Par François Jarraud
Comment enseigner l’éducation au développement durable ? Deux reportages illustrent deux approches différentes : les posters de Yann Arthus Bertrand , justement célébrés. Et l’action de terrain initiée dans ses lycées par la région Ile-de-France.
La nouvelle exposition Arthus Bertrand : Des posters pour protéger la forêt
Mercredi 6 avril, Luc Chatel et Yann Arthus Bertrand présentaient l’édition 2011 de l’exposition de posters pédagogiques de l’ONG GoodPlanet.
« Vivre fraternellement comme une forêt et debout comme un grand arbre ». La formule de Yann Arthus Bertrand pourrait résumer le développement durable. La forêt est le thème de la nouvelle collection de posters pédagogiques de l’association GoodPlanet, fondée par Yann Arthus Bertrand. Et cette année encore, le ministère de l’éducation nationale, le CNDP sont partenaires, parmi d’autres, de cette édition.
Les 20 posters abordent différents thèmes relatifs à la forêt. On découvre les grands types de forêts, l’économie forestière mondiale, les autres ressources et globalement ce qu’est l’écosystème forestier et la déforestation. Le jeu d’affiches permet de monter une exposition grâce aux conseils qui sont prodigués pour mettre en scène les affiches. Il est tiré à 65 000 exemplaires ce qui permet à chaque école et établissement de retirer un jeu d’affiches au CRDP ou CDDP. Quelques fiches pédagogiques, plutôt d’information, sont disponibles sur EduScol.
« La fin d’une époque ». Pour lancer cette campagne, le ministère a choisi le lycée Chaptal à Paris et la semaine du développement durable. Devant les collégiens (le lycée est une cité scolaire) Yann Arthus Bertrand explique son engagement. « C’est la fin d’une époque. On ne veut pas le voir et continuer comme avant. On n’est pas prêt à s’adapter. Mais on ne peut pas continuer comme cela ».
« Les enseignants s’en sont emparés ». Pour Luc Chatel, si les comportements doivent changer, le rôle de l’école est essentiel. « La jeunesse s’ouvre à la diversité du monde ». Il vante l’investissement de son ministère dans l’éducation au développement durable. Il rappelle les nouveaux programmes de géographie, de SVT et de STI, les publications du CNDP, la présence du ministère aux Grenelles de l’environnement ou de la mer. « Les posters de Yann Arthus Bertrand permettent de s’étonner » relève le ministre.
C’est aussi ce que constate Mme Chalot, professeure de SVT à Chaptal. Avec sa classe de 4ème les élèves ont regardé les posters. « On pouvait difficilement en faire davantage avec seulement 1h30 de cours par semaine pour les SVT ». Les affiches sensibilisent réellement les élèves « parce qu’elles ont une approche humaniste », ajoute Mme Chalot. Elles invitent les élèves à parler de leur propre expérience.
Inscrite aux programmes officiels, l’éducation au développement durable est effectivement enseignée. Mais, pour de nombreuses raisons, elle peine encore à être enseignée de façon active. Sur les 3 000 événements présentés lors de la Semaine du développement durable, moins de 300 concernent un établissement scolaire. Sur ce terrain Chaptal est représentatif…
Liens :
Télécharger les affiches
http://www.ledeveloppementdurable.fr/foret/
Le communiqué ministériel
http://www.education.gouv.fr/cid55691/lancement-de-la-nou[…]
Les fiches pédagogiques
http://www.eduscol.education.fr/cid55682/la-foret-[…]
Pourquoi aimons-nous les posters d’Arthus Bertrand ?
Chaque année les écoles se ruent sur l’exposition de Yann Arthus Bertrand et font de cette proposition officielle un succès. Est-il vraiment mérité ? Quels ressorts mobilisent ainsi les enseignants ?
Peut on critiquer les idoles ? Yann Arthus Bertrand appartient à cette catégorie si l’on en juge par le succès de ses expositions pédagogiques. Osons quand même l’exercice. On est toujours frappé quand on observe ses posters par le grand écart entre l’image et le commentaire qui l’accompagne. Cette année encore ça commence fort avec le premier poster titré « 115,5 m c’est la hauteur.. d’un séquoia » mais illustré par un eucalyptus. Le 4ème montre un temple cambodgien envahi mais le commentaire parle des influences humaines sur la géographie forestière. Le dernier ours c’est le dernier poster qui parle de coupes illégales en montrant des ours… On le voit bien chaque image est choisie indépendamment du commentaire par la force même qui l’anime. Pour dire les choses plus clairement, c’est le contraire du document illustrant une leçon. On ne peut que rarement tirer de l’observation de l’image les informations scientifiques qui l’accompagnent. Les commentaires eux-mêmes sont plus descriptifs ou informatifs qu’explicatifs. Un bon schéma sur l’écosystème forestier de la taïga ,par exemple, serait plus efficace que telle ou telle image. Les hommes sont peu présents dans l’exposition et le devoir de solidarité, qui est une des composantes essentielles de l’idée de développement durable, est largement dépassée par la dimension écologique. Enfin le boss lui-même, Arthus Bertrand, n’en est pas à une approximation ou une exagération près dans ses déclarations. Du style de celles qui poussent les élèves à s’enfermer dans une vision apocalyptique qui est exactement le contraire de l’idée de développement durable.
