Par François Jarraud
Le Journal Officiel du 26 juin publie deux décrets concernant le régime des sanctions dans les établissements secondaires. Ils créent une nouvelle sanction appelée « mesures de responsabilisation » et affirment le rôle du chef d’établissement.
Faisant suite aux propos du président de la République le 23 juin, les deux décrets renforcent la politique disciplinaire et les pouvoirs du chef d’établissement.
La principale mesure est la création d’une nouvelle sanction : la « mesure de responsabilisation« . Il s’agit des « travaux d’intérêt général » que N Sarkozy avait annoncés. » La mesure de responsabilisation… consiste à participer, en dehors des heures d’enseignement, à des activités de solidarité, culturelles ou de formation à des fins éducatives. Sa durée ne peut excéder vingt heures. Lorsqu’elle consiste en particulier en l’exécution d’une tâche, celle-ci doit respecter la dignité de l’élève, ne pas l’exposer à un danger pour sa santé et demeurer en adéquation avec son âge et ses capacités. Elle peut être exécutée au sein de l’établissement, d’une association, d’une collectivité territoriale, d’un groupement rassemblant des personnes publiques ou d’une administration de l’Etat… L’accord de l’élève, et, lorsqu’il est mineur, celui de son représentant légal, est recueilli en cas d’exécution à l’extérieur de l’établissement. Un exemplaire de la convention est remis à l’élève ou à son représentant légal. La mise en place d’une mesure de responsabilisation est subordonnée à la signature d’un engagement par l’élève à la réaliser ». Elle peut remplacer une mesure d’exclusion temporaire ou définitive sur proposition du seul chef d’établissement ou du conseil de discipline.
Limitation des exclusions. La mesure est appelée à remplacer les exclusions temporaires. Celles-ci sont limitées L’exclusion de la classe ou de l’établissement ne peuvent excéder 8 jours.
La sanction disciplinaire devient automatique » lorsque l’élève est l’auteur de violence verbale à l’égard d’un membre du personnel de l’établissement ; ou lorsque l’élève commet un acte grave à l’égard d’un membre du personnel ou d’un autre élève ». Le chef d’établissement » est tenu de saisir le conseil de discipline lorsqu’un membre du personnel de l’établissement a été victime de violence physique ».
Malgré cette automaticité, une « commission éducative » est crée dans les établissements pour examiner la situation d’un élève « dont le comportement est inadapté ». Elle comprend sous la présidence du chef d’établissement deux « personnels de l’établissement » dont au moins un professeur et un parent d’élève. Mais le chef d’établissement peut prononcer seul toutes les sanctions à l’exception de l’exclusion définitive.
Luc Chatel avait engagé une large réflexion sur la violence scolaire avec Eric Debarbieux. Des moyens de formation et d’intervention ont été dégagés pour appuyer cette politique. Ces deux décrets constituent-ils son désaveu ? Ce n’est pas certain et seul l’avenir de ces dispositifs le dira. Seront-ils accueillis favorablement par tous ceux qui pensent que la sanction disciplinaire règle les difficultés ? Ce n’est pas certain car ceux-ci déploreront la limitation des exclusions.
Premier décret
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JOR[…]
Second décret
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JO[…]
Debarbieux : déidéologiser le débat
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/01/1[…]
Profiter de la fenêtre ouverte par les Etats généraux
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/[…]
A quoi ont servi les Etats généraux ?
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Sanctions : Un projet d’arrêté encadre strictement les « mesures de responsabilisation »
Un projet d’arrêté d’application du décret sur les sanctions dans les établissements secondaires prévoit un encadrement ferme des mesures de responsabilisation.
» La « mesure de responsabilisation », les travaux d’intérêt général, ça existait déjà. Mais on les généralise et surtout on les définit. Ce ne sera pas envoyer l’élève balayer la cour », nous avait promis Eric Debarbieux dans l’entretien accordé le 27 juin. De fait, le projet d’arrêté, sur lequel le CSE aurait du se prononcer le 30, définit la convention de mise en oeuvre de cette mesure. Elle lui fixe comme objectif « faire participer les élèves, en dehors des heures d’enseignement, à des activités culturelles ou de formation à des fins éducatives… En période scolaire, le temps consacré à la mesure de responsabilisation tient compte de l’emploi du temps de l’élève (qui reste scolarisé). Ce temps ne peut excéder 3 heures par jour ». Les travaux de l’élève font l’objet d’un accompagnement pédagogique. Les élèves devraient donc savoir que leur comportement ne les amènera pas à quitter l’école pour un délai plus ou moins long mais à prolonger l’école par un travail à faire.
