JP Gallerand et Eric Jourdan
Un an après le volcan Eyjafjöll, le volcan Grimsvötn sème à nouveau la panique. Comment expliquer aux élèves la répétition de ces éruptions ? Quelles en sont les conséquences ?
Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue, partage avec les lecteurs ses connaissances des volcans islandais qu’il a étudiés et observés à plusieurs reprises.
Les volcans Grimsvötn et Eyjafjöll sont des volcans sous-glaciaires et ils sont typiquement le siège d’éruptions phréatiques comme celle qui a commencé dimanche avec un mélange de cendres et de vapeur d’eau.
Présentation du volcan Grimsvötn.
Il est situé dans le sud-est de l’Islande dans le parc national du Skaftafell. Il se trouve en grande partie sous la calotte glacière du Vatnajökull.
Illustration (modifiée) Wikipedia
Ce volcan continue, depuis dimanche, de cracher des cendres qui retombent sur une grande partie de l’île. Elles ont touché la capitale Reykjavik, située à 400 km à l’ouest du cratère. Cette éruption peut durer une ou deux semaines, voire plus. Certains spécialistes pensent que les cendres peuvent atteindre l’Europe. Mais les dernières éruptions de ce volcan n’ont pas été longues et l’intensité a rapidement baissé.
Photographies JM Bardintzeff (éruption de 1996)
Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue, nous présente ces volcans islandais.
Les volcans sous-glaciaires sont typiquement le siège d’éruptions phréatiques (revue in Smellie et Chapman, 2003). En Islande, le « Vatnajökull » est une calotte glaciaire de 8 100 km2 (aussi étendue que la Corse !), de 140 km de long et 90 de large, épaisse de 2 km par endroit. 6 volcans sont connus sous ce glacier et une importante activité hydrothermale libère des fumerolles à haute température. La présence de lacs permanents, résultant de la fusion locale des glaces, explique son nom, qui signifie « glacier des eaux ».
Une activité détectée à la fin septembre 1996 se situe sur une faille bien connue (Gjálp), d’une vingtaine de km de long, entre le volcan Bardarbunga au nord et les lacs Grimsvötn au sud. Une importante fissure de 3 km de long et de 300 m de large s’ouvre dans le glacier début octobre. Elle se remplit d’un mélange d’eau de fonte et de cendres volcaniques.
Quelques jours plus tard un cratère d’1 km de diamètre se forme au nord de celle-ci. Il s’en échappe constamment une colonne de vapeur d’eau de plusieurs km de haut. Toutes les 2 ou 3 mn, des salves de cendres noires fusent à grande vitesse jusqu’à plusieurs centaines de m de hauteur. La cendre progresse en tournoyant et forme des volutes « cypressoïdes », qui imitent un peu la forme d’un cyprès, typiques des éruptions phréatomagmatiques.
La crise éruptive cesse à la mi-octobre : 0,8 km3 a été libéré sous forme de cendres vitreuses (soit 0,45 km3 de magma DRE). Moins d’un mois plus tard, le 5 novembre, le glacier libère une gigantesque coulée d’eau, de glace et de boue, un « jökulhlaup ». Deux éruptions du même type se sont produites au Grimsvötn du 18 au 27 décembre 1998 (à 10 km au sud de l’éruption de 1996) puis du 1 au 5 novembre 2004.
Le volcan Eyjafjöll, situé sous le glacier Eyjafjallajökull (ce qui signifie « le glacier de la montagne de l’île » et qui se prononce : aye-ya-fya-dla-yo-kutl) a été le siège d’une éruption extraordinaire au printemps 2010 (photos couleur hors texte 21 et 22). Ce stratovolcan, de 1 666 m d’altitude, présente une forme légèrement elliptique, allongée selon un axe est-ouest. Son sommet est occupé par une caldeira de 2,5 km de diamètre. Sa dernière éruption avait duré un peu plus d’un an, entre décembre 1821 et janvier 1823.
L’Eyjafjöll entre en éruption le 20 mars 2010 un peu avant minuit, comme le laissait présager l’enregistrement d’essaims sismiques de faibles magnitudes (1 à 3) depuis plusieurs jours. Une fissure s’ouvre au niveau de la fracture de Fimmvörduháls, sur le flanc est du volcan, à relativement basse altitude. La fracture s’allonge rapidement de 200 m à 2 km, libérant des fontaines et coulées de lave impressionnantes. 140 millions de m3 sont ainsi émis au cours des premières 72 heures. Une analyse de téphra du 22 mars, effectué par le Nordic Volcanological Institute de Reykjavik, révèle une composition typiquement basaltique (47,27 % SiO2, 3,07 % Na2O, 0,80 % K2O). Cette première phase éruptive est très classique mais spectaculaire : elle attire de nombreux touristes malgré des conditions météorologiques parfois difficiles (deux randonneurs égarés meurent de froid). Vers le 11 avril l’activité décline puis s’arrête et on pense que l’éruption est terminée.