Et pourtant ça marche. Evidemment la conscience écologique des enseignants y est pour beaucoup. Inutile de développer cette dimension de leur citoyenneté. La force des photos aussi. Ces meilleures photos d’une dizaine de photographes renommés ont une puissance incontestable. C’est même elle qui nuit parfois au message. Tout le monde regarde le crocodile, pas la mangrove. La qualité artistique de l’exposition est d’autant plus appréciée que l’Ecole et ses manuels lui donnent une place qui n’est pas exagérée… Masi ce que les collègues de Chaptal ont avancé comme argument principal c’est la place du professeur dans le happening créé par l’exposition Arthus Bertrand. Avec cette exposition ils trouvent l’occasion de partager une émotion avec les élèves, alors que l’Ecole refoule généralement les sentiments. L’exposition leur permet de sortir du cadre disciplinaire pour faire passer un message humaniste qui les installe dans une dimension éducative. Visiter avec sa classe l’exposition Arthus Bertrand c’est passer de l’habit du prof à celui de l’adulte bienveillant. Un exercice pas facile généralement mais qui bénéficie ici de la communion de vision écologique. Yann Arthus Bertrand amène de l’humanité dans les écoles.
Tout cela est-il efficace pour faire passer le message du développement durable ? Ce n’est pas sûr. L’exposition parasite plutôt l’exercice raisonnable qui veut envisager la construction d’un avenir où croissance économique et souci écologique cohabitent. Elle renforce les stéréotypes et les idées toutes faites. Elle oppose homme et « nature » quand le développement durable les inscrit en perspective. Mais elle nous donne une ivresse sensuelle et communautaire qui vaut un grand merci.
Mon Ecolycée : Comment développer « l’éco-citoyenneté » dans les lycées franciliens ?
Comment mobiliser les établissements scolaires dans une démarche de développement durable ? Sur quels thèmes ? Devant des délégations d’une vingtaine de lycées, la région Ile-de-France lançait le 4 avril le guide » Mon Ecolycée « . Destiné aux lycéens et aux équipes éducatives, ce guide doit à terme « accompagner les 469 lycées franciliens dans leurs projets éco-responsables ». Le début d’une longue marche…
Par François Jarraud
Salle comble au Conseil régional. Des responsables d’association, des élus du Conseil régional, des fonctionnaires de l’administration régionale mais surtout des enseignants et des élèves d’une bonne vingtaine de lycées franciliens. Une salle que réunit le même souci écologique. Pour Henriette Zoughebi, vice-présidente en charge des lycées, « le développement durable est « un changement de civilisation impliquant une nouvelle solidarité internationale, un véritable défi pour l’avenir ». Pour Hélène Gassin, vice-présidente chargée de l’environnement, « Mon écolycée » permet aussi de relancer l’agenda 21 de la région et répond à « une volonté de l’exécutif régional ».
Les projets des lycées franciliens. Est-ce un hasard ? Sur la vingtaine de lycées présents, la Seine-Saint-Denis était particulièrement représentée. Par exemple le lycée Alfred Nobel de Clichy-sous-Bois. Trois professeurs de génie électrique, Mounir Amouri, Azdinea Arabi et Houari Mohamed Sbaa, présentent un projet pédagogique particulièrement fort. Avec 20 élèves de 1ère bac pro électrotechnique, ils sont partis dans le sud marocain installer des panneaux solaires et une pompe pour que les villageois aient accès à l’eau potable. Les élèves témoignent du plaisir de se sentir utile, de la découverte de gens simples et accueillants. « Ils ont pris confiance en eux », explique Azdinea. « Ils ont aussi mis en pratique ce qu’ils ont appris pour faire les installations ».
Les autres lycées ont développé des projets plus écologiques mais moins solidaires. Ainsi le lycée agricole de Brie Comte Robert est investi dans un projet alimentaire et dans la défense de la biodiversité. Son exploitation agricole limite les intrants. A Louise Michel, à Bobignu, Bruno Descroix se félicite du soutien de la région. « Avant j’étais dans le prêche dans un établissement qui n’était pas toujours exemplaire ». Avec le soutien de la région, il n’est plus seul. A Montgeron (91) le lycée Rosa Parks tente de sauver deux mares et la faune et la flore qui y vivent. Avec un peu de mal car , comme à Lagny au lycée Van Dongen, la création d’espaces verts, met en péril les programme écologique…
Avec le guide la région veut aller plus loin. D’abord parce que améliorer la qualité environnementale des lycées c’est faire des économies. Chaque lycée dépense en moyenne 125 000 euros en chauffage. A eux tous c’est 432 000 tonnes de Co2 qui sont rejetés par les lycées. Et cela malgré les efforts régionaux (11 lycées HQE, 5 lycées zero énergie etc.).
Le guide « Mon écolycée » veut relancer cette dynamique. Il permet à chaque lycée d’élaborer son programme à la carte, en fonction de ses spécificités. Il est aussi adapté aux projets pédagogiques des enseignants dans le cadre de l’éducation au développement durable. L’objectif de cette démarche participative et citoyenne est de permettre aux communautés scolaires de prendre conscience de l’impact de leurs gestes quotidiens sur la planète. Il comprend des documents pédagogiques développés avec les associations partenaires : Natureparif, Ordif, Arene etc. Il propose aussi des données concernant chaque lycée. Il propose une démarche pour monter une équipe capable d’animer le lycée.
La démarche « Mon écolycée » sera expérimentée à partir de la rentrée par une quinzaine d’établissements pilotes retenus en juin à l’issue d’un appel à projets régional. Mais tous les établissements qui le souhaitent pourront mettre en place l’une ou l’autre des actions présentées dans le guide. Le conseil régional a promis d’accueillir le maximum d’établissements. Il vous reste à réclamer votre guide qui sera disponible d’ici un mois.
Le projet du lycée A Nobel
http://www.youtube.com/watch?v=oW9giG00b_c
Sur le site du Café
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