Par Antoine Maurice
« Les TICE en EPS et tellement plus encore » cette phrase tirée du site résume très bien ce qu’est la PEPSTICE. Malgré cela, nous avons voulu en savoir un peu plus sur le dernier bébé de la PEPSTEAM. Pour cela nous avons rencontré Pascal Nogaro et Florian Colombat. Respectivement enseignant au LP Turguetil à Paris XIe et Webmestre dans l’académie de Grenoble. Ils ont bien voulu répondre aux questions du café pédagogique.
Faut-il encore présenter la PEPSTEAM ? Nous l’avons fait à de nombreuses reprises au sein du café. Toutefois, aujourd’hui c’est un nouveau site : la PEPSTICE qui voit le jour. Comment et pourquoi l’idée a-t-elle vu le jour ?
Afin d’actualiser nos connaissances et assurer un suivi sur les TICE, nous exerçons une veille via des flux, des medias sociaux, des outils de curation, des visites sur les sites académiques et des lectures personnelles. Exercice couteux en temps même si cette exploration est intéressante et enrichissante.
L’idée alors fut de trouver un espace où centraliser des informations, des exemples d’usages à la fois pour nous et pour ceux qui seraient dans cette démarche tout en les contextualisant pour les rendre accessibles, compréhensibles et motivants.
Le principe de mutualisation, de partage que nous expérimentons déjà avec bonheur sur la Pepsteam nous paraissait avoir sa place ici. Chacun pouvant contribuer dans cet espace à enrichir les connaissances de tous autour d’usages qui sont encore loin d’être généralisés en EPS. (PN)
Par manque d’outil national efficace de mutualisation des connaissances sur les TICE en EPS, nous nous retrouvons souvent à expérimenter, à produire des documents déjà existants dans d’autres académies. Si ces productions sont effectivement validées, elles ne permettent pas forcement des retours après test sur le terrain ou des pistes d’aménagement pour les enrichir ou les adapter. Sur « Pepstice » toute personne utilisant les TICE en EPS peut écrire son article pour porter son travail à la connaissance de tous. Et chacun a la possibilité d’apporter sa pierre à l’édifice. Nous espérons que cette mutualisation aidera à développer l’usage des TICE en EPS. (FC)
Que retrouve-t-on sur le site ?
En majorité des dossiers, outils et des expérimentations en relation avec l’enseignement de l’EPS et l’usage des Tice. Mais pas que… Nous tenions aussi à mettre en perspective ces usages avec des études, articles donnant des points de vue sur les effets de ces usages. Pointer aussi, les évolutions ou tendances concernant les tice.
Il s’agit d’aider à l’intégration de ces usages tout en amenant de la clarté sur les enjeux, les plus-values ou limites liés à ces apprentissages ou à de nouvelles interactions. (PN)
(FC) Nous tenons à ce que le contenu de ce site soit en accord avec notre vision des TICE et c’est pourquoi nous effectuons une certaine sélection (ou traitement) des contenus. Nous souhaitons un site de qualité avec des contenus viables et utilisables par la plupart des collègues EPS. Nous écartons d’emblée les ressources nécessitant des investissements financiers lourds ou encore une connaissance technique très pointue limitant ainsi son usage à quelques individus. (FC)
On sent de votre part, une grosse volonté de se situer sur les réflexions autour de l’usage des TICE en EPS, pourquoi ?
Tout d’abord parce que l’on constate facilement des effets positifs sur la motivation, sur la compréhension ou sur les comportements des élèves. Créer des nouvelles interactions verbales autour de l’apprentissage, observer des ajustements moteurs suite à l’observation de vidéos, de photos, développer des productions artistiques à partir d’idées ou de séquences mutualisées ne sont que quelques exemples. Mais nous y voyons de l’enrichissement et de l’autonomie gagnée ainsi qu’une EPS vécue avec intelligence.
L’intérêt est aussi au niveau organisationnel. Avoir des outils pour gérer les efforts, les résultats d’une classe, l’aménagement de la salle ou des tâches favorise une plus grande disponibilité de l’enseignant et des réponses plus individualisées
Notre réflexion va plus loin que la classe. De la simplification, de la rapidité et de l’efficacité au niveau professionnel. Les espaces collaboratifs, les forums, les services en nuages sont autant d’évolutions qui contribuent à simplifier le partage de travaux entre collègues, à organiser les productions ou faciliter la communication. Ces services ne nous sont pas exclusifs mais la multiplicité des lieux de pratiques, les déplacements nombreux rendent attractifs les services et outils adaptés à la mobilité.
Les médias sociaux dont on pointe (trop à mon sens) les risques peuvent s’avérer d’excellents outils pour se tenir à jour de son actualité professionnelle et pour s’auto former en ciblant des sites, des ressources ou des personnes à forte valeur ajoutée.
