencer par leurs parents et celui de l’école en tissant des liens avec le milieu associatif et économique.
Dans ce tour d’horizon des politiques éducatives au regard de leur équité, la France récolte un «dans la moyenne mais peut mieux faire ». Des pistes sont ouvertes pour améliorer la performance des établissements défavorisés mais les inégalités s’accroissent, aggravant l’inéquité scolaire. La politique éducative s’inscrit dans une politique plus large, sociale, économique, définissant un véritable pari pour l’avenir. L’Ocde n’est pas un cercle de poètes, en émettant des recommandations qui rejoignent les préconisations de nombre de penseurs de l’éducation, elle regarde aussi les retours sur investissements potentiels d’une société qui miserait sur l’intelligence de tous plutôt que sur les talents de ceux qui ont la chance d’être nés où il faut.
Monique Royer
Liens :
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