par Isabelle Lardon
Le plan autisme 2008-2010 évalué et reconduit. Décryptages…
Le plan Autisme, établi pour 3 ans, vient seulement d’être évalué. Les choses avancent beaucoup plus lentement que prévu… Valérie Létard, sénatrice du Nord, ancienne secrétaire d’état à la solidarité (c’est elle qui avait lancé ce plan en 2008), vient de rendre son rapport au ministère de la santé. Elle l’a présenté le 12 janvier et un débat a eu lieu sur ce thème à l’assemblée nationale. « De réelles avancées doivent être soulignées mais si elles ont pris beaucoup plus de temps que prévu. » Il y a « néanmoins, des avancées inégales et des mesures à remettre sur le métier (épidémiologie de l’autisme et des TED, recherche, accès aux soins somatiques, insertion sociale et professionnelle…) ». Elle fait des propositions : « La conception du plan garde sa pertinence et n’a pas besoin d’être reprise : il faut cependant le relancer, s’assurer de la mise en oeuvre effective des mesures, le prolonger et conforter les acquis ».
Grande cause nationale, à quoi çà sert ?
Le premier ministre n’a pas attendu la remise du rapport pour annoncer fin décembre qu’il décrétait l’autisme comme grande cause nationale en 2012 (après la violence faite aux femmes en 2010 et la lutte contre la solitude en 2011). Ce label va d’abord permettre de communiquer sur cette maladie et de la faire mieux connaître au grand public.
Que se passe-t’il encore trop souvent ? Les parents qui découvrent avec angoisse que « quelque chose ne va pas » avec leur bébé qui ne regarde pas, ne réagit pas, pleure, hurle, ne dort pas comme les autres. Commence alors un parcours compliqué parce que le diagnostic est posé trop tardivement (il peut l’être à 18 mois ; la précocité des troubles dans le développement de l’enfant est un des signes de l’autisme). Selon le lieu géographique où l’on habite, les disparités sont importantes pour l’orientation de ces familles vers la bonne personne, le bon réseau qui va influer sur le diagnostic et la prise en charge. Trop souvent, les personnes autistes sont accueillies dans des structures de la psychiatrie. En France, on est resté attachés historiquement trop longtemps à un pouvoir de médecins psychiatres qui ont inventé une classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA). On sait maintenant qu’il y a des causes multi-factorielles dans le spectre autistique et la France est en retard sur tous les autres pays du monde, y compris des pays moins avancés sur le plan du développement économique, de l’éducation ou de la santé. On est donc souvent entre deux extrêmes : les conceptions essentiellement psychanalytiques portées par certains psychiatres, et celles des familles (qui vont chercher sur Internet des réponses, parfois farfelues, à leurs préoccupations), entre les notions de psychose et de trouble du développement, entre le primat du soin et celui de l’éducation… Heureusement et de plus en plus, ces tendances s’infléchissent et des personnels de tous « bords » sont capables detravailler en complémentarité.
D’abord la question du diagnostic…
Le premier maillon de la chaine étant la petite enfance, la priorité est l’amélioration du dépistage et du diagnostic précoce. La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié en mars 2010 un rapport établissant l’état des connaissances actuelles et des recommandations et bonnes pratiques. Il semble donc nécessaire de s’y appuyer pour développer la formation des médecins et des personnels de la petite enfance. Il s’agit aussi de labelliser, dans chaque zone de proximité, ce qu’on appelle un centre de diagnostic de première intention et de repositionner les Centres de Ressources Autisme (CRA) dans leurs missions de recours pour tous les cas complexes, de pilotage d’un réseau et de formation. Il y en a un par région, rattaché au centre hospitalier régional ; il est sans doute nécessaire de les rendre un peu plus autonomes de l’hôpital dont ils dépendent pour qu’ils aient des possibiltés de réaction plus rapides.
et l’accompagnement des personnes…
Ensuite, c’est le manque crucial de places d’accueil dans les structures auquel il faut s’attaquer. A ce titre, 4100 places d’accueil de personnes autistes ont été créées pendant les 3 années du plan 2008-2010. Cela stagne depuis et cela est loin d’être suffisant, en termes quantitatifs, en particulier pour les adultes autistes. La création de ces places ne suffit pas non plus à garantir un accompagnement adapté.
Les améliorations possibles dans le domaine de la recherche…
Le manque de données épidémiologiques, pour mieux connaître les populations concernées et leurs carctéristiques (nombre, localisation, besoins) permet difficilement d’avoir une idée précise de la situation. Cela est lié au diagnostic médical qui a du mal à être posé précisément (s’il est posé, on parlera de façon floue de « troubles autistiques » parce que le nom même de la maladie fait encore peur).
Le rapport recommande de ré-activer très rapidement le groupe de suivi scientifique du comité national sur l’autisme et de renforcer le rôle des CRA, en coordination avec les 4 ou 5 pôles de recherche fondamentale du territoire, pour, dit-elle, « que notre pays retrouve toute sa place au niveau international ». Soyons peut-être plus modérés en parlant de trouver une place importante qu’on a eue au moment des débuts de la connaissance de l’autisme, lorsque la psychiatrie s’y est intéressée.
… et dans le domaine de la formation
Intéressons-nous à la formation comme outil majeur de trans-formation. Elle représente un levier indispensable pour faire évoluer les pratiques des professionnels et des institutions. Elle constitue également une « aide aux aidants », comme le réclament les familles. Pour ce faire, on va créer un groupe de travail au sein du comité de travail national pour réfléchir à la question. Nécessairement, après l’état des connaissances et les « bonnes pratiques » recommandées par la HAS, il va s’agir de diffuser les unes et faire en sorte que les autres soient appliquées. Quand on sait que ce rapport fait 190 pages, on se représente aisément le travail considérable à mener.
Mais comment s’y prendre ?
Il est question de formation initiale et continue de tous les professionnels spécialisés (ceux qui travaillent dans les institutions spécialisées ?). Il est question de mobilisation de tous les acteurs, centres de formation des personnels médicaux et sociaux, universités, régions (?), l’Education nationale cité en premier. Il est question de pilotage national et régional. Les établissements spécialisés devront même disposer de personnel formé avant même de présenter des projets de création ou de reconversion de places Autisme.
Dans certaines MDPH, on connait peu l’autisme et, par conséquent, on ne peut proposer d’orientation ou d’aide véritablement adaptée. Il faudra coordonner les formations au niveau national, inciter à la création de formations académiques ou des compléments aux diplômes existants, par exemple aux diplômes d’éducateur spécialisé ou de moniteur-éducateur. Cette solution permettrait de spécialiser les personnels sans les enfermer dans une spécialité.
Il faudra organiser des formations sur sites pour faire bouger les pratiques des professionnels de toute une insitution, organiser des formations interinstitutionnelles (du milieu sanitaire, médico-social, Education nationale…).
Il faudra créer des nouveaux métiers d’intervention en milieu de vie ordinaire : à la fois à l’école, la maison, à l’articulation entre le soin et le social.
Cela reste des préconisations très vastes. Comment deviendront-elles incitatives ?
Quand on sait les difficultés à concevoir des formations communes à différents professionnels, on peut imaginer que les transformations relèveront majoritairement de volontés individuelles.
En conclusion
Relancer le plan, le dynamiser, le renforcer… cette fois-ci sans échéance. La balle est dans le camp des pouvoirs publics. Gageons que les associations de parents d’enfants autistes regroupées dans le collectif « Ensemble pour l’autisme » voudraient un grand coup d’accélérateur !
Le rapport sur le site du ministère des solidarités et de la cohésion sociale