Par François Jarraud
Organisée par l’AFEV et Curiosphère le 21 septembre, la 4ème Journée du refus de l’échec scolaire voulait dénoncer la pression scolaire. Mais comment sortir du consensus et faire des propositions concrètes ? La Journée a permis d’entendre des experts prestigieux (Cyrulnik) et des acteurs de terrain. L’AFEV s’engage à lui donner une suite concrète sous forme d’un pacte soumis aux candidats aux présidentielles.
« Si les parents mettaient pas la pression, les enfants auraient pas un bel avenir« . La petite fille qui a fait cette déclaration à la caméra de Curiosphère a bien résumé l’objet de cette 4ème Journée du refus de l’échec scolaire (JRES). Il s’agit de lutter contre une « pression scolaire » que Thibault Renaudin, le président de l’AFEV, situe comme la plus importante du monde, après celles de Corée du Sud et du Japon. C’est un appel au « désarmement scolaire » qu’il appelle en s’appuyant sur les résultats d’un sondage réalisé par Trajectoires Reflex auprès de 600 familles suivies par l’AFEV (donc avec des enfants en difficulté scolaire).
Selon ce sondage, les symptômes de la pression sont bien là. 43% des enfants ont mal au ventre avant d’aller à l’école, un tiers ne se sent pas respecté à l’école, 70% connaissent des difficultés de compréhension mais seulement 46% osent lever le doigt… Du coté des parents, 81% font confiance à l’école mais 51% aimeraient mettre leur enfant dans le privé. 59% estiment que le temps du devoir est un moment difficile et 56% se disputent avec leur enfant à propos des notes. Pour Boris Cyrulnik il faut faire attention au « trop d’école ». Il a plaidé pour le soutien des enfants : selon lui les hommes ont biologiquement besoin de soutien. Les enseignants sont mieux placés, car affectivement plus neutres, pour aider les élèves que les parents.
Il revient aux sociologues de décrire cette pression. Séverine Kapko (Paris 8) critique le travail à la maison. « L’école place sous la responsabilité des familles des activités qu’elle juge centrales. Elle exporte vers les familles des apprentissages mal acquis. En fait c’est la dévolution d’un sale boulot ». Pierre Périer date la pression scolaire des années 1980, résultat à la fois de la loi de 1989 et de la crise économique. « A l’école c’est tous contre tous », affirme-t-il, du fait des notes. Les familles finissent par décrocher du travail scolaire. Pour lui les enseignants devraient expliciter davantage leurs attentes, diversifier les moyens de contact avec les parents (pas seulement les réunions publiques), anticiper ces rencontres et désindividualiser, c’est à dire encourager l’expression collective des parents.
Georges Fotinos, qui a fait de nombreuses enquêtes sur le climat scolaire, montre l’élargissement du fossé entre école et parents. 58% des enseignants jugent les parents démissionnaires, 50% des parents estiment que l’école ne doit pas les aider à éduquer leur enfant. Si l’on veut rapprocher les parents de l’école , il faut que les parents aient un lieu d’accueil fixe dans l’école, qu’ils soient associés à la lutte contre la violence et à la rédaction du règlement intérieur. Il faut aussi former les enseignants à la rencontre avec les parents.
Place aux acteurs. Et d’abord au ministère représenté par Jean-Michel Blanquer. Le directeur d el’ enseignement scolaire a plaidé pour que le système éducatif reconnaisse la diversité des parcours et décloisonne les disciplines. Une position jugée facile par Thierry Cadart, secrétaire général du Sgen Cfdt. Pour lui le système éducatif nourrit une souffrance particulière aux enseignants. Ils sont sous une forte injonction de réussite pour tous alors que le système éducatif est élitiste. C’est cet élitisme qu’il faut supprimer, dit-il. Ce qui suppose que la société accorde moins d’importance au diplôme.
Sur le terrain des équipes s’activent à fabriquer l’école inclusive. On a pu voir Marie-Claire Michaud de l’association Ecole et famille qui, dans le 95, travaille les liens familiaux et le lien entre la famille et l’école avec une approche thérapeutique et de formation. Bruno Tardieu, d’ATD Quart Monde, a rappelé l’expérience menée à Rennes avec comme objectif de renouer avec la joie à l’ école. Pour cela ATD mène une vraie politique d’empowerment des familles défavorisées : espace de réunion dans l’école, formation de délégués de parents d’élèves, formation des enseignants à l’écoute des parents. A Paris, au lycée L Ponticelli, Philippe Goémé parle de tutorat, de l’accueil des parents au conseil de classe mais surtout du climat de bienveillance qui règne envers els élèves. C’est la base d’un « travail de cousette » sans cesse remis sur le métier pour tisser les liens.
Un appel à construire. D’autres acteurs ont apporté leur vision du problème. Au bout de ces nombreuses contributions, un large consensus régnait sur l’idée que pour réduire la pression scolaire il faut changer l’école. Oui mais comment ? L’AFEV a annoncé qu’elle proposerait un « pacte du refus de l’échec scolaire » aux candidats aux présidentielles. Affaire à suivre…
François Jarraud
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