Par Frédérique Yvetot
« Curation », « curateur », « curationner », « plateforme de curation »… depuis le début de l’année, ces termes sont à la mode. Voyons voir ce qu’est cette chose qui fait le buzz, paraît-il, sur Internet. Petite mise au point sur une pratique qui n’est pas nouvelle mais qui s’est considérablement développée ces derniers temps.
« La veille est un métier, pas une compétence… »
Quelle affirmation de Camille Alloing publiée sur CaddE-Réputation ! Cela mérite peut-être quelques explications.
On le dit assez souvent, le Web est complexe, sans cesse en mouvement, foisonnant d’informations nouvelles ou actualisées. Pour une meilleure visibilité de ces contenus, il est possible de collecter ces informations et de les restituer grâce à de nombreux outils plus performants les uns que les autres (Scoop.it, pearltrees, Paper.li….). Mais ce n’est pas parce que de tels outils existent en nombre que la veille et la collecte sont fiables pour autant. Camille Alloing explique que la veille et la recherche d’informations sont de plus en plus perçus comme une compétence et non comme la mobilisation d’un ensemble de compétences ; l’auteur cite en exemple certaines offres d’emploi qui présentent la veille comme une compétence parmi tant d’autres. Or, sans stratégie de veille efficace, sans acquisition de certaines pratiques de lecture ou d’analyse des informations collectées, sans méthodologie,… , le résultat de la veille ne répond pas forcément à une exigence de plus-value informationnelle. Pour faire une véritable veille, il ne suffit pas de tweeter et retweeter, de faire un blog, d’utiliser scoop-it et autres… Mais qu’on ne s’y trompe pas, la veille n’est une activité uniquement réservée à quelques uns. Une bonne curation nécessite de mettre en œuvre une bonne veille et donc de développer plusieurs compétences : connaissance du domaine, des acteurs, des ressources, des sources, etc…
Sur CaddE-Réputation : La veille est un métier, pas une compétence
http://caddereputation.over-blog.com/article-la-veille-est-un-metier-pas-une-competence-72081429.html
« Le Curateur est-il un veilleur ? »
Voici la question que se pose Camille Alloing dans un autre billet paru sur CaddE-Réputation, constatant que « la sélection d’informations sur les réseaux numériques est de moins en moins algorythmique, et de plus en plus humaine ».
Le curateur va organiser le web, chercher les informations intéressantes (à son goût), filtrer et sélectionner les informations, les commenter, y ajouter des mots-clés et partager le tout via une plateforme dédiée (Scoop.it, pearltrees, Paper;li….). Alors quelles différences entre le veilleur et le curateur ? Le veilleur répond à une demande (permettant souvent une prise de décision), le curateur à une attente. Le veilleur est capable de travailler sur n’importe quelle thématique (enfin presque, on se doute bien qu’il lui sera difficile de veiller sur des domaines très pointus qu’il ne connaît absolument pas), le curateur a bien souvent une thématique de prédilection. Le veilleur, notamment en entreprise, suit les recommandations de ses commanditaires, le curateur suit ses propres critères en se basant aussi peut-être sur les attentes de son public (pour qu’il ne perde pas d’audience). Voilà les grandes différences. Camille Alloing voit même le curateur comme un annonceur qui donne ou créé les tendances. « Plus un curator diffuse de l’information à valeur ajoutée, plus il est médiatisé. Et plus il est médiatisé, plus il devient un moteur de recommandation vers du contenu pouvant impacter les organisations ». Le risque n’est-il pas alors que le veilleur base son travail sur celui des curateurs ?
En conclusion, Camille Alloing considère le curateur comme un tiers facilitateur au service des internautes, en leur permettant d’accéder à des informations glanées sur le Web. La curation pourrait donc être un remède contre l’infobésité, en aidant l’internaute à ne pas sombrer sous un flot d’informations.