Nous n’avons pas qu’une vision angélique de l’usage des tice. Les études ne montrent pas toujours des bénéfices énormes et d’autres tendent à montrer que même si l’impact est minime, ils apprennent différemment. C’est pourquoi, il nous semble que la réflexion doit amener aussi à mesurer l’opportunité de ces usages en fonction des besoins de nos élèves, de leurs spécificités et la part laissée à l’engagement moteur.
Ainsi les usages doivent être réfléchis mais en aucun cas, nous ne les remets en cause. Le site Pepstice est conçu dans cet esprit. (PN)
Qui n’a jamais utilisé les TICE en EPS ne peut se rendre compte des plus-values apportées. Souvent les collègues ont une vision faussée des TICE : cela coûte cher, reste très compliqué et se fait au détriment du temps de pratique physique des élèves. Alors évidemment ces représentations ne sont pas faciles à faire évoluer et c’est le pourquoi de « Pepstice » : proposer des solutions simples mais non simplistes, facilement transposables par les collègues.
Les TICE ne sont pas une fin en soi mais bien des moyens supplémentaires au service de l’enseignant afin d’améliorer son enseignement et donc l’apprentissage des élèves en EPS. (FC)
Justement qu’en est-il de l’utilisation des TICE en EPS aujourd’hui?
Je ne pense pas avoir autant d’acuité que Florian pour situer globalement l’utilisation des tice aujourd’hui (il a plus d’expérience que moi et a pu déjà observer des travaux sur plusieurs académies).
Je ferais quelques observations :
Elle (l’utilisation) n’est pas encore généralisée, ni encore bien installée dans la culture des enseignants pour les raisons suivantes :
– Des structures non adaptées. Bien qu’il y ait des efforts budgétaires et des politiques volontaristes en termes d’équipements pour les établissements scolaires, il me semble que le pourcentage de lieux de pratique EPS inclus dans ces réflexions s’avère minime. Il en résulte une inégalité d’équipement de « nos salles de classe » au regard de celles des autres disciplines. « La logistique » pour assurer un cours avec les tice reste encore un facteur limitant.
– Une formation très (trop) rapide pour les jeunes enseignants et une formation plus laborieuse pour les plus chevronnés. C’est sans doute caricatural mais l’entrée dans le métier avec ses problématiques de gestions de classe, la focalisation sur le concours ou sur les contenus didactiques peut mettre en perspective la nécessité d’utiliser les tice de façon immédiate. Plus loin dans le temps et l’expérience, le vécu d’un apprentissage moteur tout à fait possible sans utilisation des tice et en l’absence de formation, ne fait pas de ces usages un impératif absolu pour certains enseignants expérimentés. Je pense qu’avec le temps et avec la pression d’une société de l’information qui se construit, une culture professionnelle autour des tice va s’installer
– Une offre d’outils adaptés à l’EPS limitée mais en voie de développement. La mobilité, les conditions de pratiques spécifiques à notre enseignement génèrent des difficultés pour exploiter pleinement les tice. Cependant, la taille et le poids des appareils diminuent, le temps d’exploitation de l’outil augmente et les espaces de ressources se multiplient. Les utilisations se simplifient. Et les enseignants produisent aussi de plus en plus de ressources adaptées à nos contraintes d’enseignement. Ce qui offre de nouvelles opportunités.
Je pense surtout que l’EPS est culturellement bien « armée » pour développer l’usage des TICE. Pour l’anecdote, au cours du colloque Educatice de cette année, un chercheur concluait en conférence que ce qui ressortait de son analyse c’est que l’utilisation des tice apportait une plus-value à l’apprentissage en grande partie liée aux interactions entre élèves crée par ces usages et rompant avec l’enseignement frontal et magistral. N’est-ce pas ce que nous faisons déjà en EPS ? Je pense que nous avons déjà une culture professionnelle performante pour anticiper des scenarios pédagogiques liés à l’usage des Tice (PN)
Pour compléter ce que vient de dire Pascal, j’ai l’impression que l’utilisation des TICE en EPS commence doucement à se généraliser au-delà des convaincus.
L’informatisation grandissante des tâches pédago-administratives des enseignants (notes, cahier de texte électronique, ENT…) nous obligent à nous équiper personnellement. Matériels de moins en moins onéreux, de plus en plus mobile (netbook, tablettes…) qu’ils souhaitent « rentabiliser » en les utilisant en cours. De plus l’émergence et la multiplicité de ressources également peu onéreuses et faciles à mettre en place favorisent cette évolution de l’intégration des TICE en cours d’EPS.
