Par Jean-Louis Auduc
De plus en plus d’établissements expérimentent sur la base du volontariat des enseignants dans une ou plusieurs classes une évaluation des connaissances et des compétences des élèves sans notation chiffrée. C’est le cas du collège lou Redounet à Uzès dans le Gard où l’équipe enseignante en charge d’une classe de 6e l’a mené en 2010-2011 et la poursuit en classe de 5e. A l’occasion d’une formation que j’effectuais dans cet établissement, j’ai pu rencontrer les enseignants concernés qui m’ont remis une enquête effectuée en juin 2011 auprès des élèves et des familles de la classe où avait eu lieu l’expérimentation. Cette enquête m’a paru assez intéressante et contrastée pour être partagée.
Elle révèle une certaine inquiétude des élèves lorsqu’ils ont appris en septembre 2010 qu’ils feraient leur 6eme dans une classe sans notes : Comment cela va se passer ? Le questionnement des élèves concernant leur travail montre que globalement, ils ont pu travailler avec moins de stress ; ils reconnaissent avoir fourni des efforts là où apparaissaient des faiblesses ; il leur apparaît qu’ils ont autant travaillé que les autres années et qu’ils n’ont pas relâché leur travail. Par contre la question « cela t’a gêné de ne pas savoir où tu te situais dans la classe » a recueilli plus de oui que de non.
Le positionnement de l’élève par rapport à de telles expérimentations apparaît décisif. L’élève qui arrive au collège dans une société où les codes sociaux et médiatiques commandent d’être matures de plus en plus tôt, se sent au collège dans un espace qu’il ressent comme n’étant plus celui de l’enfance, même s’il ne sait pas toujours dans une société sans rite collectif de sortie de l’enfance, ce qu’il est lui-même.
Les notes peuvent revêtir un caractère initiatique qui confirme qu’on est entré dans l’adolescence. C’est ce que semble indiquer un élève dans l’enquête qui déclare « Les autres disent que c’est comme au CE2 »……..et qui exprime ainsi son souhait de se sentir vraiment au collège comme un adolescent et plus l’enfant de l’école. C’est sans doute une des raisons qui expliquent que 30% des élèves répondent « non » à la poursuite de l’expérience en 5e. Il y a là dans le domaine de la construction de la personnalité et de l’estime de soi un travail important à mener pour que ces classes n’apparaissent pas celles des « enfants prolongés ». Cela passe par des rites collectifs de passage assumés qui évitent les rituels de substitution comme peuvent l’être au collège la notation ou les sanctions comme l’a montré Sylvie Ayral « La Fabrique des garçons »
Les élèves indiquent également qu’avec ce type d’évaluation les relations avec les enseignants, les autres élèves de la classe et les parents ont été plus détendues. L’ambiance de la classe a été globalement jugée bonne. Cette enquête montre que les élèves ne se sont donc pas sentis gênés par rapport à leur travail scolaire, qu’ils l’ont plutôt effectué plus détendu que d’habitude et avec de bons résultats. Les résultats sont donc extrêmement positifs concernant la quantité du travail scolaire effectué et la qualité des résultats obtenus. Les seuls problèmes apparus ressortent de ce que j’appellerai les représentations du métier d’élève à l’âge où le jeune s’interroge sur son identité. Pour une pleine réussite de cette démarche, cette donnée, certes minoritaire dans les réponses mais bien présente, est à prendre en compte.
Du coté des parents… Si une majorité de parents étaient dans l’expectative lors de la rentrée 2010 de cette classe, il apparaît que pour une grande majorité de parents l’évaluation des compétences sans notation chiffrée leur a permis de se rendre compte clairement du travail de leur enfant et des résultats. Les parents jugent également cette démarche a été positive pour leur enfant qui « a travaillé et progressé ». Ils demandent cependant plus de réunions de bilan de la classe. Les parents sont quasi unanimes à demander que leur enfant poursuive l’expérience en 5eme. Les familles se sont donc senties en phase avec une démarche d’évaluation qui leur a permis « de mieux cerner le travail de leur enfant ».
Cette enquête parallèle : élèves, familles avec ses différences et ses points communs montre que la question de l’évaluation peut être un sujet travaillé avec les familles pour donner du sens à l’école et qu’il n’est pas besoin de la notation chiffrée pour que les élèves apprennent à travailler et prennent conscience de leurs réussite et de leurs faiblesses.
Jean-Louis Auduc
Evaluer à l’heure des compétences
Pour ses coordinateurs, F Colsaët et Y Mével, avec ce dossier « il ne s’agit pas pour nous de reprendre le débat en termes binaires pour ou contre, mais d’explorer ce que le travail avec les compétences apporte à cette évaluation formative et si possible différenciée que nous cherchons à promouvoir ». Pourtant, pour une fois, les Cahiers pédagogiques offrent un dossier contradictoire avec un véritable débat sur l’approche par compétences.
Ainsi Maria-Alice Médioni pose la question de l’évaluationnite et de ses dérives. Xavier Nicquevert invite à ne pas perdre de vue l’évaluation formative. JM Zakhartchouk tente de montrer qu’on peut tirer du positif du LPC à certaines conditions comme la mise à distance avec la notion de acquis – non acquis. D’autres articles nous ramènent aux bonnes vieilles grilles ou nous expliquent comment nous lancer.
Evaluer çà l’heure des compétences, Cahiers pédagogiques n°491.
Le sommaire
http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?page=numero&id_article=7550
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