Sur CaddE-Réputation : Le curateur est-il un veilleur ?
http://caddereputation.over-blog.com/article-le-curator-est-il-un-veilleur-64270925.html
Petit bémol…
On l’a vu, la curation permet de rendre visible des contenus, via des plateformes qui permettent de constituer des univers personnels à chaque curateur. Et la curation, c’est prendre de l’information quelque part et la redistribuer ailleurs, reproduite à l’identique (avec cependant quelques commentaires parfois) et quasi sans valeur ajoutée. Comme une sorte de copier-coller ! Il s’agit donc d’organiser, d’éditer et de diffuser de contenus plutôt que de créer. C’est l’un des problèmes que soulève Frédéric Martinet dans son article au titre volontairement provocateur « La curation, c’est de la merde ». C’est « un système de fainéants qui copie colle du contenu ». Or, prendre du contenu, sans autorisation, et le diffuser ailleurs constitue une violation du droit d’auteur. Les bénéfices de cette activité reviennent alors aux curateurs qui deviennent visibles (audience !), et très peu aux auteurs des contenus originaux… pas très juste tout ça. C’est sans compter que certaines plateformes de curation captent le trafic des sites d’où sont issus les contenus. En effet, quand les contenus de ces plateformes sont partagés sur les réseaux sociaux, le lien proposé renvoie vers la plateforme de curation et non pas vers le site d’où provient le contenu. C’est le cas notamment de Scoop.it, j’ai essayé en partageant un contenu de Scoop.it sur Facebook ou sur Twitter, et effectivement, les liens sur ces deux réseaux sociaux redirigent vers la page de Scoop.it. Enfin, dernier problème soulevé par Frédéric Martinet, en reproduisant à l’identique certains contenus et en les diffusant sur les plateformes de curation, il semble que l’on peut facilement se retrouver noyé sous un flot d’information. La curation qui doit permettre de rendre l’information visible aurait alors l’effet inverse.
Sur Actuintelligence.com : La curation c’est de la merde
http://www.actulligence.com/2011/04/08/curation-egal-merde/
La solution ?
Il ne s’agit pas de bannir tous ces outils de curation, mais plutôt de les utiliser raisonnablement : de ne pas curationner à tout va sans réfléchir au préalable à l’apport que chaque contenu offrira à l’internaute, ou de ne pas compter uniquement sur ces plateformes pour faire sa veille (on risquerait de passer à côté de plein de contenus !). Il n’y a pas que du mauvais dans les outils de curation, et on s’en rend bien compte quand on lit la présentation de 20 plateformes faite par Camille Alloing sur CaddE-Réputation (encore lui !). Cet article présente les différentes fonctionnalités de ces plateformes et explique sommairement leur fonctionnement : sélection, classement et hiérarchisation des contenus réalisés par le curateur ou par la machine (après de savants calculs !), plateformes très étroitement liées à un compte de réseau social (essentiellement Twitter) ou non… Il est préférable de connaître les coulisses de ces plateformes pour choisir l’outil pertinent.
Dans tous les cas, que l’on soit curateur ou non, il va falloir compter avec ces plateformes de curation, parce qu’elles se développent et se multiplient, l’offre est plutôt large ! Et à un moment ou à un autre, elles entreront (ou sont déjà rentrées?) dans les établissements scolaires. Bientôt, nos élèves se réfèreront peut-être à ces plateformes (ne me dites pas que c’est déjà le cas !) et on ne pourra pas les ignorer. Comment chercher qui est le véritable auteur de tel ou tel contenu ? Quel est le but visé par tel ou tel curateur ? Comment citer sa source ? … Une fois encore, le circuit de l’information est modifié, et il faudra bien l’aborder avec nos élèves.
Enfin, à titre d’exemple, vous pouvez visiter quelques pages de ces plateformes, choisies parce qu’elles sont orientés sur le monde de la documentation : un Pearltrees axé sur les textes de référence des professeurs documentalistes, un scoop.it «Information et documentation : compétences et perspectives », ou encore « le journal des tweets twittendoc » chez parper.li.
Sur CaddE-Réputation, 20 plateformes de curation à expérimenter
http://caddereputation.over-blog.com/article-20-plateformes-de-curation-a-experimenter-64867079.html
Sur Pealrtrees : textes de référence par l’équipe Textes métier
http://www.pearltrees.com/[…]1752367&N-reveal=2
Sur Scoop.it : «Information et documentation : compétences et perspectives », par Aurélie Roulet
http://www.scoop.it/t/information-et-documentation-competences-et-perspectives
Sur paper.li : « le journal des tweets twittendoc » de Jacqueline Valladon
http://paper.li/twittendoc