Jean-Yves
Millot, ATD Quart-Monde : « Tous capables, avec les parents aussi ? »
Jean-Yves
Millot enseigne à Dôle, en maternelle, dans une école tranquille dans
ses murs, mais dans un environnement qui ne l’est pas. Ex-conseiller
pédagogique, ex-animateur TICE revenu en classe, il travaille au
quotidien avec des enfants du voyage et est maître-formateur auprès de
jeunes collègues en poste. Se situant comme un « allié d’ATD », il pense
que c’est « en essayant de comprendre
ce que vivent les gens que l’on peut parvenir à une étincelle de
recherche de solutions »…
Il est venu ici évoquer la démarche de croisements des savoirs qui
réunit des parents très différents, mais aussi des professionnels dans
les espaces d’ATD Quart Monde. La démarche est humble : « il
faut parfois savoir se contenter de peu pour construire ensemble petit
à petit. Cela peut être frustrant, déroutant pour le professionnel
aguerri se questionne sur le fond du contenu, de l’accès aux
savoirs,
alors que l’on commence par débattre de la façon de s’adresser aux uns
et aux autres, du mot écrit en rouge sans penser au destinataire du
message et de comment il pourra l’interpréter… »
Les participants de l’atelier s’accordent sur le fait que l’a relation
aux parents est souvent une épreuve difficile a surmonter, surtout
quand on débute, tant les représentations sur ce que doit être un
parent sont parfois rigides… Mais Jean-Yves Millot ponctue les échanges
avec ce qu’il apprend dans les ateliers de croisement des savoirs
d’ATD : si la plupart des enseignants avouent qu’ils ont peur de
la
relation aux parents, parce qu’ils se battent aussi pour asseoir leur
légitimité, les parents de leur côté ne comprennent absolument pas
cette peur et même la réfutent : « c’est
impossible que vous ayez peur, c’est vous qui savez ! ».
On constate de part et d’autre la taille du fossé à franchir, les
enseignants de maîtrisant pas eux-même l’image que la plupart des
parents ont d’eux.
La
fameuse « réunion de parents » est discutée : on sait qu’elle
peut
crisper plus qu’elle n’explicite effectivement l’école et ses attentes
vis à vis des familles, si les échanges virent au jugement
subjectif
sur l’enfant. « Au contraire il importe de donner à voir qu’à l’école
l’enfant va apprendre, mais qu’il a déjà beaucoup appris avant. Montrer
que c’est une continuité, qu’apprendre est d’ailleurs le propre de
l’homme…
Dans
l’atelier, on échange sur
les moyens de rendre l’élève fier de ce qu’il sait faire à l’Ecole,
pour que la famille ait une image positive de son enfant- élève. Un
détour historique repose les fondements de pourquoi l’école a été créée
: « entrer à l’école c’est
quitter sa tribu d’origine pour entrer dans une nouvelle tribu, avec de
nouveaux attributs »
cite joliment J. Bernardin. Si l’école est le lieu où l’enfant
s’émancipe de sa culture d’origine, il doit gérer une contradiction :
s’émanciper et conserver sa filiation, devenir autre en restant
soi-même, ne plus être « assigné à résidence » dans sa tribu d’origine. « De
véritables conflits de loyautés se jouent à l’école, pour l’enfant qui
devient le parent de son propre parent, parce qu’il maîtrise la langue,
qu’il a le savoir. Mais un enfant qui transforme sa représentation de
lui-même fait bouger la représentation qu’a son parent de lui en tant
qu’élève, en tant qu’enfant… »
En
conclusion, Jean-Yves Millot considère que les élèves apprendront
d’autant mieux à l’école que leurs parents seront respectés à l’école,
que les élèves se sentiront respectés dans leur intégrité humaine et
sociale, que le type d’évaluation choisi leur permetta de mesurer le
chemin parcouru, que la coopération figure en bonne place de la
pédagogie mise en œuvre, que les compétences acquises soient la pierre
angulaire de l’apprentissage et le faire de lance de la motivation des
élèves et de l’implication des familles…