Par Jeanne-Claire Fumet
A l’occasion de la Journée de l’Europe, le 9 mai, les Jeunesses Musicales de France accueillaient un public de collégiens et de lycéens pour deux concerts du pianiste Tristan Pfaff en hommage à Franz Liszt, citoyen d’Europe de la première heure.
Dans le cadre de la commémoration du bicentenaire de la naissance de Liszt, le Grenier des Grands Augustins à Paris s’ouvrait au jeune public tandis que se tenaient de semblables manifestations à Strasbourg et dans plusieurs établissement français à l’étranger, sous l’égide de l’Institut français, des JMF et du Ministère de l’Éducation nationale. Invités à découvrir le répertoire romantique de Franz Liszt, les élèves ne sont pas restés insensibles à la virtuosité de leur jeune aîné ; mais le choix d’œuvres séduisantes, d’un lieu d’exception et d’une ambiance conviviale, où l’on fait alterner commentaires et musique, suffit-il à résoudre la difficulté d’une écoute de découverte ?
Un programme de rêve. Autant pour les élèves que pour l’interprète, spécialiste et grand amateur de Liszt (il lui consacre un disque à sortir le 12 mai chez Aparte), le programme choisi avait tout pour plaire : Rêves d’amour n°2 et n°3, Valse-Impromptu, Rapsodie hongroise n°15 et Consolation n°3. D’un romantisme élégant allié à une virtuosité efficace, le concert ne pouvait pas manquer son objectif: les élèves de 5ème et 2nde réunis en ce début d’après-midi se sont laissés gagner aux charmes de la musique. L’aisance de Tristan Pfaff n’y est pas étrangère : il intervient entre deux morceaux pour commenter son travail, interrompt une explication d’une phrase musicale posée du bout des doigts, parvient à jouer intensément malgré les bruissements de pieds, de chaises, de voix, du jeune public, aussi engagé que pour un récital.
« Un public formidable », affirme Tristan Pfaff. « Ils sont vifs, curieux, réactifs, avec une bonne qualité d’écoute. Le cadre du Grenier des Augustins convient bien – je l’ai d’ailleurs suggéré aux organisateurs. Après un an de tournée avec les JMF, je connais mieux le public scolaire et je l’apprécie. » A 26 ans, Tristan Pfaff s’apprête à reprendre ce concert « Liszt : Ange ou démon ? » en tournée avec les JMF. Déjà bien engagé dans la carrière de concertiste, il enchaîne concours, récitals, festivals, invitations et enregistrements, mais la transmission de la musique auprès des scolaires lui tient à cœur.
« Capsules pédagogiques ». Un montage filmé des deux concerts, d’une quinzaine de minutes, sera diffusé sur le site du Ministère et sur celui des JMF pour proposer aux enseignants qui le souhaitent un matériau facile à utiliser : le récital et la séance de questions/réponses pourront guider la découverte de la musique de Liszt, compositeur hongrois ayant vécu dans toutes les capitales d’Europe, amis des plus grands (Chopin, Wagner, Sand), pianiste prodigieux , mystique et tzigane, comme il aimait le dire de lui-même. L’occasion peut-être aussi de réfléchir sur certains décalages : entre les questions posées par de jeunes élèves qui ne savent rien de la musique, de son histoire ou de ses techniques, et les réponses parfois très élaborées du musicien ; ou entre les interrogations très pointues des adultes et celles beaucoup plus larges des élèves, qui conduisent à perdre par moments le contact avec l’auditoire des scolaires.
Difficulté d’une première écoute. L’occasion également de s’interroger sur le sens d’une première écoute, pour des publics qui ne sont familiers ni des œuvres ni du genre musical proposés. L’effet de confort suscité par la familiarité de mélodies connues ne se produit pas chez la plupart d’entre eux ; or entendre demande parfois de reconnaître ce qu’on perçoit. L’idée d’une puissance initiatique du « grand » répertoire peut conduire à oublier l’étrangeté de cette immersion forcée dans des temps parfois longs (en témoigne l’impatience d’applaudir au moindre silence), même s’ils sont nécessaires au déroulement de l’écoute, que subissent les auditeurs.
Parmi les élèves, Mohammed, élève de 5ème au Collège Dorgelès dans le 18ème, affirmait qu’il avait « trop aimé » cette musique « trop cool » et qu’il « voudrait bien en entendre encore ». Jonathan, élève en 2nde au Lycée Voltaire, musicien et cultivé (aux premières notes, il a reconnu un thème de Wagner) a plutôt apprécié le concert, même s’il a peu appris, tandis que son camarade Georges, féru de Hard Métal, remarque pensivement que Liszt a peut-être permis une avancée décisive vers les sons et les rythmes qu’il affectionne. Une diversité d’expériences qui incite à explorer encore davantage l’intérêt pédagogique du domaine musical, mais peut-être aussi à en approfondir l’élaboration didactique.
Les programmes de l’année Liszt au Ministère :
http://www.education.gouv.fr/cid55706/l-annee-liszt-2011-france.html
Les JMF : une association en pleine forme.
Fondées en 1944, les JMF essaiment à travers toute la France à travers un solide réseau associatif présent dans près de 300 villes ou villages, pour favoriser l’accès de tous les publics à la musique vivante. Animé par des responsables locaux bénévoles, les JMF s’adressent de préférence aux publics scolaires, de la maternelle à la Terminale, pour favoriser la découverte de la musique vivante. Leur activité représente chaque année 45 concerts et spectacles, 150 artistes en tournée, 1800 représentations sur le temps scolaire, 400 lieux de diffusion et plus de 450 000 spectateurs de 5 à 18 ans. Actuellement, les JMF proposent une découverte de L. Bernstein à la Salle Pleyel, Swing Lenny, jusqu’au 12 mai.
Le site des JMF :
http://www.lesjmf.org/#content=/read/pagedaccueil
Sur le site du Café
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