Malheureusement il existe encore de nombreux freins pour espérer une pratique aisée des TICE dans nos gymnases. La formation est un des facteurs limitant. Les jeunes enseignants sont encore trop peu formés même si l’obtention du C2i2e rendue obligatoire va dans le sens d’une bonne réflexion sur l’intégration des TICE en cours. Le sujet est encore plus épineux lorsque l’on regarde la formation continue des collègues. Souvent peu de stages TICE dans les plans de formation au vu du nombre de demandes (30 places pour plus de 160 demandes dans mon académie), quand ils ne sont pas supprimés faute de moyens financiers.
Faute de formations adéquates nous pourrions voir apparaitre ou s’amplifier certaines déviances connues : temps moteur en baisse, utilisation des TICE uniquement par et pour l’enseignant, argent mal dépensé…
En ce moment, l’utilisation de la vidéo différée via le logiciel gratuit Kinovea ainsi que le développement des ressources pour tablettes tactiles me semblent deux axes prometteurs pour le développement des TICE en EPS. (FC)
Un grand nombre de collègues placent souvent le débat des TICE en EPS, autour de l’équipement et de la formation. D’un côté, ils notent de grosses difficultés pour s’équiper (exemple achat de tablettes tactiles) et de l’autre, ils mettent en avant le manque de formation autour de ces usages. Selon vous, quelles sont les pistes à poursuivre pour essayer de résoudre au mieux ces deux composantes ?
En ce qui concerne le matériel
Je pense qu’une partie des problématiques liée à l’équipement peut être résolue en cadrant et en contextualisant un projet. Souvent les justifications pédagogiques pour l’acquisition d’un matériel sont précisées. Plus rarement les caractéristiques de l’appareil qui rendent son utilisation appropriées aux apprentissages visés. Autonomie, facilité d’utilisation, mise en commun pour produire, support de mémorisation, auto adaptation. La présentation d’un vrai projet, des illustrations et une analyse des possibilités sont des arguments très souvent bien accueillis pour valider une subvention ou un projet d’équipement. Le plus dur étant de les formaliser. (PN)
C’est une vraie/fausse problématique. La première des choses à faire est de cibler les investissements. Par exemple, mettre 1500€ dans l’achat d’un portable n’a pas de sens selon moi. Avec cette somme, on peut investir dans un portable à bas prix, une webcam, un vidéoprojecteur et pour un tout autre usage !! Le site « Pepstice » essaiera modestement de démontrer quels sont les usages et matériels pédagogiques viables.
Les appels à projets des différents organismes académiques (mission TICE, rectorat, CRDP…) permettent aux équipes de s’équiper. Cependant la diffusion de ces appels à projet est trop souvent accaparée par les chefs d’établissements ou des référents numériques (ex AIPRT) pour valoriser telle ou telle discipline, l’EPS en faisant rarement partie. L’enseignant doit donc faire preuve de vigilance dans un premier temps pour ensuite rédiger des projets cohérents insistant sur les plus-values élèves. Même sans appel à projet spécifique, il est également possible de monter un projet de toute pièce afin de le présenter au CA de son établissement.
L’expérimentation des chèques ressources (13 académies retenues) qui se met en place progressivement offre aux établissements de l’argent pour acheter des ressources numériques « labellisées » à partir d’un catalogue national. Soyez là aussi vigilant ! (FC)
Du côté de la formation
Des formations existent sur des durées courtes ou avec prolongement sur des FOAD (formations ouvertes à distance). Mais il manque ce petit plus qu’apporteraient un accompagnement sur le terrain, une banque de modélisations scénarisées ou l’identification de personnes ressources.
Je pense aussi que l’on devrait multiplier des formations globales sur différents outils ou différentes ressources. Ce qui permettrait de croiser des connaissances, de se constituer une culture propre à cibler les moyens correspondant aux apprentissages visés. Ce n’est pas à l’outil «magique» de déterminer le contenu d’apprentissage mais bien les compétences poursuivies qui doivent guider le choix des outils ou ressources les plus adaptés.
Une formation à la recherche, la veille et l’autoformation à partir des ressources du web me parait aussi importante. Au regard des ressources disponibles et de nos temps de formations, les informations partagées, les connaissances pratiques et théoriques mutualisées sur la toile offrent vraiment des possibilités pour s’engager à expérimenter les Tice en EPS) (PN)
Concernant la formation, c’est plus délicat. Le budget des formations continues étant en baisse constante, j’ai peur que l’on se recentre sur les demandes institutionnelles (programmes, projets EPS…) et sur les APSA laissant de côté les TICE. Il appartient donc à chacun au sein de son équipe EPS de démontrer, de former ses collègues désireux d’apprendre. Là aussi Internet jouera un rôle très important et « Pepstice » compte jouer un rôle dans cette démocratisation des TICE en EPS. (FC)
Pascal Nogara, Florian Colombat, merci !
Le site
http://www.pepsteam.com/pepstice/
Sur le site du Café
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