Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs
Ce mois-ci :
– Aide aux Profs propose à tous les acteurs du système éducatif de bien réfléchir aux modalités de mise en œuvre de l’entretien professionnel à 2 ans puis à 20 ans pour que cette nouvelle forme d’évaluation professionnelle inspire confiance…
– Pour rebondir sur les constatations diffusées dans l’expresso du SNPDEN UNSA sur la qualité d’accueil des services acadeémiques, Aide aux Profs s’est penchée sur les différentes manières dont les académies accueillent les projets de seconde carrière des enseignants, et sur ce qui leur est proposé réellement pour favoriser leur projet.
– Nous avons recueilli le témoignage d’une Professeure des Ecoles, Sonia COTTIER, qui réalise deux activités professionnelles en parallèle : l’enseignement, et la création de son auto-entreprise en réflexologie plantaire.
L’entretien professionnel : Aide aux Profs propose une autre méthode de mise en œuvre
Afin de sensibiliser les différents acteurs du système éducatif aux aléas que peut comporter l’entretien professionnel tel qu’il est conçu actuellement, Aide aux Profs a conçu une 3e vidéo parodique.
En effet, nous préconisons que cet entretien soit préparé par l’enseignant, qui constituerait un dossier servant de « portfolio de compétences » et qui servirait de support à l’entretien avec le chef d’établissement.
Le portfolio (ou passeport) de compétences comprendrait :
– les diplômes initiaux,
– les attestations de stages réalisés dans l’Education nationale,
– les diplômes réalisés en formation continue sur les temps personnels,
– un bilan annuel d’activité présentant les différents projets pédagogiques menés, et réussis, chaque année, permettant ainsi – et enfin !- de valoriser dans la notation professionnelle de l’enseignant son investissement au service de la culture générale et de la réussite de ses élèves,
– les évaluations réalisées par les chefs d’établissement successifs,
– à son initiative, tout élément portant sur une activité extérieure permettant de compléter l’évaluation des compétences mises en œuvre dans l’établissement.
Ainsi l’évaluation serait-elle nettement plus fiable qu’actuellement, prenant en compte la globalité de la personnalité de l’enseignant.
Nous proposons aussi que cet entretien ait lieu en présence d’un témoin assisté et compétent: un Conseiller Mobilité Carrière. Il nous semble en effet impensable qu’un entretien aussi important que le sera l’entretien professionnel, qui ne surviendra que deux fois dans la carrière, à 2 ans puis à 20 ans, puisse se dérouler uniquement à huis clos.
Alors que les CFC, les IEN, les IA-IPR rayonnent tous sur une zone géographique pour mener à bien les missions qui leur sont confiées, il est tout-à-fait envisageable aussi de confier aux CMC une zone géographique comprenant un certain nombre d’établissements et donc d’enseignants à assister lors de leurs entretiens professionnels.
Ainsi, alors que le dispositif actuel ne prévoit pas de formation préalable pour les chefs d’établissement, qui seront simplement dotés « d’outils », de grilles, il nous a paru important de lancer cette réflexion en ligne auprès de tous les acteurs du système éducatif qui s’intéressent à cette question.
Afin que cet entretien professionnel ne puisse jamais se dérouler comme ça :
http://www.aideauxprofs.org/index.asp?affiche=News_display[…]
Pour éviter au métier d’enseignant de connaître une pénurie de vocations :
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20110317[…]
Deux poids deux mesures alors que la loi est la même pour tous
Le Café Pédagogique du 15.03.2011 a relaté dans son expresso les constatations du SNPDEN UNSA concernant l’application des textes par les académies. Il en ressort que « Chaque académie s’affranchit des textes officiels et applique ses propres textes ».
« Si les académies étaient notées sur 20 en préparation de rentrée 2011, elles auraient en moyenne 7,9 en « respect des textes » et 10,9 en « dialogue » », annonce le SNPDEN.
