Par François Jarraud
Paris, Lille, Limoges ; partout les suppressions de postes mettent en danger les politiques éducatives.
- Ile-de-France : « La baisse de moyens nous inquiète et nous fâche »
- Les chiffres de la rentrée confirment la hausse des effectifs
- RGPP et NovLangue en 2011…
- Education : Qui finance ?
Ile-de-France : « La baisse de moyens nous inquiète et nous fâche »
Avec 988 postes supprimés dans le seul secondaire à la rentrée 2012, la région Ile-de-France n’est pas épargnée par la politique gouvernementale. D’autant que cette politique dure depuis 2007 et que la région a déjà perdu 6513 postes. Henriette Zoughebi, vice-présidente du conseil régional en charge des lycées, n’en veut pas aux recteurs. Mais elle s’oppose à une politique nationale qui contrarie les efforts du conseil régional et surtout nuit aux plus faibles.
« Tous les jeunes peuvent réussir dès lors qu’ils prennent confiance en eux« , nous déclare H. Zoughebi. « Je reviens du lycée Nobel à Clichy où je suis allé soutenir deux jeunes sans papier. Parmi eux, une jeune ivoirienne, élève en terminale STG. Elle veut faire un BTS. Elle s’est battue pour arriver là et réussir sa vie. Dans ce même lycée, le proviseur m’a confié qu’un grand nombre d’élèves travaille le samedi. Les jeunes sont courageux. Il faut les aider. D’autant que c’est aussi l’intérêt économique du pays. Or il y a un risque que le manque de moyens pénalise les plus fragiles d’entre eux », estime H. Zoughebi.
Sur le terrain, H Zoughebi constate les effets de l’érosion des moyens. « Ce n’est pas la première année où des moyens disparaissent. On arrive maintenant à ce qu’il n’y ait plus de réserve sur les postes d’enseignants. Le nombre d’élèves par classe est en augmentation partout. Hier j’étais au lycée Louise Michel de Champigny. La terminale L est passée de 24 à 36 élèves. La région a investi dans le matériel pour que les élèves aient des TBI et des ordinateurs comme dans les lycées des quartiers favorisés. Les jeunes le voient et le lycée a de bons résultats. Mais passer de 24 à 36 c’est décourageant ! Il ne faudrait pas que les efforts des équipes pédagogiques soient remis en cause par la baisse des moyens. Au contraire il faudrait renforcer les moyens du lycée avec des assistantes sociales, des infirmières, une psychologue pour aider les jeunes à s’en sortir. Il faut arrêter de culpabiliser les équipes pédagogiques en parlant d’autonomie des établissements. Il faut donner la priorité à l’éducation, ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui. On voudrait donner la priorité à des internats de proximité. Mais là aussi il faut que l’Etat donne les moyens humains pour faire la remise à niveau des jeunes dans les disciplines. Les équipes nous invitent aussi à réfléchir à des « internats externés », c’est à dire des établissements où les jeunes passent la plus grande partie de la journée. Mais là aussi il faut que l’Etat suive ».
Quels effets sur les projets de la région ? La région Ile-de-France prépare un nouveau plan d’investissement de 10 ans dans les lycées avec l’idée de développer des lycées polyvalents qui encouragent la mixité sociale et le réussite scolaire. « La région investit et ça nous encourage à demander des moyens à l’Etat. Par exemple nous rénovons le lycée Péri à Champigny, il faut que l’offre de formation suive. Pour nous les lycées polyvalents sont gages de mixité sociale et de réussite. On ne peut pas accepter que la baisse des moyens aboutisse à une spécialisation scolaire et sociale d’un établissement. Aujourd’hui on constate les effets des suppressions de postes quand on réfléchit à la taille des classes. Le référentiel ZEP a disparu. Ailleurs le référentiel habituel est remis en question., ».
Deux points noirs. H. Zoughebi suit particulièrement deux évolutions. D’abord celle des filières technologiques. « Dans l’académie de Versailles une trentaine de classes sont menacées mais rien n’est définitif. Au lycée Monod de Clamart deux classes ont été rétablies grâce à la mobilisation des jeunes et des enseignants et au soutien de la région. Le rectorat a été sensible à nos arguments ». L’autre point noir c’est le développement de l’alternance. « Je dis oui à la coexistence de l’apprentissage et du scolaire. Mais je dis non aux fermetures de classes pour développer de l’apprentissage. J’ai annoncé que la région s’opposerait à ces fermetures. Je suis aussi contre les classes mixtes qui mélangent apprentis et scolaires, les uns avec de l’argent, les autres sans. Cela crée des différences entre les jeunes. Or pour entrer en apprentissage il faut trouver une entreprise. Ce sont les patrons qui choisissent les jeunes. Ceux qui restent sous statut scolaire sont discriminés ». Pour H. Zoughebi, la politique de réduction de postes pousse à la discrimination. « Ce sont les plus fragiles qui souffrent ». Et ça elle ne peut pas le supporter.
