Par Françoise Solliec
Pour les experts comme Bernard Hugonnier, l’observatoire régional sera non seulement un outil de collecte et d’échanges d’informations, mais aussi un appui pour se faire entendre auprès des autorités et des institutions. Pourquoi et de quelle manière ?
C’est parce qu’il estime que l’observatoire régional aborde des thématiques intéressantes et peut éventuellement constituer « un contre pouvoir » que Bernard Hugonnier, directeur adjoint de la division de l’éducation de l’OCDE, a accepté d’en être un des observateurs. « La collecte d’informations nationales influence toujours les élites et peut les amener à évoluer »estime-t-il. Il est donc important que les caractéristiques soient établies de manière incontestable. La région Ile-de-France présente des différences très grandes en termes de revenus de population, de réussite des élèves, de répartition des jeunes enseignants, comme l’ont montré les cartes projetées au cours de la réunion de lancement. La disparité Est Ouest notamment, est très frappante.
Au-delà de l’intérêt évident de disposer de données et d’informations locales fiables, l’observatoire donnera-t-il capacité à la région de développer des politiques alternatives ? « Les régions jouent un rôle plus social qu’éducatif », estime Bernard Hugonnier, « mais elles savent se faire entendre ». Bien que ce sujet n’ait guère été abordé à la réunion, il est important de savoir pourquoi les jeunes ne réussissent pas. Pourquoi refusent-ils l’école ? La massification de l’enseignement et la mixité sociale sont des facteurs importants d’une réussite scolaire globale, toutes les études Pisa le montrent. Mais les nombreux débats et interrogations mentionnés par le jeune doctorant sur les effets de tel ou tel facteur (niveau académique des enseignants, taille des classes, attribution de moyens supplémentaires) montrent qu’il sera important de se concentrer sur la collecte de statistiques et d’indicateurs, en utilisant des outils économétriques, plutôt que des corrélations.
Faut-il augmenter le nombre des lycées polyvalents ? Certains d’entre eux s’apparentent à des classes de niveau, ce qui n’est pas un facteur de performance, répond Bernard Hugonnier. De par leur implantation, les lycées technologiques obligent les jeunes à sortir de leur banlieue, ce qui a un effet bénéfique. Créer un très grand établissement polyvalent risque d’encourager la ségrégation interne. Cela permettra de développer plus de passerelles, mais ne résoudra que très ponctuellement les problèmes. Les pays qui maintiennent une école unique avec continuité d’intégration des élèves le plus longtemps possible sont ceux qui facilitent la réussite des jeunes. Mais les lycées polytechniques ne sont pas forcément une bonne solution, voir le cas de l’Allemagne. En revanche, la polyvalence des enseignants apparaît comme un facteur intéressant qui pourrait beaucoup aider les élèves.
C’est le rôle de la région d’aider les jeunes et elle le fait au travers de différents dispositifs (aide aux logements, aux transports, à la restauration, etc.). Est-elle pour autant capable d’arriver à élever le niveau de mixité sociale ? s’interroge Bernard Hugonnier. Cela supposerait d’agir sur l’aménagement, l’urbanisme, les transports pour accroître l’attractivité de telle ou telle zone de banlieue. Avoir une politique de logement social de qualité, améliorer les transports, développer les commerces, les équipements culturels et sportifs permettrait sans doute d’attirer une population différente. Il serait important que les jeunes enseignants puissent vivre dans de bonnes conditions dans les lieux d’habitation de leurs élèves, partager les activités sociales et culturelles, établir avec eux des codes de communication.
Quoiqu’il en soit, Bernard Hugonnier suivra avec intérêt les travaux de l’observatoire. A son avis, les personnes présentes à la réunion ont parlé très librement et ce pourrait être un vrai lieu d’échanges et de réflexion. Le poids de la région Ile-de-France lui confère une capacité d’entraînement des autres régions et si des propositions émergent, elles ne resteront pas sans écho.