Par Françoise Solliec
Tous les acteurs de l’éducation accompagnent, à un titre ou à un autre, la construction des jeunes, futurs citoyens. Comment fédérer ces efforts et définir clairement les objectifs que doit atteindre un plan ambitieux pour l’école du 21ème siècle ?
Yves Fournel, adjoint au maire de Lyon en charge de l’éducation, président du réseau des villes éducatrices, rappelle que de nombreuses villes ont investi dans des actions éducatives, en dehors de leurs compétences premières « parce que personne ne peut réussir seul ». Si on ne veut pas se contenter d’un système éducatif qui laisse 15% des élèves sur le carreau, ce qui marche le mieux (d’après une expérience de 15 ans), c’est de travailler dans la complémentarité et l’ouverture à une conception globale de l’école. Certes il y a des difficultés, mais aussi des expériences « qui marchent ». Il évoque l’Appel de Bobigny. « L’appel » est le fruit d’un travail de 3 ans qui a permis de dépasser les polémiques autour de l’éducation et construire des convergences sur le fond entre les différents acteurs (villes, syndicats, parents, mouvements pédagogiques etc.). La discussion n’a pas été facile, estime Yves Fournel, mais elle a débouché sur 5 grands principes, dont l’éducation pour tous et pour toutes et l’éducation « priorité nationale » nécessitant une prise en charge collective.
Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE, constate que, depuis 1997, la part du PIB consacrée à l’éducation n’a cessé de diminuer. Dans cette même période, la part des collectivités est passée de 15 à 25% de la dépense d’éducation. Elles ont investi le champ de l’activité pédagogique. Par ailleurs, les inégalités entre élèves ont constamment augmenté. En France, le taux de corrélation entre niveau social et réussite scolaire est particulièrement fort. Pour lui, il faut passer du choix de la concurrence à celui de la coopération (entre établissements comme en classe). Tout enfant est éducable et l’école a une responsabilité vis-à-vis de lui, affirme JJ Hazan. Il ne faut pas refaire hors de l’école ce qu’on fait à l’école ; l’école apprend aussi aux enfants à vivre.
Aujourd’hui la puissance publique apparaît souvent incohérente. Il en donne deux exemples. Où est la cohérence pour la restauration scolaire quand l’Etat ne se préoccupe pas de la durée de la pause déjeuner ? Le poids des cartables est une question récurrente qui pourrait être facilement résolue avec un peu de moyens (300 000€). Le redoublement au primaire est à abolir. Il faut donner aux collectivités les moyens d’accompagner les changements dans l’éducation, et que tous travaillent ensemble, familles, équipes éducatives, collectivités. Il faut redonner du plaisir à apprendre et à enseigner, définir une finalité des ambitions de l’Etat pour l’école. Une vraie réflexion commence à converger en Ile-de-France, notamment entre la région et le CG 93 pour développer la mixité sociale et développer des lycées polyvalents
Zora Kovacevic, Directrice de l’APCIS (Association Accueils Préventions Cultures : Intergénérationnelle et Solidaire) souligne le contexte difficile du quartier Saint-Lazare à Stains : fort taux de chômage, familles monoparentales, jeunes professeurs issus de province … Les parents expriment une attente forte vis-à-vis de l’école, vue comme ascenseur social. Depuis 2003, l’APCIS accueille en permanence une trentaine d’élèves exclus. Le souci des personnels de maintenir ces élèves sous statut scolaire a conduit à un conventionnement avec le collège proche en 2007. En 2008, l’action a bénéficié du soutien du conseil général, puis de celui du plan Martin Hirsch. Un travail commun s’est effectué entre éducateurs, enseignants et parents de façon à maintenir la scolarité des élèves. L’après-midi des entretiens individualisés aident les jeunes à exprimer leurs difficultés et à atténuer leur souffrance. « On apporte une solution concrète aux difficultés de la famille ou on oriente vers des personnes aux compétences plus spécialisées », précise-t-elle. Seuls 10% des élèves accueillis persistent à revenir ; ce sont des élèves immatures ou chargés de famille ou encore relevant de l’éducation spécialisée.
Les questions de la salle révèlent les inquiétudes des représentants des syndicats face aux restrictions de postes et de moyens. Elles expriment aussi leur désaccord avec la nouvelle gouvernance des rectorats et l’appel à des fonds privés pour venir en aide à l’école, ce qui laisserait prévoir de multiples dérives.
En conclusion, Mathieu Hanotin, vice-président du conseil général en charge de l’éducation et organisateur de ces rencontres se félicite de ces échanges riches et animés. Il appelle à dépasser les divergences et à travailler en commun. « L’école ne va pas bien », affirme-t-il, » mais à tous les niveaux, on trouve de l’enthousiasme et des points positifs ». Un débat national va se tenir dans les mois à venir, c’est la volonté du conseil général de participer à un projet éducatif car personne ne détient la solution isolément. « Rajouter des moyens sans changer la structuration de l’enseignement n’aboutit à rien », affirme-t-il. « Malgré les mouvements syndicaux très forts de 1998, que je respecte et dont je me réjouis, force est de constater que l’attribution de 3000 postes n’a pas beaucoup amélioré la situation. Il est donc nécessaire de faire évoluer les choses en profondeur ».
« Je crois beaucoup au socle commun, à condition qu’il ne soit pas qu’un socle minimal, mais il n’exclut pas qu’on mette en valeur les qualités de chacun », poursuit M. Hanotin. Il invite à dépasser une situation d’affrontement bloqué pour entrer dans une logique de partenariat. Cela suppose un contrat de confiance, non seulement avec les partenaires (élèves, familles, enseignants) mais aussi avec l’Etat. Il y a des inquiétudes et des incompréhensions, « mais vous êtes les premiers à nous demander de soutenir un projet pédagogique qui vous tient à cœur ». Il faut travailler le contrat de confiance tout en le confrontant à la réalité du terrain, car le temps des élèves n’est pas le nôtre. Il y a besoin de saisir toutes les opportunités pour les élèves en décrochage. « Oui, l’Etat aurait dû faire plus », conclut M Hanotin, « mais nous nous sommes saisis de le question et nous avons montré que la collaboration avec une collectivité peut-être une plus value ». Il faudra aller plus loin, peut-être avec l’aide d’enseignants spécifiquement formés à la lutte contre le décrochage scolaire.