Alors que le ministre de l’Education Nationale a voulu mettre l’accent depuis deux ans sur la rénovation de la Gestion des Ressources Humaines et que l’Education nationale a mis en place depuis 2007 dans ses différentes IA et rectorats la charte « Qualimarianne » pour améliorer l’accueil et l’information des usagers, les chiffres délivrés par le SNPDEN ont de quoi inquiéter.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/0[…]
http://www.ac-grenoble.fr/ia38/siteiaspip/IMG/pdf/dia[…]
Sur le front de la seconde carrière des enseignants, les pratiques académiques sont très variées :
Sur l’application de la loi du 3 août 2009 sur les parcours de mobilité interministériels :
– De nombreuses académies et IA refusent le départ des enseignants en détachement en cours d’année, du fait d’un manque d’enseignants, lié au non renouvellement d’un fonctionnaire sur deux, qui affecte beaucoup les moyens disponibles. Cela a une répercussion également sur les personnels qui souhaitent un temps partiel ou un mi-temps et n’obtiennent pas toujours satisfaction.
La loi Woerth du 3 août 2009 n’a donc pour but que de faciliter les opérations de restructuration décidées par l’Etat au sein de ses 584 opérateurs publics et dans ses différents ministères.
Alors qu’elle est présentée comme une loi destinée à faciliter la mobilité des fonctionnaires, nous constatons :
– Que les postes proposés sur la BIEP et les BIERP sont très éloignés des compétences possédées par les enseignants, et que tous les emplois proposés par les opérateurs de l’Etat n’y sont pas publiés,
– Que l’accès aux fonctions d’attaché de l’EN, pourtant en catégorie A, n’est possible que par concours pour les enseignants (et par liste d’aptitude pour les catégories B et C administratives), toute VAE ou VAP étant exclue pour l’instant, aucune passerelle n’ayant été envisagée par le dispositif « seconde carrière » qui existe pourtant depuis 5 ans,
– Que les collectivités locales (FPT) sont réticentes à recruter des enseignants non titulaires du concours d’attaché et qui ont dépassé le 6e échelon de leur grade. Ainsi un agrégé ou un certifié de plus de 15 ans d’ancienneté ont-ils des chances très minces d’être recrutés en détachement au sein d’une collectivité de la FPT,
– Que le 2e entretien professionnel proposé aux enseignants sera trop tardif (à 20 ans d’ancienneté, à un âge où il est quasi impossible de se reconvertir en dehors de l’EN, car aucun ministère ne souhaite recruter des enseignants qui ont plus de 15 ans d’ancienneté et n’ont pas fait autre chose !)
– Que le nombre de conseillers mobilité carrière va stagner dans l’EN dans les années à venir, puisque la tache de faire passer les entretiens professionnels va être déléguée aux chefs d’établissement, qui seront « outillés » à cet effet, alors qu’une formation eût été indispensable dans ce processus,
– Qu’il n’est toujours pas fourni de réponse de la part du MEN pour alléger la pénibilité des fins de carrière des enseignants, qui touche notamment des disciplines comme l’EPS, et atteint aussi plus souvent les professeurs des écoles et de collège que les professeurs de lycée,
– Que la tendance actuelle est de s’acheminer vers une annualisation du temps de travail des enseignants dans les établissements, avec la suppression de 2 à 3 semaines de leurs congés estivaux (une compensation salariale a-t-elle été prévue ? Combien va coûter cette mesure ? Le métier d’enseignant va-t-il vraiment rester attractif dans ces conditions ?)
– Que les années 2011 à 2013 vont représenter un véritable électrochoc dans la Fonction Publique, puisque François Baroin indiquait récemment que 100 000 emplois de fonctionnaires ne seraient pas renouvelés du fait des départs en retraite, soit autant que durant les 4 dernières années. Le pire est encore devant nous, avec des opérateurs de l’Etat qui seront visiblement très affectés, notamment les Etablissements Publics Administratifs comme le SCEREN, l’ONISEP, le CNED.
http://www.lanouvellerepublique.fr/vienne/ACTUALITE/Educ[…]
http://snudifo13.free.fr/FNEC_Comm_CNED_greve301110.pdf
http://www.fo-snfolc.fr/CNED-la-FNEC-FP-FO-recue-au
Sur l’application du n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 accordant le bénéfice d’un bilan de compétences financé par l’administration à l’agent de 10 ans d’ancienneté au moins :
– La grande majorité des académies ne les financent plus, faute de budget suffisant. Nous dénonçons cette situation qui induit en erreur les personnels, le décret s’avérant une fois de plus être un « miroir aux alouettes ». Seule Créteil sort encore du lot avec une centaine de bilans financés en 2009, alors que Versailles et Paris notamment se sont quasiment désengagées du bilan de compétences, reportant son coût sur l’agent demandeur.