François Jarraud
Liens :
Réussite et mixité sociale sont convoqués au lycée
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2011/11/[…]x
Installation de l’Observatoire de la réussite scolaire et de la mixité sociale
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2011/12/[…]
Le Limousin refuse les suppressions de postes
Face à la suppression de 4% des emplois d’enseignants dans la région, Jean-Paul Denanot, président de la région Limousin proteste. « Je dénonce cette situation que je ne souhaite pas cautionner en participant à toute instance qui m’amènerait à entériner des décisions nuisibles pour la Région que je préside. Je n’ai pas été élu pour cela », écrit notamment JP Denanot.
La région Limousin devrait perdre 278 emplois à la rentrée 2012 (131 au primaire et 147 au secondaire), soit près de 4% de l’effectif total. » Cette politique de suppressions d’emplois met en danger les territoires, leur cohésion, leur vie économique et leur dynamisme, qui chaque année attirent des habitants plus nombreux, comme les chiffres de l’Insee publiés cette semaine l’ont montré. Cette logique strictement comptable insulte l’avenir quand tous les indicateurs démographiques montrent que la population scolaire augmente avec l’arrivée au collège des enfants nés nombreux dans les années 2000″, écrit le président du conseil régional.
JP Denanot menace d’annuler le Contrat de Plan Régional de Développement des Formations Professionnelles (CPRDFP) signé le 6 juillet. Ce contrat prévoit le développement des formations pour jeunes et pour adultes dans la région. La région Limousin a particulièrement investi dans l’éducation ces dernières années. 147 postes avaient déjà été supprimés en 2011.
La lettre de JP Denanot
http://www.region-limousin.fr/Suppression-de-postes-dans-l
Le Nord Pas-de-Calais refuse « le saccage » du système éducatif
Les élus du Nord Pas-de-Calais, Daniel Percheron, président du conseil régional, Patrick Kanner, président du conseil général du Nord et Dominique Dupilet, président du conseil général du Pas-de-Calais, ont écrit le 10 janvier à Nicolas Sarkozy pour dénoncer « le saccage du système éducatif dans la region et demander un moratoire des suppressions de postes.
« Dans tous les établissements, les conditions de travail des enseignants se détériorent », écrivent les élus, « face à des élèves qui n’ont pu choisir véritablement leur orientation et qui décrochent massivement. Ce décrochage est maintenant deux fois plus important que la baisse démographique que vous invoquez pour justifier les suppressions d’emploi ». C’est que la région, qui a déjà perdu 5000 postes ces dernières années, doit en rendre encore 988 à la rentrée 2012. C’est la région qui en rend le plus.
Le conseil régional dénonce le démantèlement des formations professionnelles et technologiques. « Nous ne pouvons accepter que l’avenir des jeunes du Nord Pas-de-Calais soit ainsi sacrifié », expliquent les élus.
La lettre
http://www.nordpasdecalais.fr/la-region-mode-d-emploi/ac[…]
Une circulaire privilégie les écoles de montagne dans l’attribution des moyens
Luc Chatel en avait pris l’engagement auprès de l’Association nationale des élus de montagne. Le B.O. du 12 janvier publie une circulaire qui invite les recteurs à promouvoir le maintien des écoles de montagne. Le texte leur demande de prendre en compte les évolutions démographiques à moyen terme, de tenir compte d el’isolement et de se concerter avec les maires.
Au B.O.
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.h[…]
Les chiffres de la rentrée confirment la hausse des effectifs
Bonne nouvelle : le ministère n’est pas sourd. Pressé par les critiques sur la censure de ses publications, le ministère les publie assez rapidement. Deux Notes d’information font le point sur les effectifs d’élèves à la rentrée 2011 : baisse du nombre d’élèves au primaire et hausse au collège. L’AFP fait connaître de premières évaluations pour la rentrée 2012.
Dans le primaire, l’école élémentaire connaît une légère baisse de 13 000 élèves (sur 4 millions d’élèves). Par contre l’école maternelle continue sa croissance avec 6 000 élèves supplémentaires malgré les coupes sombres en petite section (16 000 élèves en moins compte tenu des suppressions de classes). Si le ministère tient sa promesse de maintenir le même nombre de classes à la prochaine rentrée, le primaire devrait être en croissance à la prochaine rentrée. Ces mouvements globaux cachent de fortes variations régionales.
