Par François Jarraud
La France est-elle capable de faire face au décrochage scolaire ? Si le décrochage est un sujet brûlant d’actualité et un des principaux problèmes pour tous les systèmes éducatifs des pays avancés, la France se distingue par ses réticences à le prendre en charge. C’est un des enseignements de l’ouvrage de Pierre-Yves Bernard qui fait la synthèse des recherches sur ce phénomène à la fois social et scolaire.
Car on ne peut pas réduire le décrochage à sa dimension sociale. L’Ecole a aussi sa part dans le décrochage. D’abord parce qu’elle véhicule l’ennui au point que le nombre de décrocheurs passifs (présents mais ailleurs) doit dépasser de beaucoup le nombre officiel. Elle creuse aussi les difficultés cognitives en encourageant un enseignement transmissif de savoirs toujours plus encyclopédiques. Elle laisse aussi s’installer les « malentendus » mis en évidence par S Bonnery qui entrainent un décochage cognitif précoce. Enfin l’offre éducative elle-même crée le décrochage. C’est le cas par exemple quand on diminue les possibilités de scolarisation précoce.
C’est particulièrement marqué en France où le décrochage a été longtemps nié. En Amérique du Nord, nous explique PY Bernard, l’école a été vue très tôt comme une « common school », ouverte à tous, l’éducation étant un élément renforçant la nation et le décrochage un facteur de trouble dans la société et de dépenses à venir supplémentaires. En France l’école est restée sélective et très tôt la question du décrochage est passé de l’éducation nationale ver s le ministère de l’emploi ou du travail… Il faut attendre 1999 pour que l’éducation nationale s’y intéresse officiellement ou encore les efforts de Martin Hirsch en 2006 mais là planait l’ombre des émeutes de 2005… Pour PY Bernard, « le décrochage n’est pas un problème vraiment important » dans le modèle éducatif français.
Un problème pour le présent et l’avenir. Les politiques sont-elles adaptées ? Luc Chatel a annoncé lors de cette rentrée qu’il mettait en place un système informatique de repérage des décrocheurs. Mais parallèlement le gouvernement fait des choix qui sont contestables au regard d’une politique de lutte contre le décrochage. Ainsi la remise en question d ela scolarisation à deux ans, l’incapacité à faire évoluer l’Ecole vers le modèle de la comprehensive school. Pire le gouvernement promeut des filières spécifiques de scolarisation qui très souvent mène à la déqualification. Ainsi cette rentrée est marquée par la mise en place de 4ème et de 3èmes spécifiques, en alternance, qui s’ajoutent au DIMA, un dispositif d’apprentissage précoce. Historiquement isolée dans l’approche du décrochage, comme le montre PY Bernard, la France semble continuer sur une voie spécifique. Jusqu’à quand ?
Pierre-Yves Bernard, Le décrochage scolaire, Que sais-je n°3928, PUF Paris 2011.
180 000 perdus de vue
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C Blaya, décrochages scolaires
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