Par Monique Royer
Ce sont à des « petits riens » que les parents d’élèves prennent conscience que l’école va vraiment mal. Au collège du Bastion de Carcassonne, ils ont décidé de réagir de façon fracassante en déclarant leur école morte.
Le Collège du Bastion, situé au centre ville de Carcassonne, apparait derrière ses murs épais comme un collège ordinaire. Comme partout ailleurs, la baisse des moyens se traduit au quotidien. 69 heures de surveillance passées à la trappe, une classe de sixième portée disparue, des aides au laboratoire, au CDI, au secrétariat de la vie scolaire manquent à l’appel de la rentrée, un poste d’enseignant d’anglais en moins, et c’est toute une qualité de l’enseignement qui s’en trouve affectée.
« Pour cause de chahut, les lavabos des toilettes ont été fermés, impossible pour les élèves de se laver les mains ». Françoise Bourrel, présidente de la section locale FCPE en convient, l’exemple peut paraître anecdotique mais il est significatif d’une contradiction entre les injonctions à respecter les règles élémentaires d’hygiène et la dégradation des moyens pour favoriser leur application. Et puis, il y a aussi, le dédale des couloirs, le passage souterrain pour passer d’un bâtiment à l’autre et les surveillants, moins nombreux que par le passé, qui doivent se poster pour éviter que des problèmes ne surviennent. Le choix entre le lavage de mains et la prévention des incidents se fait au détriment de la sécurité ou de l’hygiène. Les parents pensaient à la faire connaissance avec un surveillant supplémentaire, ils ont trouvé un effectif marqué d’un moins un.
Françoise Bourrel constate aussi que la suppression des postes d’aides nuit à la relation entre les élèves et les enseignants. Accaparé par des tâches qui incombaient aux aides, le prof est moins disponible pour répondre aux demandes des élèves. « Au collège, les élèves ont des difficultés à parler à l’adulte, alors lorsqu’ils le sentent moins disponibles, la difficulté est plus grande ». Une CLIS est présente dans le collège, comment favoriser une intégration réussie des enfants, si les moyens d’encadrement hors classe sont réduits. Le sentiment est partagé au-delà du cercle des parents de la Fcpe.
Face à cette dégradation au quotidien, à ces petits riens qui minent la scolarité, les parents du Bastion ont décidé d’agir. Ils se sont associés au mouvement des enseignants par une opération école morte et l’ont poursuivie au-delà de la journée de grève. Les parents du collège ont été invités à ne pas mettre leur enfant à l’école. Opération réussie puisque sur les 600 élèves, seuls 50 étaient présents. Lundi, une séquestration symbolique des enseignants dans la salle des profs a été organisée. « Dans la bonne humeur » précise la présidente locale de la Fcpe puisque les enseignants vivent dans l’ensemble favorablement le mouvement.
Mardi, une délégation de parents a été reçue par l’Inspecteur d’Académie. Le discours officiel, teinté d’une apparente compréhension, est sans appel. L’académie n’a pas les moyens suffisants pour répondre favorablement à la demande même pour un poste de surveillant. Neuf établissements sont prioritaires. Parmi eux, le collège Emile Allain de Carcassonne qui vit une rentrée difficile. Après cette fin polie de non recevoir, le découragement n’est pas de mise. « ça nous booste » nous dit une mère d’élèves. L’heure est plutôt à trouver de nouvelles formes de protestation. Laisser les enfants à la maison au lieu d’aller en cours n’est pas une décision anodine. L’école morte doit trouver d’autres prolongements, en lien avec les enseignants et les autres établissements de la circonscription.
Les parents d’élèves du Bastion ont semé la graine de la révolte contre une école minée par la baisse des moyens, une preuve supplémentaire d’un attachement certain à un système éducatif de qualité.