Par Louis Maurin
En apparence, les jeunes d’origine immigrée réussissent moins bien que les autres à l’école. Mais si l’on tient compte de leur milieu social, c’est tout l’inverse…
Entre 50 et 55% des enfants dont la famille est originaire du Magrheb, d’Afrique sub-saharienne ou du Portugal obtiennent le bac, contre 64,2 % pour les enfants de famille non-immigrée, selon les données du ministère de l’éducation (1). Le taux est de 33 % pour les enfants originaires de Turquie, mais de 66,8 % pour ceux dont la famille vient d’Asie du Sud-Est.
Ces données sont trompeuses, car les enfants d’origine immigrée sont, en moyenne, issus de milieux beaucoup moins qualifiés. Or, pour l’ensemble de la populaton, le taux de bacheliers parmi les enfants dont la mère n’a aucun diplôme est de 40 %, contre 90 % pour celles dont la mère est diplômée de l’enseignement supérieur. Bref : on compare des populations qui ne le sont pas.
Si l’on ne considère que les enfants dont aucun des parents n’a le bac, les écarts sont quasiment nuls entre immigrés et non-immigrés pour l’obtention du bac général ou technologique. Sauf pour deux types de populations : les enfants dont la famille est d’origine turque, qui réussissent moins bien que la moyenne, et ceux d’origine d’Asie du Sud-Est, qui réussissent mieux.
Pour aller encore plus loin dans l’analyse, il faut construire des « modèles » plus complexes. L’exercice consiste à déterminer la probabilité de réussite pour des populations comparables : à catégorie sociale, niveau de diplôme des parents ou composition familiale équivalents. « Toutes choses égales par ailleurs« , comme disent les statisticiens. On prend comme référence les enfants dont la famille est d’origine non-immigrée, et on observe ce qui se passe pour les autres enfants. Si le cofficient est supérieur à 0, alors, les enfants d’une catégorie donnée ont tendance à mieux réussir « toutes choses égales par ailleurs » que les enfants de parents non-immigrés. C’est justement le cas : hormis pour les enfants d’origine turque où les résultats ne sont pas significatifs (l’écart est trop faible), les enfants d’origine immigrée réussissent toujours mieux ! Les enfant d’origine maghrébine ou asiatique ont la probabilité la plus forte de réussite.
Au total, les enfants d’immigrés ont de moins bons résultats scolaires, non parce qu’ils sont immigrés, mais parce que leurs parents appartiennent à des milieux sociaux défavorisés. A milieu équivalent, ils sont même plutôt meilleurs. Leur réussite n’a donc rien à avoir avec une question d’intégration, d’apprentissage de la langue ou autre.
Comment expliquer ce phénomène ? Selon une étude du ministère de l’Education, les aspirations scolaires des enfants d’immigrés et de leurs parents sont plus fortes. Pour deux grands types de raisons : ceux qui émigrent ont souvent un projet d’ascension sociale, pour eux comme pour leurs enfants ; ils n’ont pas ou peu été scolarisés et ils n’ont donc pas été mis en échec par le système éducatif, contrairement aux parents peu qualifiés qui ne sont pas d’orgine immigrée. « Ils se positionnent donc de manière plus positive par rapport au système éducatif français« , concluent les chercheurs.
Louis Maurin
Directeur de l’Observatoire des inégalités,
Auteur de « Déchiffrer la société française », éditions La découverte, 2009.
Notes :
(1) Données tirées du suivi d’une génération d’élèves entrés en sixième en 1995, qui a donc passé son bac autour de 2002.
Pour en savoir plus :
– « Les bacheliers du panel 1995 : évolution et analyse des parcours« , Note d’information n°10.13, ministère de l’éducation, septembre 2010.
– « Les bacheliers de « première génération » : des trajectoires scolaires et des parcours dans l’enseignement supérieur « bridés » par de moindres ambitions« , Jean-Paule Caille et Sylvie Lemaire, France Portrait social 2009, Insee, novembre 2009.
Voir aussi :
Les enfants immigrés sont-ils condamnés à l’échec scolaire ?