Elections
professionnelles dans les écoles : et si on y regardait de plus près ?
Nous avons rendu compte du résultat
des élections professionnelles 2011 dans les différentes éditions du
Café. Nous ne revenons pas ici sur un des enseignements majeurs, la
baisse de participation des votants, dont l’avenir dira si elle est
effectivement conjoncturelle, car liée à l’organisation ubuesque du
vote électronique par le ministère, ou plus inquiétante pour les
syndicats, car marquant une érosion de la confiance des enseignants des
écoles. André
Robert est largement revenu sur cette perspective.
Nous
voudrions ici entrer dans une analyse un peu plus fine, qui nous
permette de mieux comprendre les évolutions.
Evolution
de la participation : variations contrastées
L’étude
des résultats détaillés des élections professionnelles, département par
département, permet de faire quelques hypothèses sur les conditions
locales qui ont pu avoir une influence sur la participation et sur les
résultats.
Les
deux cartes ci-contre nous permettent de visualiser à la fois la
participation et l’évolution depuis 2008. Une tendance forte semble
être corrélée avec le type d’environnement urbain : les taux de votes
de la
région parisienne, du Sud-Est, de l’Alsace, à Toulouse, dans le Nord,
ne dépassent parfois pas 30% (en
clair sur la carte sépia ci-contre), alors que les départements
plus petits
arrivent à mobiliser jusqu’à deux enseignants des écoles sur trois (orange plus foncé).
L’évolution
2008-2011 (carte suivante) semble montrer que la tendance est sans
doute
croissante (plus c’est bleu foncé,
plus la participation baisse).
Evidemment, c’est sans doute l’indice de la difficulté, en
zone urbaine, à maintenir le lien collectif qui a fait la force
historique du syndicalisme enseignant, à l’époque où le collectif
syndical et
le collectif professionnel étaient largement confondus. Les
modifications des conditions d’exercice professionnel (par exemple les
temps personnels plus contraints) rendent plus difficiles les moments
de rencontre qui permettent aux réseaux militants de se faire
connaître. Un risque de décalage progressif entre les réseaux militants
et les enseignants « ordinaires » est possible. Un beau thème d’étude
pour une équipe d’universitaires qui chercherait à mieux comprendre les
évolutions de la sociologie des enseignants des écoles, et leur rapport
à leur corporation…
Leadership
départemental : un apparente hégémonie…
Si
on observe le résultat brut, tel qu’il se traduit dans chaque
département, la première place du SNUipp ne souffre pas de discussion :
dans le prolongement des scrutins précédents, il n’apparait contesté
par le SE que dans ses bastions historiques du Nord, de l’Est ou de
l’axe méridien. encore faut-il être en situation de regarder plus en
détail. D’abord, par la bascule de quelques départements où le SNUipp
recule après une phase de progression (Aude, Puy-de-Dôme, Savoie, Tarn,
Vaucluse, Haute-Vienne), même s’il gagne pour la première fois dans
l’Ariège, l’AUbe, l’Aveyron, la Correze ou Mayotte. Le SGEN garde son
fief historique de la Manche, alors que FO prend le leadership en
Haute-Loire et dans le Vaucluse.
