Par François Jarraud
Remis au ministre de l’enseignement supérieur le 14 juin, le rapport du sénateur UMP Demuynck fait pas moins de 70 propositions sans pour autant aborder les questions qui fâchent… Pire il occulte les vrais problèmes.
Faire connaître les taux de décrochage. On trouvera au rapport l’intérêt de revenir sur les taux de décrochage dans le supérieur et sur l’inégalité sociale face au décrochage. « Il faut rappeler que 66 % des bacheliers professionnels et 33 % des bacheliers technologiques interrompent leurs études contre à peine 8 % des bacheliers généraux. La sécurisation du parcours des uns ne doit pas provoquer l’altération de celui des autres, et notamment les plus fragiles », écrit C Demuynck. Le phénomène touche davantage l’université que les filière courtes. « Sur 100 bacheliers inscrits à l’université en année n, en n+3, 39 % sont diplômés, 28 % sont encore en licence (dont 7 ont déjà 2 ans de retard), 19 % sont inscrits dans d’autres formations, et 14 % sont déjà sortis sans diplôme », écrit le sénateur. Mais il est vrai que dans les filières courtes (BTS IUT) « l’appareil statistique est insuffisant pour apprécier le décrochage avec précision ».
Trop de préconisations tue la préconisation. Contre le décrochage que propose C Demuynck ? Parmi 70 propositions, on peut retenir la mise en place de quotas pour les bacheliers technologiques dans les filières courtes : 60% des places leur seraient réservées en STS et 40% en IUT. Il propose d’utiliser ENT, SMS et twitter pour soutenir les étudiants en difficulté. Ou encore d’encourager la formation pédagogique des maître sde conférence.
A coté de la plaque. Toutes ces préconisations ne sont pas inutiles. Mais elles occultent les principaux facteurs d’échec dans le supérieur. Une récente étude de la DEPP apporte des éclairages plus intéressants sur le décrochage. Basée sur le suivi des bacheliers 2008, cette enquête montre leur devenir en 2009. Ainsi seulement 64% des bacheliers 2008 inscrits dans le supérieur passent en seconde année. En L1, un étudiant sur deux (52%) va en 2de année. Mais le devenir dépend d’abord du bac obtenu. En licence, » Le bilan de la première année varie sensiblement selon les caractéristiques scolaires des nouveaux étudiants en licence : six bacheliers généraux sur dix accèdent en deuxième année à la rentrée suivante, tandis que seul un bachelier technologique ou professionnel sur cinq passe le cap de la première année ». Cet échec est lié aussi à l’offre de formation. » 22 % des bacheliers accueillis en L1 après leur baccalauréat ont en effet déclaré explicitement ne pas être dans la filière qu’ils souhaitaient ; c’est le cas de la moitié des bacheliers technologiques et professionnels. L’issue de la première année est ainsi étroitement liée au caractère choisi ou non de l’inscription en licence : le taux de passage en deuxième année est multiplié par deux lorsque le nouvel étudiant avait souhaité son orientation ». Enfin le revenu par famille reste aussi un critère d’échec. « Un nouvel étudiant qui était boursier en terminale ou qui a une activité salariée régulière au cours de la première année, quel qu’en soit le rythme, a une probabilité moins grande de se retrouver en deuxième année l’année suivante ». Ces trois éléments, type de bac, démotivation, revenu de la famille se cumulent pour une partie des lycéens, les plus défavorisés.
Il ne s’agit donc pas de lutter contre le décrochage dans le supérieur mais pour l’accès des familles défavorisées à l’enseignement supérieur. Pour cela il faudrait une véritable politique de soutien social et une offre du supérieur correspondant àla demande. Toutes choses qu’évite d’aborder le rapport Demuynck.
Le rapport
http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2011/36/[..]
L’étude dela Depp
http://cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/2011/123_5.aspx
Sur le site du Café
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