– Alors qu’à grands frais les académies avaient investi dans des bilans de compétence réalisés informatiquement, l’usager cochant des cases, le conseiller lui apportant une courte synthèse descriptive de ses compétences avec des graphiques de différentes natures, il semble que ce système ait fait long feu, faute de budget ou de personnels compétents pour les réaliser. Plus de 50 de nos contacts qui ont expérimenté ce type de bilans se sont dit « déçus » de bilans souvent « à côté de la plaque », avec des propositions de mobilité souvent farfelues par rapport à leur profession actuelle.
http://www.fonction-publique.gouv.fr/article825.html
Sur l’application du Décret n°2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l’Etat (article 25 sur le CFP) :
Les enseignants attendent de plus en plus longtemps pour obtenir un Congé de Formation Professionnelle (CFP). Il est fréquent lors des pré-bilans que les enseignants nous indiquent attendre un CFP depuis 7 ans en moyenne. Les témoignages provenant de l’académie de Versailles avec des durées de 7 à 18 ans d’attente sont fréquents, ceux de l’académie de Paris avec des durées de 3 à 14 ans aussi. Dans la plupart des académies, l’attente est d’au moins 3 ans, seule Créteil se distinguant parfois avec des CFP accordés dès la première demande, de manière exceptionnelle (qu’ont fait les heureux élus pour cela ?). Les académies comptent 10 points par année d’ancienneté de la demande pour arriver à « départager » les candidats, certaines académies, d’autres « 5 points »…en remettant le compteur « à zéro » lorsque la personne oublie de persévérer de manière continue dans sa candidature au CFP.
Alors que le CFP pourrait permettre à beaucoup d’enseignants de réaliser une vraie reconversion (= hors du système éducatif, au sens que nous lui donnons), les académies privilégient les concours internes (Capes, Agrégation) soit pour monter en grade soit pour changer de discipline. Comme de nombreux enseignants sont obligés de changer de discipline à la rentrée prochaine, notamment dans les lycées professionnels, les mobilités volontaires ne sont pas traitées en priorité.
http://www.fonction-publique.gouv.fr/article823.html
Sur le portail du MEN, il est bien indiqué pourtant qu’à partir de 3 ans d’ancienneté il est possible de demander à bénéficier d’un CFP « dans la limite des crédits disponibles dans votre académie »:
http://www.education.gouv.fr/cid1104/la-formation-cont[…]
Alors que l’article 25 du Décret n°2007-1470 du 15.10.2007 précise « Ce congé peut être utilisé en une seule fois ou réparti au long de la carrière en stages d’une durée minimale équivalant à un mois à temps plein qui peuvent être fractionnés en semaines, journées ou demi-journées », Aide aux Profs constate que seules les Inspection Académiques utilisent cette disposition, les rectorats attribuant invariablement les CFP à l’année, soit sous forme de mi-temps, soit sous forme de plein temps (très rares). La raison est que les académies acceptent toujours très mal l’idée que l’enseignant puisse partir en cours d’année pour un CFP ou un détachement, alors qu’elles ont développé par ailleurs un système de remplacement d’enseignants pour des périodes de 8 à 15 jours, parfois même à la journée (TRS et ZIL du Primaire). Dans de rares cas, certaines académies utilisent encore le CFP pour « soulager » un enseignant « fatigué » en fin de carrière, alors que le CFP devrait être utilisé pour favoriser des projets de formation !
Du fait de ces difficultés à obtenir un CFP, Aide aux Profs est parfois le témoin de véritables dérives…des enseignants indiquent utiliser leur CLM ou leur CLD pour réaliser leur formation voire amorcer leur reconversion, ce qui nous semble contraire à toute éthique, et à fortement déconseiller, ne serait-ce que pour respecter le droit de ceux qui sont vraiment souffrants.
