Par Françoise Solliec
Entre mars et mai, Henriette Zoughebi, vice-présidente du conseil régional d’Ile de France chargée des lycées, s’est rendue dans 15 établissements (publics, privés, agricoles) pour y rencontrer quelque 2 000 lycéens et les écouter parler de leurs situations et de leurs projets. Un de ses constats rejoint les résultats de la consultation de 2000 : les lycéens ne se sentent pas vraiment écoutés.
« Ce qui m’a le plus frappé pendant cette consultation, c’est la qualité de la parole de ces jeunes » commente Henriette Zoughebi. « J’ai rencontré 2 000 lycéens, ce qui n’est pas banal, dans des lycées représentant toute la diversité sociale de l’Ile-de-France ». Selon elle les lycéens, ont très bien répondu à ses sollicitations, « on leur demandait leur avais et ils y sont allés à fond ».
Elle estime aussi avoir été très bien accueillie dans les établissements, où les proviseurs avaient préparé ces réunions avec son équipe : définition des objectifs (être dans une parole d’échanges), composition de la réunion (parents, enseignants, lycéens, représentants des entreprises locales), la région ayant également invité ses partenaires économiques.
Certes, les jeunes étaient très divers, mais ils présentaient aussi beaucoup de points communs, déclare Henriette Zoughebi. « Ils faisaient preuve d’un réalisme étonnant par rapport au travail, au chômage et aux difficultés de la vie. Ils présentaient un surinvestissement sur toutes les questions d’entrée dans l’emploi, qu’ils vivent comme une forte pression, que ce soit à Neuilly ou à Aubervilliers ». Pour autant, ils ne sont pas que dans l’utilitaire et conservent une part de rêve ajoute-t-elle.
Les lycéens ont aussi formulé de nombreuses demandes d’aide par rapport aux contacts avec les entreprises, que ce soit pour mieux connaître les métiers ou pour décrocher un stage. Plus le secteur du lycée est populaire, plus la demande est forte, constate Henriette Zoughebi. Les palettes de métiers proposées aux portes ouvertes diffèrent selon la situation de l’établissement et souvent les lycéens expriment une forte attraction pour créer leur entreprise. Ils aimeraient aussi beaucoup partir à l’étranger pour se former ou exercer un métier.
Les lycéens ne sentent pas vraiment écoutés, ils ont le besoin d’être pris en compte comme personne, ils l’ont exprimé fortement au cours de ces rencontres, souvent avec des mots assez durs, déclare Henriette Zoughebi. Cela s’accompagne souvent d’un sentiment d’isolement. La vie lycéenne ne fonctionne pas toujours et, de plus, ils aimeraient pouvoir monter leurs propres projets, plutôt qu’être invités à participer aux clubs des profs. Ils aimeraient que l’on pose la question « qu’est ce que tu veux faire ? » au lieu de leur dire « voilà ce que tu pourrais faire ». Ils revendiquent que l’on change de regard sur eux.
Ces jeunes étaient tout à fait capables d’exprimer la souffrance que leur cause le système, notamment le poids ou la peur de l’échec. Dans les milieux populaires, le meilleur encouragement à la réussite scolaire vient souvent des mamans. Ils sont très demandeurs de formations passerelles et de rencontres interlycées.
« Cela a été pour moi une expérience humaine très encourageante » affirme Henriette Zoughebi. « Eux m’ont remercié d’être venue et d’avoir écouté ce qu’ils disaient. Je crois que, pour eux, le plus important c’est d’avoir été un interlocuteur à part entière. On discutait toujours beaucoup de façon informelle, après les réunions ».
Une restitution de ces échanges a été organisée le 20 mai, en présence de Jean-Paul Huchon. Tous les lycéens qui avaient pris la parole y avaient été invités. Ils étaient très curieux de savoir ce que l’on allait faire de leurs propos, explique Henriette Zoughebi. Après une série de vidéos rapportant les phrases clés prononcés dans chaque lycée et une discussion très ouverte avec la salle, la vice-présidente a formulé cinq propositions, déjà plus ou moins énoncées dans le rapport voté en octobre pour la réussite de tous les élèves. Elles concernent l’aide aux stages, le développement de passerelles entre les filières générale, technologique et professionnelle (à voir avec les académies), la facilitation de rencontres inter-lycées, le lancement d’une nouvelle politique culturelle et le financement de projets émanant des conseils de la vie lycéenne.
Pour l’instant, ce ne sont que des réflexions, pas un dispositif, précise Henriette Zoughebi. Les services vont maintenant travailler pour élaborer des propositions concrètes qui seront soumises à l’assemblée régionale à la rentrée.
Selon Henriette Zoughebi, le président Jean-Paul Huchon a accordé beaucoup d’importance à cette restitution. La jeunesse est pour lui une question centrale et il estime que les jeunes doivent être partie prenante de leur avenir. Dans son programme électoral, il faisait une large place à l’autonomie des jeunes (résidence étudiante, aide à la mobilité pour les jeunes en insertion professionnelle, pass contraception). Il a redit le 20 mai que les lycées restaient une priorité régionale importante, malgré les gros investissements consentis sur les transports. Comme elle, il a été surpris du réalisme et de la qualité de pa parole des jeunes.
Parallèlement aux échanges oraux, une enquête audiovisuelle qualitative a été menée auprès d’une centaine de lycéens. A partir de cette enquête et des consultations, le sociologue Camille Peugny a réalisé une intéressante analyse, téléchargeable sur le site de la région, ainsi que la video de la restitution.
La restitution des échanges
http://www.iledefrance.fr/lactualite/education-formation/lycees[…]
La consultation
http://www.iledefrance.fr/lactualite/education-formation/[…]
Extraits de l’enquête
http://www.iledefrance.fr/uploads/tx_base/ParolesDeLyceens_[…]
L’analyse de Camille Peugny
http://www.iledefrance.fr/uploads/tx_base/Paroles_de_lyceens_[…]