Une
veille de grand week-end de juin, les gares sont pleines de
transhumants pré-estivaux et l’humeur est
à la prise de recul…
Mais lui était à l’entrée de
la gare de Lyon et tenait à bout de bras la Une de
l’Humanité honorant la disparition de George
Semprun. Plus proche du marginal que du militant, il ne vendait rien et
n’apostrophait personne. Il témoignait,
stoïque, cherchant à accrocher le regard du
voyageur, attrapant au mieux un sourire complice.
Quelques heures plus tard, second rappel
de la soirée : Semprun est sur la 5, et livre son rapport au
monde, à la culture, à la liberté.
Dans une étonnante mise en abyme, il répond
à une question d’Yves Montand
l’interrogeant dans son film « Les deux
mémoires » : « Peut-on faire un film
politique sans point de vue politique ?
Réponse de
Semprun : «
Oui : le point de vue politique d’écouter les
autres, c’est-à-dire de casser le discours, la
rhétorique, lorsqu’elle ne colle plus avec la
réalité du pays, de la tradition dans laquelle on
vit… » Certes, il parle à
l’époque de lui et de sa rupture avec une certaine
orthodoxie communiste. Mais il parle aussi de nous, de nos modernes
incertitudes devant les échéances
électorales, les engagements collectifs, les alternatives
incertaines…
Le troisième hasard tombe sur l’ordinateur : au
milieu des flux de « bruits »
médiatiques qui envahissent nos réseaux sociaux,
un tweet signale un reportage de Chloé Leprince, sur France
Info. Elle montre des instits « radicalisés, mais
dépolitisés », quand les contacts
sociaux difficiles se conjuguent aux frustrations
pédagogiques et laissent monter le sentiments de lassitude,
voire de cynisme.
A la télé, c’est la fin du documentaire
sur Semprun. Concluant, le résistant espagnol
s’amuse en citant un libéral américain,
Scott Fitzgerald » : « Dans « La
Fêlure », Fitzgerald écrit cette phrase
dialectique : « Le propre d’une
véritable intelligence, c’est qu’elle
est capable de fonctionner sur des idées contradictoires.
Ainsi, il faudrait savoir que les choses sont sans espoir, et
être pourtant décidé à les
changer… »
Il y a des moments, comme ça, qui vous reposent de nos Lucs
médiatiques, philosophes mondains ou publicitaires
patentés…