Sur l’application du décret no 90-857 du 25 septembre 1990 relatif au congé de mobilité :
Présenté à l’époque comme la possibilité de financer à plein temps une année dédiée à la reconversion, très peu de congés de ce type auront été financés par l’Education nationale, qui n’en accorde plus depuis 1993, alors que ce type de congé est toujours mentionné dans les « leviers possibles » du dispositif seconde carrière en 2010…
http://www.senat.fr/questions/base/1993/qSEQ930400228.html
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTex[…]
Sur l’application de l’Indemnité Volontaire de Départ (IVD) :
Alors que le texte en précisait l’attribution pour « création ou reprise d’entreprise », pour « mener à bien un projet personnel » ou «si vous êtes concerné(e) par la restructuration de votre administration dûment prévue par arrêté ministériel », il semble que le décret sur l’IVD n’ait été conçu en fait que pour faciliter les mobilités imposées à la suite des restructurations.
Nos échos font état de difficultés grandissantes pour bénéficier d’une IVD, les académies refusant de nombreuses demandes de démission pour ne pas avoir à débourser l’IVD, d’autres appliquant les % d’indemnité planchers.
Sur l’application du Droit Individuel à la Formation (DIF) : où est le budget ?
Institué par le Décret n°2007-1470 du 15 octobre 2007, relatif à la mise en œuvre de la formation professionnelle tout au long de la vie, il aura fallu 3 ans à l’Education nationale pour se décider à appliquer le texte de manière rétroactive, les enseignants bénéficiant normalement de 70h de formation pour l’année 2011.
Si Josette Théophile (DGRH du MEN) a bien précisé que seraient prioritaires les enseignants en quête d’une seconde carrière, pour l’instant, les chiffres des enseignants qui en ont bénéficié laissent dubitatifs d’après ses propos publiés dans l’espresso du 8 février 2011 : « Le DIF lui aussi fonctionne depuis la rentrée. On a déjà reçu 276 demandes de DIF et 44 ont reçu un accord essentiellement pour des projets d’accompagnement à la mobilité. » Soit 15,9% de taux de satisfaction des demandeurs, alors que l’effectif enseignant est de plus de 900 000 personnes…
Sonia Cottier, 33 ans, professeur des écoles, est devenue auto-entrepreneuse en réflexologie plantaire
Quelle a été sa première carrière avant de devenir prof ?
Après un Bac S et un DUT de Biologie Appliquée, Sonia réalise en 1999 une année de spécialisation en cosmétique pour travailler dans ce domaine qui la passionne. Sa première expérience la conduit dans un petit laboratoire de fabrication où elle devient technicienne de laboratoire pour travailler sur des bases de crèmes et y ajouter des agents actifs. Au bout d’un an, consciente qu’il n’y avait pas de promotion professionnelle possible, elle démissionne et intègre durant un CDD de 6 mois un laboratoire de cosmétique dans le secteur de l’industrie pharmaceutique. Technicienne de laboratoire à nouveau, elle gérait seule les essais en laboratoire pour améliorer les produits existants vendus par le groupe LIPHA-MERCK. Mais une restructuration conduit à la fermeture de son service et c’est la fin de son CDD. et Elle connaît alors 4 mois de chômage puis décroche un emploi en CDD dans une entreprise de tests de produits cosmétiques sur des volontaires. Elle est chargée de l’analyse des données et rédige des rapports d’efficacité sur tel ou tel produit. Le CDD se poursuit et elle restera 18 mois dans cette nouvelle entreprise. Nous sommes alors en 2002, et Sonia rêve de stabilité professionnelle…
Comment se produit le déclic pour devenir enseignante ?
Dans chacun des emplois qu’elle a occupés, Sonia a fait preuve d’une grande capacité d’adaptation, en apprenant très vite les nouvelles techniques et logiciels à employer, générant rapidement un ennui lié à la routine des taches pratiquées. Ses emplois en CDD l’obligeaient à de nombreux déplacements. Comme un membre de sa famille préparait le concours de professeur des écoles, Sonia s’est dit « et pourquoi pas moi ? ». Dans un premier temps, elle a postulé comme surveillante. Acceptée, elle démissionne donc de son travail en laboratoire et travaille 18h en collège, sur 3 jours par semaine, lui laissant assez de temps pour préparer le CREP en candidat libre, en utilisant la préparation fournie par le CNED. Sonia passe le concours deux années d’affilée et l’obtient en mai 2004. La deuxième année, Sonia a délaissé la préparation du CNED en optant pour des cours du soir avec le CUEFA. Cette formation en lien avec le CNAM présente pour elle l’avantage d’être plus concrète, car ce sont des enseignants et des inspecteurs de l’Education nationale qui dispensent les cours, et elle estime avoir été bien mieux préparée au concours de cette manière.
http://www.guidance-formations.com/organisme-de-formation/359[…]
Comment s’est déroulée sa formation à l’IUFM ?