Le 14 avril, une nouvelle phase, explosive cette fois, reprend. L’activité volcanique a migré vers l’ouest, sous le sommet du volcan, recouvert par le glacier. Le magma émis est différent (56,7-58,0 % SiO2, 5,0 % Na2O, 1,7-1,8 % K2O), plus acide donc plus visqueux. Les volcanologues islandais l’interprètent comme le résultat d’un mélange avec une poche résiduelle acide de la dernière éruption de 1821. En outre, une partie du glacier fond et se vaporise, ce qui donne à l’éruption un caractère hautement hydrovolcanique.
Les dégâts sont importants sur la côte sud de l’Islande. D’importantes coulées boueuses (jökulhlaup, chapitre 9, § 5) ont coupé la route principale numéro 1 qui fait le tour de l’île. Lors de la phase explosive, l’obscurité règne dans la région, des cendres tombent en abondance. Il faut évacuer des centaines de personnes, distribuer des masques à poussières. Les troupeaux ne doivent plus consommer l’herbe polluée (du bétail devra même être abattu). Le panache de cendres et de gaz gêne alors considérablement la circulation aéronautique. L’éruption cesse fin juin 2010.
En Islande, on connaît bien d’anciens volcans sous-glaciaires maintenant dégagés (Werner et Schmincke, 1999). Ils sont caractérisés par la pente très raide de leurs flancs, emprisonnés jadis dans la glace. Le célèbre Herdubreid en est une illustration. Son histoire est assez complexe, puisqu’il a commencé sa croissance en contexte sous-lacustre (pillow-lavs), puis sous-glaciaire (hyaloclastites) et enfin, sa partie sommitale correspond à une activité aérienne (laves).
Les jökulhlaup
Les volcans sous-glaciaires peuvent engendrer des lahars particuliers, appelés jökulhlaup, terme islandais qui se traduit par « course glaciaire ». Le volcan Katla, sous le glacier Myrdalsjökull en Islande, a provoqué de tels lahars meurtriers.
En octobre 1996, le réveil d’un volcan situé sous le glacier Vatnajökull également en Islande a eu les mêmes conséquences. La chaleur dégagée par le volcan a provoqué la fonte d’une importante quantité de glace, qui a augmenté le volume du lac Grimsvötn, situé au milieu du glacier. Le niveau du lac a atteint la cote d’alerte et sa surface est passée de 12 à 40 km2. Ses 3 km3 d’eau, responsables d’une formidable pression, se sont infiltrés sous le glacier et ont parcouru ainsi plusieurs dizaines de km. Arrivés au front de celui-ci, ils ont été brusquement libérés 3 semaines après la fin de l’éruption, le 5 novembre, en un « jokülhlaup », entraînant quantité de blocs de glace et de roche. Le débit est rapidement passé de 70 à 45 000 m3.s-1, soit 20 fois le débit maximum du Rhône ! Ce flot boueux a tout emporté sur son passage : maisons, routes, ponts… La crue a diminué sensiblement dès le lendemain et a cessé le surlendemain en laissant une étendue vaseuse, noire et nauséabonde. Les dégâts matériels furent importants mais il n’y a eu aucune victime à déplorer.
BARDINTZEFF J.M. (2011) – extrait de « Volcanologie. 4e édition, Dunod, Paris »
http://44.svt.free.fr/jpg/bardintzeff.htm
Rappel : l’éruption du Eyjafjöll, le 20 mars 2010, qui avait paralysé en partie l’espace aérien européen.
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lenseign[…]
Autres informations
Notre-planete.info
http://www.notre-planete.info/actualites/actu_28[…]
Iceland Met Office
http://en.vedur.is/about-imo/news/2011/nr/2174
Global Volcanism Program
http://www.volcano.si.edu/world/volcano.cfm?vnum=1703-01=
Nordic Volcanological Center
Association pour la Connaissance et la Transmission de l’Information en Volcanologie (éruptions historiques)
http://www.activolcans.info/volcan-Grimsv%F6tn.html
Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand, pour suivre en direct le suivi du panache des cendres volcaniques.
http://wwwobs.univ-bpclermont.fr/SO/televolc/ho[…]
L’article du journal Le Monde
http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/05/[…]
Une vidéo (YouTube)
http://www.youtube.com/watch?v=Lz8X_v6CYeM
Wikipedia