Sur la liste H-Français, une très intéressante discussion s’est tenue à la fin du mois de mars à propos de la réactivité des enseignants d’histoire-géographie face à l’actualité.
Le post de départ (JT) posait plusieurs questions à propos de la déferlante de pistes pédagogiques promptement créées par des enseignants. L’auteur s’interroge et critique. Il passe rapidement sur les « raisons morales », évoquant malgré tout l’idée « que des profs d’histoire-géo ne deviennent des sortes paparazzi de l’actualité sous prétexte de l’éclaircir, un cours n’ayant pas vocation à devenir le miroir du JT de TF1 ». Il souligne que « cette manière de se ruer sur l’actualité pour la mettre en fiche d’activités sans le moindre recul participe d’une sorte d’hystérie et d’hyperréactivité au flot d’informations qui nous parvient » est pour le moins déplaisante. Il poursuit, « se doit-on d’être aussi réactif ? ». Il termine en mettant en avant une sorte de dérive des études de cas, « révélatrice d’une manière un peu réductrice de voir le monde, qui donne désormais l’impression de se décliner sous la forme de petites unités isolées et supposées être représentatives de la complexité de la réalité. Comme si le savoir ne reposait pas sur la capacité à faire des liens et qu’il pouvait s’émietter ». Et il conclut « je pense juste que, parfois, il faut savoir ne pas hurler avec les loups et se demander si, derrière la volonté louable de donner sens à l’actualité, on ne participe pas d’un phénomène qui consiste à tout traiter sous le mode du buzz ».
Bien sûr des réponses ont été apportées. En voici la teneur essentielle.
SG pose l’équation : « Face à la mondialisation de l’information, le prof d’histoire-géo du XXIe siècle n’aurait le choix que de courir derrière l’actualité au risque d’alimenter le catastrophisme ambiant ou de rester indifférent aux soubresauts du monde, sous prétexte qu’il n’est pas possible de traiter l’actualité à chaud. On connaît ces débats qui existent aussi en histoire à propos de l’enseignement du temps présent (parler de l’histoire immédiate) ou encore de la Shoah (parler de l’indicible) ».
CR souligne qu’il faut « éviter les écueils de deux attitudes caricaturales. La première serait d’inonder les élèves de flux de documents et d’infos tous plus spectaculaires les uns que les autres …/… la seconde serait de se réfugier sur un Aventin scientifico-disciplinaire qui ignore l’écume et poursuit le programme ». Il met en avant la « demande des élèves ». Il termine son analyse en mettant en avant l’importance de « mutualiser et de faire gagner du temps ».
BM évoque le buzz et la nécessaire distance critique tout en rappelant « que nous sommes quand même interpellés par nos élèves qui légitimement se tournent davantage vers les profs d’histoires géo en référence à l’actualité que vers d’autres collègues. Et que pour être efficaces nous ne pouvons pas ignorer le journal de TF1 ».
AL s’interroge lui sur le « comment fait-on pour éviter le sujet en classe ? Si dans l’idée de ne pas s’appesantir, on se contente de quelques commentaires, et non sur l’étude préparée de documents sélectionnés, qu’apporte-t-on comme représentation et explication de la situation au Japon ? » Il estime (et il est rejoint par beaucoup de colistiers) que « mobiliser et partager des ressources via cette liste ou d’un autre canal ne signifie pas tomber dans le « buzz » car il reste une marge importante avant la réception en classe, le travail de l’enseignant. Le partage de séances, de ressources, d’éclairages, permet plutôt de baliser le terrain pour un usage pertinent en classe ». GLB évoque la focntion de médiateur du savoir pour l’enseignant.
CGA apporte un exemple avec ses classe : « Lorsque mes 6è d’une part et mes 4è d’autre part m’ont posé des questions la semaine dernière, je leur ai dit que j’avais besoin d’un peu de temps pour trouver des infos qui leur soient accessibles. Hier quand je leur ai dit qu’ils pouvaient aller lire l’article que je leur avais écrit sur le blog fait pour eux, ils ont réagi positivement et je pense avoir répondu (modestement et en partie) à leur questionnement ».
LG est allé plus loin encore, en ayant « interrompu ma progression en Seconde (j’étais dans un séquence d’Histoire, à peine commencée) pour étudier les catastrophes japonaises dès le samedi… ». Il précise qu’il n’a eu « aucun problème éthique ou moral » à lancer ses élèves de Seconde sur ces catastrophes abordées comme une étude de cas. « Ça a permis de déconstruire leurs représentations (très télévisuelles), de répondre à leurs interrogations voire leurs inquiétudes, de dépasser les films amateurs qui tournaient en boucle sur les écrans. Il y a eu beaucoup de questions, c’était globalement très positif, même si parfois plutôt improvisé. Très clairement nous ne pouvons qu’apporter des plus par rapport au traitement journalistique de l’événement ». Il termine en évoquant que cela permet de « montrer – parce que ça va rarement de soi pour les élèves – à quoi sert la Géographie, qui s’étudie dans le monde d’aujourd’hui, et pas seulement dans des livres ». Il n’y pas une « culture du zapping » ce qui serait le cas « si c’était totalement déconnecté du programme ».
FD développe l’idée qu’il faut parfois contrer les visions journalistqiues et il évoque par exemple les nécessaires mises en garde des élèves « sur une tentation journalistique occidentale à véhiculer des poncifs sur les Japonais, à accréditer un discours revanchard sur cette « menace venue d’Asie » qu’on entend depuis les années 80 (et même depuis 1905), voire sur la diabolisation d’inconscients qui ont joué avec le feu, celui des forces naturelles et celui de l’atome ».
La liste dont il est question est H-Français : pour y participer : http://www.h-net.org/~francais/