Dans le secondaire, les lycées professionnels connaissent une baisse importante d’effectifs due au passage au bac pro en 3 ans (- 15 000 élèves). Les lycées généraux et technologiques et surtout les collèges ont connue une forte hausse (+ 7 800 et + 40 300 élèves). Là aussi ces phénomènes devraient continuer.
La Note donne aussi des informations sur l’impact de la réforme du lycée. Elle était censée assurer davantage d’égalité entre les filières et permettre une meilleure découverte entre les voies. En fait les enseignements d’exploration de seconde continuent à préjuger de l’orientation comme le faisaient les options avant la réforme. Les familles bien informées ont perçu que les enseignements « méthode et pratiques scientifiques », « sciences de l’ingénieur » ou « sciences du laboratoire » conduisent à une orientation en S tout comme d’ailleurs le choix du… latin. Les élèves qui ont choisi un enseignement littéraire vont en L ou ES. Au total, l’enseignement général a un peu progressé d’un point au bénéfice des S et des L. Le choix de deux enseignements technologiques conduit à une première technologique. La hiérarchie des filières que la réforme prétendait supprimer est toujours là dès la seconde…
Pour la rentrée 2012, l’AFP communique des chiffres obtenus du ministère mais non publiés. Selon l’AFP, le primaire devrait connaître une hausse de ses effectifs d’environ 2 500 élèves du fait de la croissance de l’élémentaire (+ 12 000). Au secondaire, les lycées professionnels devraient perdre 39 000 élèves du fait de la réforme. Collèges et lycées généraux et technologiques seront en croissance avec 30 000 élèves en plus.
Les élèves du premier degré
http://www.education.gouv.fr/cid58884/les-eleves-du-[…]
Les élèves du secondaire
http://www.education.gouv.fr/cid58885/les-eleves-du-s[…]
Dépêche AFP
http://www.vousnousils.fr/2011/12/23/plus-deleves-en-p[…]
La fin d’année 2011 vient d’être marquée par un dernier moment fort de la communication gouvernementale, avec un nouveau monument : le rapport d’étape de la mise en œuvre de la RGPP (Rénovation Générale des Politiques Publiques). Chaque ministère y décline tout ce qui a été fait pour améliorer la qualité et le rendement des services publics, économies budgétaires obligent. Notre compétence ne nous permettant pas d’apprécier à sa juste valeur chacun des chapitres ministériels, nous nous sommes concentrés sur les pages 196 et suivantes, consacrées au bilan du ministère de l’Education Nationale. Nous n’avons pas été déçus.
L’objectif est explicitement cité en tête de gondole : « améliorer les performances attendues par les usagers de l’école pour garantir la réussite de chaque élève, tout en respectant le cadre imposé par le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ». Avec une foule de réussites :
– en primaire, « un plan de prévention de l’illettrisme a été mis en mars 2010 avec pour objectifs de prévenir l’illettrisme dès l’école maternelle, de prendre en charge les adultes illettrés et de mobiliser les ressources du système éducatif ». Vous qui êtes chaque jour au contact des élèves, vous avez évidemment pu vous rendre compte de la puissance et de l’efficacité du dispositif.
– mais la réussite ne s’arrête pas là ! « Avec le plan Agir pour la jeunesse, le Gouvernement a fait de la lutte contre le décrochage une priorité de son action ». Un nouveau « système interministériel d’échanges d’information (SIEI) » permet de connaitre le nombre exact de décrocheurs et « la coordination des acteurs de l’éducation et de l’insertion des jeunes avec les plates-formes de suivi et d’appui aux décrocheurs » a permis des réaliser « un guide de bonnes pratiques » pour le repérage des jeunes décrocheurs et la diffusion d’une « liste d’outils ». Là encore, si vous travaillez en collège ou lycée professionnel, vous avez pu mesurer le formidable engagement institutionnel à vos côtés.
Le meilleur est à venir. Bien sûr, les écoles et établissements du programme ÉCLAIR ont pu « accompagner chaque élève individuellement dans l’acquisition des connaissances et des compétences du socle » grâce à un “projet pédagogique et éducatif spécifique”, un fonctionnement « en réseau », des postes à profil et des lettres de mission pour les enseignants.
Mais ce n’est rien en comparaison de la présentation par la DRH du ministère de la « rénovation du dialogue social », rendue possible grâce à… la mise en œuvre du vote électronique pour les élections professionnelles, afin de « permettre aux électeurs de disposer d’une solution de vote moderne et pratique avec laquelle chacun peut d’exprimer à son rythme et selon sa disponibilité ». Ce « puissant facteur de cohésion des services » a également permis « d’avancer sur les problématiques de modernisation et de gouvernance de l’institution », mais aussi « d’intégrer les organisations syndicales dans ce processus » grâce à trois groupes de travail. Au final, la DRH témoigne de « la réalisation dans les meilleures conditions de ce projet »… Chacun sait en effet l’unanimité qui a salué la réussite exemplaire de ces élections !