Sur le décret
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/06/2706[…]
Entretien avec E Debarbieux
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/06/27_[…]
Le CSE fait reporter l’application des nouvelles sanctions
Sous la pression syndicale, le ministère a du retirer de l’ordre du jour du CSE le projet d’arrêté sur les « mesures de responsabilisation » décidées par Luc Chatel. C’est l’inscription tardive du même arrêté à l’ordre du jour du Conseil supérieur de l’éducation du 30 juin qui avait entraîné son boycott par les syndicats et la convocation d’un nouveau conseil le 7 juillet. Sous la menace d’un nouveau boycott qui aurait empêché l’étude des autres textes, le ministère a retiré son projet d’arrêté. Il sera soumis au CSE le 22 septembre.
Luc Chatel dénonce « l’obstruction » du CSE. Il estime que « la position du CSE aboutit à retarder l’entrée en application d’une mesure dont l’objectif est d’offrir une opportunité supplémentaire de limiter le recours à l’exclusion des élèves des établissements scolaires, objectif, lui semble-t-il, que devrait partager l’ensemble des organisations siégeant au CSE ».
Interrogée par le Café, Claire Krepper, du Se-Unsa, explique le blocage syndical par « l’irresponsabilité » de ce texte. L’arrêté fixe les conditions nécessaires à l’application des « mesures de responsabilisation » fixées par le récent décret sur la discipline paru le 26 juin. « Le faire passer c’était mettre les chefs d’établissement dans l’illégalité » explique-t-elle. Le texte exige un vote du conseil d’administration de l’établissement, une modification du règlement intérieur, toutes choses impossibles à faire avant l’entrée en vigueur du texte le 1er septembre.
Sur le projet d’arrêté
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/0[…]
Les nouvelles sanctions sur Eduscol
http://www.eduscol.education.fr/cid48593/reforme-des[…]
Décret sur les sanctions : Debarbieux : « On va demander que les sanctions soient intelligentes »
Spécialiste reconnu des questions de violence scolaire, chargé de mission par Luc Chatel, Eric Debarbieux a abattu un énorme travail réunissant les Etats généraux de la sécurité à l’Ecole, puis les Assises sur le harcèlement tout en participant à la formation de formateurs dans les académies. Un travail où il faut engager, porter la botte, parer mais aussi esquiver. Il défend ici le récent décret sur les sanctions dans les établissements secondaires où il voit « des avancées ». La prochaine circulaire d’application devrait mettre les points sur les i.
Le décret sur la nouvelle échelle des sanctions est paru au Journal Officiel du 26 juin. Qu’apporte-il de positif ?
Il y a de bonnes choses dans ce décret. Un exemple ? On a beaucoup parlé d’automaticité des sanctions. Le décret instaure une automaticité de la saisine du conseil de discipline. C’est très différent. Et la circulaire d’application va encadrer cela. Le décret met fin aux exclusions temporaires de plus de 8 jours qui étaient une cause importante de décrochage et d’absentéisme. C’est une avancée intéressante.
La « mesure de responsabilisation », les travaux d’intérêt général, ça existait déjà. Mais on les généralise et surtout on les définit. Ce ne sera pas envoyer l’élève balayer la cour. Cela passera par des conventions avec des associations ou la protection judiciaire de la jeunesse. A l’image de ce qui s’est déjà fait avec la préfecture de police où un jeune en dérive avait accompagné des policiers qui s’occupent des SDF. Derrière ces idées il y a le travail du conseil scientifique que j’ai réuni. Pour moi ce sont de vraies avancées.
D’autres pays ont les mêmes pratiques ?
Oui l’Australie par exemple. Ce sont de vraies procédures de justice réparative. On n’est pas en train d’expérimenter. On applique des choses qui ont fait leurs preuves. On avait d’ailleurs fait venir un spécialiste australien de la justice réparative dans les formations de formateurs impulsées par les Etats généraux qui ont eu lieu cette année.
On pourra nous reprocher d’être laxistes. Mais c’est faux. Au contraire, il y a sanction. Mais on va demander que les sanctions soient intelligentes, qu’il y ait une véritable réflexion sur la sanction. On sait bien que dans les problématiques de violence la punition peut être contreproductive. Ce que demandent les victimes ce n’est pas la punition de l’agresseur. Mais qu’il comprenne qu’il a mal agi.
Mais ca veut dire que la sanction est rejetée hors de l’école ?
Elle peut avoir lieu dans l’école. Mais ce sera dans le cadre de conventions précises. Ce qui compte maintenant c’est l’accompagnement. Enfin il y a une autre avancée qu’il faut citer c’est la commission éducative. Elle comprendra des parents et des personnels. Elle devra assurer un suivi individualisé des problèmes de discipline. La circulaire qui paraitra prochainement précisera tout cela.
Propos recueillis par François Jarraud
Liens :
Harcèlement : Chatel et Debarbieux ouvrent le dossier
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Page[…]
Déidéologiser le débat scolaire
http://cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/[…]
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