Françoise Lorcerie : « Avec l’école inclusive, affirmer des valeurs »
C’est à partir de la vision anglo-saxonne de « l’école inclusive » que Françoise Lorcerie ouvre son propos conclusif. Entre l’accroissement des phénomènes de concurrence en éducation et la baisse relative des résultats de l’école française, quelle perspective engager ? D’abord, s’amuse-t-elle, le marché n’est pas toujours là où on le croit : « regardez le système des barèmes de mutation des enseignants. N’est-il pas la marque de la fixation du prix des postes des professeurs. N’est-ce pas le signe d’un marché sauvage, peu régulé par autre chose que la loi du plus fort, ou du plus ancien ? »
Elle poursuit le propos :
« Une des manières de regarder les résultats d’un système éducatif est de ne pas regarder les moyennes, mais de regarder la situation des élèves les plus désavantagés : dans certains pays, les élèves plus en difficulté réussissent mieux qu’ailleurs. Il faut oser dire que c’est la ségrégation ethnique qui s’accroit, davantage de la ségrégation sociale : quand les populations africaines deviennent relativement importantes, les quartiers deviennent évités par les populations blanches ». Ainsi, des statistiques de la DEPP, elle tire le chiffre « incroyablement élevé » d’un tiers de garçons issus de l’immigration africaine sortant de l’école, sans diplôme, pour 9% des filles de la même origine, score équivalent des garçons d’origine européenne (5% pour les filles d’origine européenne).
Pour elle, il est donc nécessaire d’aller voir de près se passe aussi des choses dans les établissements, qui peuvent contribuer au sauve-qui-peut ?
A partir de l’exemple du système de l’Angleterre, dans lequel elle précise qu’elle ne veut aller chercher aucun modèle, elle tente de chercher des pistes.
En effet, une enquête de l’OFSTED (Angleterre) cherche à repérer les établissements qui, bien qu’ils accueillent de nombreux élèves d’origine étrangère, les font réussir significativement mieux que les autres. Selon cette étude, les résultats sont liées à un « éthos » des établissements qui cherchent à asseoir la confiance avec les parents, qui s’attachent à valoriser et inclure les élèves en difficulté, à avoir envers eux une attente forte et un accompagnement précoce, un soutien efficace, mais aussi un engagement intellectuel centré sur les apprentissages, dans l’ordinaire du cours. «Quand on interroge les parents de ces établissements, ils voient dans ces attentes positives sont la marque d’un traitement équitable et respectueux ».
Banal ? Elle déplore que les « indicateurs de bonnes pratiques », très développés dans les pays anglo-saxons, ne le soient pas en France, pour aider les enseignants à savoir « quoi mettre en place », mais aussi aider les inspecteurs à « vérifier le caractère inclusif des écoles, en centrant leur inspection et leurs observations sur ces élèves et sur ces catégories ». « Des pistes à faire circuler pour les propositions des politiques sur l’Ecole », souligne-t-elle…
« Mais comment décryptez-vous cette conjonction entre la mise en concurrence et l’appel aux bonnes pratiques et aux référentiels de prescription ? On sait les écarts entre les déclarations de valeurs et la réalité» demande la salle. « On ne tire pas assez d’enseignements sur ce qui fonctionne, là où ça fonctionne. L’éthique, les valeurs envers les plus discriminés est fondamentale. Qui peut le contester ? « Ecole inclusive » me semble plus porteur que « éduction prioritaire », au nom des valeurs». Le débat se poursuit : « Il est vrai que le sentiment d’injustice est souvent la première cause de décrochage scolaire », précise un directeur d’école. »
Intelligence collective
C’est en faisant un appel à l’« intelligence collective » que Marc Douaire conclut une journée qui, si elle ne permet pas de trouver des solutions à court terme, lui semble conforme à la mission que l’association s’est donnée : partager, questionner, mutualiser, com-prendre… Pour l’observateur, c’est la première fois sans doute dans une journée de l’OZP (et il n’est pas pour rien que ce soit le jour des vingt ans de l’association) que les sentiments d’inquiétude et de souffrance professionnelle exprimés par les participants s’entrechoquent avec l’urgence vitale de construire des alternatives, et de se rassembler pour le faire. En ces temps pré-électoraux, le calendrier était dans toutes les têtes…