Poursuivant avec la même veine, elle insiste sur un domaine dont chacun a pu constater les grands progrès ces dernières années : « une place essentielle est assurée à la formation », notamment par l’extension aux enseignants du droit individuel à la formation (DIF). En effet, « la formation des personnels constitue un enjeu majeur et un levier de changement dans la gestion des ressources humaines ». Autre préoccupation du ministère : « la prise en compte du bien-être au travail a été renforcée » par… le bilan de santé à 50 ans… D’autres secteurs auront aussi connu des améliorations notables, comme chacun a eu l’occasion de le constater : « l’efficacité du remplacement a été renforcée », notamment par la mise en œuvre d’un logiciel national ; la prise en charge des élèves handicapés a bénéficié d’une « hausse de 30% des moyens humains et financiers » (tous les enseignants référents peuvent en témoigner). Mais tout cela ne serait rien sans « l’amélioration de la qualité du service offert aux familles », conséquence de l’assouplissement de la carte scolaire, la mise en place de l’accueil les jours de grève, une « conférence nationale sur les rythmes scolaires » et la « mallette des parents » dans 1300 établissements…
Toutes ces bonnes nouvelles sont résumées dans plusieurs graphiques de ce type, dont les « feux verts » ne peuvent que nous rendre optimistes…
Autant de raison de se féliciter de la capacité de notre institution de produire ce genre de rapport tout à fait utile. A l’unanimité, notre jury se permet de lui délivrer le « Grand Prix Novlangue 2011 » pour l’ensemble de son œuvre.
Marcel Brun
Télécharger le rapport intégral (p. 196 sqq)
http://www.modernisation.gouv.fr/fileadmin/Mes_fichiers/p[…]
Le précédent rapport d’étape RGPP 2010 dans le Café :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/Pages/[…]
Si la dépense d’éducation a légèrement augmenté en 2010, la part de l’Etat continue à baisser. Le principal enseignement d’une nouvelle Note d’information ministérielle dédiée au coût de l’éducation est la contribution croissante des collectivités locales à l’éducation.
Avec 7% du PIB consacré à la dépense intérieure d’éducation en 2010, la France a dépensé un peu plus qu’en 2008 (6,7) mais moins qu’au milieu des années 1990 (7,6%). On a ainsi fait un bond de 20 ans en arrière pour se retrouver au niveau de la fin des années 1980. L’écolier coûte en moyenne 5730 euros par an, l’élève du secondaire 9670 et l’étudiant 11430. Depuis 1980, ces dépenses ont augmenté de 75% au primaire, 59% au secondaire et 28% dans le supérieur. Les inégalités restent fortes à l’intérieur du supérieur entre CPGE et universités. Mais on retiendra surtout que les crédits affectés au supérieur ont diminué de 1% depuis 2009.
Mais la plus forte évolution concerne la répartition des dépenses entre les différents acteurs de l’éducation. L’Etat assurait 61% des dépenses en 1980. Sa part est tombée à 54%. Inversement, les collectivités locales sont passées de 14 à 25%. Cette évolution résulte des lois de décentralisation qui ont peu à peu fait passer dans leur giron l’apprentissage, les transports scolaires, le fonctionnement des établissements, la gestion des TOS. Le désengagement de l’Etat n’est pas une opinion. C’est un fait.
Un système meilleur avec un financement plus élevé ? Il est de règle au ministère de rappeler que la France consacre plus d’argent que la moyenne des pays de l’OCDE à l’éducation, ce qui est vrai , même si l’écart n’est que de 0,1% du PIB. Et il est vrai que le Japon et la Finlande, pour prendre deux pays à système éducatif performant, dépensent moins (4,9 et 5,9 contre 6% pour la seule formation initiale). Mais ces comparaisons n’ont qu’une valeur relative compte tenu de certaines spécificités du système français. Le fort taux de redoublement par exemple (déjà 15% des élèves à la fin du primaire) renchérit d’autant le coût de l’éducation moyen et diminue ce que devrait être la dépense réelle par élève par rapport à des pays où il n’existe pas. Enfin ces calculs ne tiennent pas compte de la rentabilité finale de l’éducation, une idée pourtant fortement défendue par l’OCDE. L’éducation apporte une plus value économique aussi bien pour le diplômé lui-même que pour la société dans son ensemble. Ainsi porter la France au niveau de résultats de la Finlande apporterait 11 milliards de PIB supplémentaire estime l’OCDE. Cet investissement rentable fabrique aussi des citoyens meilleurs.
Note d’information
http://media.education.gouv.fr/file/2011/51/4/NI1129-c[…]
Sur le site du Café
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