Elle suit la formation de septembre 2004 jusqu’en janvier 2005, pour ensuite la reprendre et la terminer de septembre à décembre 2005 au cours d’un report de scolarité, modalité prévue en cas de grossesse durant l’année de formation. Elle réalise son premier stage pratique de 15 jours en classe de CM1-CM2, puis son « stage filé » pour rédiger le mémoire demandé par l’IUFM. Il s’agit d’un mois en classe à raison de deux demi-journées par semaine en binôme avec l’enseignement d’une matière, pour des mises en pratiques de séquences préparées. Une fois terminée en décembre 2005, après 3 stages et un stage terminal, Sonia est affectée comme remplaçante en janvier 2006.
Comment Sonia a-t-elle vécu son nouveau métier ?
Affectée comme titulaire remplaçante (TZR), elle découvre vite qu’enseigner 26h par semaine exige un travail personnel dévoreur de temps à la maison, sans compter les temps de correction, les entretiens avec les parents d’élèves, la réalisation des projets internes à l’école (manifestations sportives, fêtes de fin d’année scolaire, etc.), tandis que ses remplacements s’effectuent sur plusieurs niveaux, et parfois sur des postes de direction d’école à assumer par intérim. Elle est même amenée à intervenir durant 3 mois en collège, dans des classes de SEGPA, en 6e, 5e, et 4e avec des adolescents de 12 à 15 ans en très grandes difficultés scolaires et en UPI, Unité Pédagogique d’intégration, qui accueille les élèves porteurs de handicap ou de maladies invalidantes. Il arrive en effet que ces postes spécifiques qui demandent normalement une qualification particulière sanctionnée par un examen, le CAPA-SH, soient temporairement attribués aux TZR. Le quotidien en classe est très difficile, même si l’équipe des enseignants est sympathique et solidaire. Très rapidement, Sonia s’interroge sur sa résistance sur le long terme dans cette profession qu’elle n’imaginait pas aussi éprouvante physiquement. Elle s’aperçoit aussi qu’étant donné la complexité des opérations de mutation chez les professeurs des écoles, il lui faudra 15 ans au moins avant d’obtenir un poste fixe, les postes en écoles de campagne –plus « tranquilles » – étant très prisés au sein de la profession.
« Faire la classe en école primaire exige d’être hyper réactive, très organisée et toujours en action ». Chaque année d’enseignement devient rapidement un parcours du combattant…
A-t-elle rencontré de la solidarité parmi les enseignants des écoles ?
« Le fait d’être TZR génère peu de contacts car les interventions dans les écoles sont ponctuelles ». On se sent isolée, et les rares occasions où elle peut évoquer ses difficultés, ses collègues indiquent que « c’est normal, c’est le début… ». Tous semblent avoir traversé cette période de charge de travail importante.
Comment Sonia tente-t-elle de conserver sa motivation ?
A la rentrée 2007, elle obtient un poste de TRS, Titulaire Remplaçant de Secteur. Il s’agit en fait d’enseignants affectés sur les compléments de temps partiels des autres collègues ainsi que sur les classes des directeurs et directrices d’école lorsque ceux-ci effectuent leur journée administrative. Ces postes offrent l’avantage de connaître à l’avance le/les niveaux d’enseignement, le/les lieux d’intervention et ce pour une année scolaire entière. Sonia partage donc sa semaine sur trois écoles, avec une journée en CM1-CM2, une journée en MS-GS de maternelle et deux journées en PS de maternelle. Depuis septembre 2008, Sonia travaille toujours comme TRS, mais à mi-temps et mûrit un projet « d’autre chose »…
Quelles compétences pensait-elle alors avoir développées ?
« Je savais m’adapter, j’ai appris à m’exprimer devant un groupe à haute voix alors que j’étais introvertie auparavant. J’ai appris le travail en équipe, surtout en SEGPA avec des réunions deux fois par mois pour échanger sur les progrès et les difficultés des enfants. J’ai participé à quelques projets pédagogiques également ».
