Par François Jarraud
Pour Béatrice Barraud, présidente des APEL, les association de parents de l’enseignement catholique (800 000 familles), « il est urgent que les parents (soient) informés des nouvelles pratiques de consommation d’alcool des jeunes afin de mettre en place une prévention indispensable ». Mardi 29 novembre, l’association s’est livrée à un exercice très intéressant : confronter la perception qu’ont les parents de l’alcoolisme chez les jeunes avec la réalité transmise par des experts : Marie Choquet et les psychiatres Xavier Pommereau et Philippe Boitel.
Selon le sondage de l’Apel, 83% des parents se déclarent préoccupés par la consommation d’alcool des jeunes, cela quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle (CSP). 74% pensent que la consommation d’alcool des filles a augmenté depuis leur jeunesse et 59% pour les garçons. Mais seulement 14% des parents pensent que leur enfant boit plus qu’eux au même âge….Enfin ils dénoncent majoritairement l’état d’esprit qui valorise la consommation d’alcool mais ne demandent pas plus de contrôle lors des soirées entre jeunes…
Or que sait-on vraiment de la consommation d’alcool des jeunes ? Pour Marie Choquet, épidémiologiste, il est faux de dire que les jeunes consomment de l’alcool plus tôt. Le premier verre est à 11-12 ans et la première ivresse à 13-14 ans. Il est faux aussi de dire qu’ils consomment davantage. D’ailleurs la consommation régulière d’alcool a pratiquement disparu (alors qu’elle touchait 12% des jeunes dans la génération des parents). Par contre se sont installées de nouvelles formes de consommation d’alcool où le jeune recherche directement l’ivresse. C’est le binge drinking ou speed drinking, où il faut s’enivrer le plus vite possible. On voit aussi des consommations très fortes sans ivresse lors de soirées. Chez les jeunes de 16 ans, un sur trois a bu plus de 6 verres lors d’une même occasion dans le mois. Enfin l’écart entre les sexes se réduit avec la montée de l’alcoolisme chez les filles. Evidemment cela ne touche pas tous les jeunes précise-t-elle. Psychiatre, Xavier Pommereau insiste sur les risques liés à l’alcool comme la sexualité non désirée et non protégée.
Si la consommation n’a pas globalement augmenté, pourquoi cet intérêt soudain pour cette drogue ? C’est que, si la consommation d’alcool diminue chez les jeunes de milieu populaire, par contre elle augmente chez les jeunes des familles favorisées. Le meilleur exemple est donné par P. Boitel. Selon lui, lors du dernier trimestre, 4 jeunes de HEC auraient abouti en réanimation pour cette raison. Il estime qu’une centaine de jeunes ont été en coma éthylique dans cette école sur la même période sans aboutir aux urgences. Pour lui, la surconsommation d’alcool est devenue « une marque identitaire » dans les écoles de commerce. Ce qui taraude l’APEL et les spécialistes c’est que les futures élites de la France s’alcoolisent. D’autant que, selon P Boitel, cela laisse des traces durables. 10 à 15 ans après la fin des études ils ont de fortes chances de basculer à nouveau dans l’alcool. Que l’alcoolisme touche les enfants des meilleures familles est soudainement un problème…
Comment expliquer cette nouvelle forme d’alcoolisme ? Pour X Pommereau c’est lié à la fois aux pressions exercées sur les jeunes et à un certain abandon dans lequel on les laisse. « Il faut nourrir nos enfants plutôt que leur apprendre à consommer », dit-il. Il milite pour qu’on leur donne des responsabilités. Mais pour Philippe Boitel, les adultes sont une grande part de responsabilité. Et d’abord les politiques en n’interdisant pas la publicité pour les alcools et la vente en station service. La loi sur l’alcool est « hypocrite » explique-t-il au député Xavier Breton…
Que faire ? Pour Marie Choquet il faut que parents et jeunes en parlent en groupe. Il ne faut pas rester seul avec ce problème. Il faut aussi aider le jeune à se sociabiliser, lui donner des responsabilités. Dans la salle, une représentante de la Mission interministérielle de lutte contre la droguer et la toxicomanie annonce la publication de guides pour les enseignants.
Une enseignante a fait sa part. Isabelle Conseil, professeure au lycée Saint Jean de Salon-de-Provence a fait réaliser des vidéos sur ce thème par ses élèves de seconde. Un film montre la mort d’un jeune homme abandonné en coma éthylique par ses camarades. Un autre un accident de scooter suite à une fête arrosée. « On ne va pas changer le monde avec ces vidéos », nous dit-elle. « Mais elles ont permis aux jeunes d’échanger entre eux sur l’alcool et sur l’aide à s’apporter les uns les autres. Elles nourrissent les discussions entre pairs ».
Béatrice Barraud invite les parents à faire déjà leur introspection sur leur propre consommation d’alcool. Les parents sont « des modèles » que les enfants observent. Elle invite aussi à lutter contre le pessimisme ambiant pour donner de l’espoir aux jeunes. Les Apel ouvrent un numéro azur anonyme (0810 255 255). Des experts y répondent aux questions des parents. Un guide est proposé en téléchargement par les Apel.
François Jarraud
Liens :
L’étude Apel
http://www.apel.fr/index.php?/actus-apel/ados-alcool-danger.html
Le guide Apel
http://www.apel.fr/images/stories/petit-dej-alcoo[…]
Vidéo 1 du lycée Saint-Jean
http://www.youtube.com/watch?v=aLwYQBpnFHk
Vidéo 2
http://www.youtube.com/watch?v=e1Iv47zvvxM
Lutter contre les drogues
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2008/Guide08[…]
Le guide de la Dgesco
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/leleve/Pages/20[…]