Par François Jarraud
L’école peut-elle contribuer à lutter contre les exclusions ? Dans quelle mesure les inégalités de la société la traverse-t-elle ? Pour aborder ces questions, l’IREA, un institut de recherche du Sgen Cfdt, avait invité le 16 novembre des experts de renom. Du jeu de confrontations sur les rapports entre territoire et école, puis sur l’établissement comme instrument social, un fil se dégage. L’école en mutation est obligée de faire face à des demandes sociales inédites qui remettent en question son modèle. La société change. L’Ecole ne pourra échapper à sa mutation.
C’est avec le rapport entre école et territoire qu’Armand Frémont, géographe et ancien recteur, a ouvert le colloque. Il revenait au géographe de « l’espace vécu » d’analyser la relation complexe entretenue entre l’école et son territoire. Longtemps contrôlée par le seul Etat, l’école était un élément de sa politique d’uniformisation et d’intégration du territoire national. Une situation qui a évolué avec la décentralisation. L’école , espace vécu de l’élève, est encore un instrument de sa socialisation dans des cercles de plus en plus élargis de l’école au lycée. Elle est aussi un service convoité par les parents et par les entreprises en mal de localisation. Elle contribue donc à aménager l’espace. En même temps elle subit la désertification de certains territoires, la mobilité croissante. Elle joue avec le territoire tantôt soutenue parce que zep, tantôt évitée au gé des dérogations. Les rapports entre école et territoire longtemps immobiles sont entrés dans une phase instable.
Quid du lien social ? Cette mobilité, André Legrand , ancien recteur , juriste de formation, la retrouve dans l’évolution des rapports entre école et droit. Longtemps l’école a fait sa propre loi. Depuis les années 1980 le droit a fait irruption dans l’école. Le droit qui apaise ici exacerbe les conflits. L’école refuse la judiciarisation sans arriver à la contrer. André Sirota , psychanalyste, a montré la nécessité que peut avoir l’école d’un regard externe pour comprendre et dépasser ses conflits.
L’établissement scolaire fait-il société ? Animée par Françoise Clerc, cette table ronde réunissait la sociologue Anne Barrère et deux inspecteurs, Jean Yves Langanay, membre du bureau d’Education et devenir , et Jean- Paul Delahaye. Tous trois ont des approches différentes. La où la sociologue observe et cherche le sens, les inspecteurs lisent avec les lunettes de serviteur de l’Etat. Ainsi Jean-Yves Langanay a disséqué avec précision et efficacité le fonctionnement du conseil d’administration dans les établissements scolaires. En dévoilant les rapports de force en jeu dans cette assemblée, il fait des propositions d’amélioration. Il faudrait distinguer les fonctions de chef d’établissement de celle de président du CA. Il faudrait aussi donner plus de place aux parents, aux personnalités extérieure , aux élèves. C’est à ce titre que l’école pourrait devenir un vrai outil de socialisation démocratique.
Pour Anne Barrère, l’école est bien un lieu de socialisation important. Mais elle peine à devenir une cité politique. C’est surtout un lieu d’épreuve pour les professeurs et les élèves. Ceux ci font l’apprentissage de la solitude face à la note. Les professeurs font eux l’apprentissage de la solitude face à la classe. Pour que l’établissement fasse davantage société il faudrait améliorer la solidarité entre élèves et entre professeurs.
Jean-Paul Delahaye a rappelé le rêve politique des fondateurs de l’école. Ils voulaient former des républicains et l’opinion publique a encore récemment crédité l’école d’une forte capacité à transmettre les principes républicains. C’est encore un lieu de maintien du lien social. Mais l’établissement ne pourra se renforcer que si sa communauté partage une éthique commune. Son absence est vivement ressentie en période d’évolution et de changement. Qui la réinventera ?
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