Et durant sa première carrière, quels étaient ses acquis ?
« J’ai toujours été débrouillarde, autodidacte. Je sais me présenter de manière claire et j’ai des qualités rédactionnelles qui m’aident à mettre en mots ce que je souhaite partager. »
Quand est né le projet de reconversion et en quoi consiste-t-il ?
« Peu à peu me projeter vers un avenir meilleur dans mon métier d’enseignante était de plus en plus difficile. C’est à partir de ce moment là que j’ai envisagé de prendre une autre voie … Je n’ai pas fait de bilan de compétences. J’ai réfléchi à ce que je voulais vraiment en prospectant en lien avec mes passions. Je souhaitais faire d’un de mes centres d’intérêt un métier. Formée en biologie et attirée par l’univers de la santé, particulièrement les médecines naturelles, je me suis alors laissée tenter par une formation en naturopathie. En 2008-2009, je n’avais qu’une idée en tête : me donner les moyens de changer. Après 9 mois de prospection, j’ai trouvé une école proposant un bon compromis : un enseignement à distance et en week-end pour une formation de 18 à 24 mois. J’ai pu préparer ma reconversion, tout en conservant mon poste de professeur des écoles à mi-temps, condition sine qua none à la réalisation de mon projet. Dans le cadre de cette formation, j’ai pu m’inscrire à un module de réflexologie plantaire qui m’a passionnée. En septembre 2011 je dois passer un dernier examen pour obtenir mon diplôme de praticien de santé – naturopathe.»
Quand Sonia a-t-elle entrepris de pratiquer son activité ?
« En septembre 2010, après avoir téléphoné à l’inspection académique pour connaître la procédure, je leur ai écrit sur papier libre. J’ai demandé à bénéficier d’un cumul d’activités. Mon courrier expliquait mon projet, le temps que je pensais y consacrer, et le statut d’auto-entrepreneur que j’avais décidé d’adopter pour développer cette activité. J’ai bien précisé qu’à terme, mon objectif était de quitter l’enseignement.
Un mois plus tard, je recevais le courrier officiel me donnant l’autorisation d’exercer ma deuxième activité pour une année scolaire, renouvelable sur demande, mais pour un temps limité. Je me suis alors inscrite sur internet comme auto-entrepreneur dans le domaine des activités de services et en profession libérale ».
« J’ai rapidement trouvé un local. J’ai souhaité réaliser un site internet pour faire connaître la réflexologie plantaire et pouvoir parler de mon travail. Je me suis lancée seule à l’aide d’un logiciel très pratique (ToWeb), que j’ai acheté à moindre frais sur conseil avisé d’un collègue professeur des écoles. En deux semaines environ, après de nombreuses heures de travail, mon site était prêt à mettre en ligne.
J’ai aussi travaillé seule sur mes supports de communication : logo, affiche, carte de visites et flyers, qu’il a fallut ensuite diffuser largement (pharmacies, instituts de beauté, cabinets de médecins-homéopathes, etc) »
Quelles compétences Sonia met-elle en œuvre dans cette nouvelle activité ?
« Je vais au-devant des autres. J’explore le maximum de pistes, j’apprends à me mettre en avant, à parler de ce que je fais. Je mène un travail d’information sur la réflexologie plantaire ».
Est-il possible actuellement d’en vivre ?
« Pas encore, mais grâce aux premiers patients qui m’accordent leur confiance, cela me donne l’équivalent d’un quart de temps, ce qui correspond à l’objectif que je m’étais fixé. Je sais que mon activité est en plein développement, et qu’il faut que je sois patiente en me donnant un peu de temps pour développer ma patientèle. Cela se fait essentiellement par le bouche-à-oreille.
J’ai hâte de pouvoir en vivre et d’exercer ce métier à temps complet, pour vivre une autre vie, m’épanouir pleinement, m’enrichir de rencontres, car ce métier est à la fois passionnant et très valorisant. Il m’apporte satisfaction personnelle, confiance en moi et en mon travail de praticien de santé-réflexologue. »
Pour découvrir la troisième carrière de Sonia, découvrez son site :
http://www.reflexologue-soniacottier.com/accueil/index.html
Sur le site du Café
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