Par François Jarraud
On croyait être venu pour découvrir les nouvelles dispositions en faveur de l’apprentissage des langues. Et on s’est retrouvé en pleine campagne électorale. Mardi 7 février, à l’occasion de la remise du rapport du Comité stratégique des langues sur l’enseignement des langues, Luc Chatel a préconisé la globalisation et l’annualisation des services. Deux décisions qui relancent le débat politique sur le métier d’enseignant plus qu’ils n’apportent de solution à l’enseignement des langues.
La globalisation au collège. Pour Luc Chatel, il s’agit de « la possibilité données aux collèges de répartir le temps attribué aux langues selon les langues et les années » de la 6ème à la 3ème. « Il y a des moments où il faut concentrer les apprentissages » explique le ministre, d’autres où c’est moins nécessaire. Le ministre se retranche derrière le rapport du comité présidé par Suzy Halimi. Pour elle c’est une réponse pour un enseignement plus souple qui permettrait par exemple de renforcer l’anglais en 6ème. Luc Chatel annonce que la globalisation sera effective dans un collège sur dix dès la rentrée 2012.
L’annualisation. Partant de la recommandation du rapport du Comité en faveur des stages organisés durant les vacances scolaires dans les académies, le ministre souligne la difficulté à trouver des enseignants pour les encadrer. « La seule réponse c’est l’annualisation », affirme-t-il. Mais « derrière l’annualisation il y a la question du statut des enseignants, c’est un sujet très sensible… Il va être abordé dans les semaines qui viennent lors du débat des présidentielles », ajoutant que « l’enseignement des langues est un bon exemple de l’assouplissement qui pourrait intervenir avec un nouveau statut ».
Ces deux questions sont des sources de conflit pour les enseignants. La globalisation permet certes d’adapter l’enseignement aux besoins des élèves, au risque d’alourdir le temps scolaire. Mais s’agissant de répartir « selon les langues et les années », elle va surtout permettre d’adapter l’enseignement des langues aux ressources humaines octroyées par les rectorats et donc de réduire l’offre de formation. Cette nouvelle liberté de gestion attribuée aux collèges devrait permettre d’économiser des postes. Elle est réclamée depuis des mois par l’enseignement catholique. Il devrait être satisfait.
L’annualisation c’est plus grave. Elle consiste à définir le temps de travail non plus par un horaire hebdomadaire mais par un horaire annuel, 36 fois 18 heures par exemple pour un certifié. De fait cela permet d’augmenter très sensiblement le temps de travail à salaire égal en collège et lycée parce que le temps théorique n’est jamais effectif compte tenu des jours fériés, des examens de fin d’année, etc. En clair les enseignants seraient obligés de travailler davantage pour le même salaire. Le ministère récupèrerait ainsi des dizaines de milliers de postes si la mesure était généralisée. Dans l’enseignement technologique et professionnel, où les élèves sont une partie de l’année en stage les gains seraient très importants. Luc Chatel pousse encore plus loin le raisonnement en annonçant que ces heures de travail pourraient être imposées durant les vacances. L’annualisation nécessite un changement de statut des enseignants. On n’est donc plus là dans la gestion d’une question pédagogique (les langues) mais clairement dans la campagne électorale et c’est bien ainsi que Luc Chatel la présente. « Elle n’est pas à l’ordre du jour de mon ministère, c’est un bon débat pour les jours qui viennent ».
Ces propos donnent à penser que l’équipe de Nicolas Sarkozy veut donner à la campagne électorale un nouveau cap beaucoup plus agressif très rapidement. Elle y est un peu poussée par les mauvais résultats de N Sarkozy dans les sondages et le discours attendu sur l’éducation de François Hollande le 9 février. L’UMP veut opposer le candidat qui mettra les profs au travail face au « candidat des profs fainéants ». François Hollande va avoir à faire face à ce « cadeau ». Et les enseignants vont se trouver délicatement en première ligne sur le thème bien connu de leur temps de travail.
Les syndicats ont réagi aux propos de Luc Chatel. Pour Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa, Luc Chatel « remet en avant cette vieille lune qui consiste à pointer le statut des enseignants comme responsable des maux de notre système éducatif ». Il rappelle que le statut est « protecteur des salariés. Pour autant le métier d’enseignant est en mutation. Si sa définition doit être améliorée, cela ne peut relever ni du diktat, ni de la propagande électorale, mais d’une véritable politique contractuelle ». Force ouvrière exprime « son désaccord complet avec ce projet destiné à nous faire travailler plus pour gagner moins ». Il invite les enseignants à se mobiliser.