…mais
de fortes disparités
Mais
l’implantation du SNUipp reste inégale sur le territoire national :
certains départements maintiennent une forte majorité, dépassant les
deux tiers des voix (Loir & Cher, Creuse, Drôme, Ardèche, Eure
& Loir, Hauts-de-Seine, Calvados, Vienne, Doubs, en violet foncé ci-dessous…),
mais la poussée du SE dans nombre de territoires semble marquer des
renouvellements de pratiques syndicales ou des dynamiques locales (10%
de progression pour dans le Puy-de-Dôme,la Meuse, la Haute-Vienne, le
Pas-de-Calais, le Marne)…
C’est
sans doute la marque que se sont progressivement combinés, dans les dix
dernières années, plusieurs phénomènes :
–
l’histoire
locale, qui avait fait que le département était, avant la sission
FSU/UNSA de 1993, historiquement gagné aux idées du courant « Unité
& Action » alors minoritaire dans la FEN (28 départements de
Bretagne, région parisienne, Côte-d’Or, Drôme, Loir-et-Cher,
Bouches-du-Rhone, Rhône…)
–
la dynamique avec laquelle le SNUipp s’est construit dans les années
1994-2000, avec des bascules rapides lorsque les équipes du SNUipp ont
réussi à occuper les différentes facettes de l’activité syndicale
(Jura, Yonne, Pyrénées-Orientales, Gironde, Orne…)
–
la capacité des équipes du SE à « rebondir » dans les années 2005-2010,
avec l’arrivée de nouveaux militants, dégagés de l’histoire des
tendances d’avant la sission, capables de réinvestir de nouvelles
pratiques syndicales proches du terrain, moins idéologiques…
Force
Ouvrière : un espace syndical spécifique ?
L’observation
de la carte d’implantation de Force Ouvrière, dans le premier degré,
semble montrer une implantation urbaine indéniable, notamment dans la
grande région parisienne et le Sud-Est. Sa progression la plus forte a
lieu sur des territoires où la participation au vote recule fortement,
signe de désaffection d’une partie des enseignants, et sans doute d’une
« radicalisation » des discours syndicaux.
Traditionnellement
éloignés des discours « pédagogiques » ou « réformateurs » (dans tous les
sens du terme…), Force Ouvrière trouve sans doute un terrain
propice dans les zones où les conditions de travail semblent
bloquées, où la défense pied-à-pied de l’existant sembe moins
périlleuse qu’une voie syndicale articulant revendications corporatives
et projet de transformation de l’Ecole.
Conséquence
qui n’est pas mince, Force Ouvrière prend pied dans les instances
paritaires nationales (CAPN), à la troisième position, à la place du
SGEN. Il a désormais au moins un élu dans les commissions
départementales (CAPD) d’un tiers des départements.
Quid
du vote des directeurs ?
Les
résultats dont nous disposons ne nous permettent pas de répondre à une
question sans doute importante : les directeurs d’école ont-ils voté
différemment des adjoints ? Alors que depuis plusieurs années, aucune
solution n’a pu ête trouvée à la grande difficulté d’exercice de ces
fonctions spécifiques, on ne constate pas lors de ces élections d’écho
particulier de ces questions. C’est sans doute un dossiers que devront
prendre en charge avec plus de résultats le SNUipp et le SE dans les
années à venir s’ils veulent éviter un risque d’oppositions
catégorielles…
SGEN
et SUD : un impact qui semble ne pas évoluer significativement
Enfin,
on peut sans doute rapprocher les résultats de deux organisations qui
ont des racines communes (rappelons qu’une part des forces à
l’initiative de la création de SUD furent originaires de militants
quittant la CFDT lors de l’ère de Nicole Notat…) même si elles ont un
positionnement différent.
Le
SGEN-CFDT, traditionnellement plus influent dans le second degré, ne
perce pas au delà de ses bastions traditionnels (Manche, Haute-Savoie,
Hautes-Pyrénées, Haut-Rhin…) et reste souvent dans l’incapacité de
présenter des listes syndicales aux élections à la CAPD.
De
son côté, SUD, comme la CGT qui reflue légèrement à 2%, semble ne pas
trouver d’espace alternatif dans le premier degré. La Bretagne semble
cependant lui donner un espace spécifique (allant jusqu’à un quart des
exprimés dans l’Orne)
Un bel observatoire des évolutions
Signalons enfin à ceux qui
souhaiteraient observer dans le détail les évolutions département par
département le bel outil mis en place par Force Ouvrière qui donne
accès à l’historique des votes aux paritaires dans le premier degré sur
son
site