Le 31 mars prochain, le projet définitif du 17ème plan de résorption de la précarité dans la fonction publique depuis 1945 sera présenté aux organisations syndicales avant de faire l’objet d’une loi d’ici à l’automne.
La principale mesure de ce plan concerne la titularisation des contractuels de la fonction publique, par le biais de concours spécifiques, ouverts aux CDI et CDD ayant quatre ans d’ancienneté sur les six dernières années, une disposition qui, selon le gouvernement, pourrait concerner 40 000 à 50 000 agents d’ici à quatre ans, sur les 875 000 non-titulaires (16,5%) que comptent les trois fonctions publiques (Etat, collectivités locales, hôpitaux).
Autre point non négligeable, les agents en CDD pendant six ans sur une période de huit ans devraient bénéficier d’un passage automatique en CDI, une disposition qui pourrait toucher 100.000 personnes.
Mais l’automne étant après la saison de renouvellement des contrats en cours, il convient de revenir sur la situation actuelle afin de permettre aux collègues contractuels de préserver toutes leurs chances d’être titularisé ou reconduit en CDI en 2011.
I) La règle générale du contrat
Les agents non titulaires relèvent des dispositions du décret n°86-83 du 17 janvier 1986, en partie modifié par le récent décret n°2007-338 du 12 mars 2007.
En introduction, je vous signale la priorité d’embauche dont peuvent bénéficier les agents non titulaires, accidentés du travail ou victimes de maladies professionnelles, à savoir :
· Les agents non titulaires, victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d’une rente.
· Les agents non titulaires indemnisés par une pension d’invalidité pour une incapacité d’au moins deux tiers.
A vous donc de faire valoir ces priorités lors de votre candidature ou de votre renouvellement sachant qu’elles restent soumises à l’appréciation de l’intérêt du service et de la recevabilité de votre C.V. professionnel
Les modalités de recrutement des agents non titulaires auxquels il est fait référence dans les décrets précités sont posées par les articles 4 à 6 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984.
Article 4 Par dérogation au principe énoncé à l’article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants :
1° Lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ;
2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’Etat à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient.
Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats à durée déterminée, d’une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans.
Si, à l’issue de la période maximale de six ans mentionnée à l’alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l’être que par décision expresse et pour une durée indéterminée.
Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas aux contrats conclus pour la mise en oeuvre d’un programme de formation, d’insertion, de reconversion professionnelles ou de formation professionnelle d’apprentissage.
Pour l’ensemble des règles de droit applicables aux agents non titulaires qui occupent des emplois sur le fondement du présent article, le recrutement de ces personnels particuliers est une entrée au service, et la fin de leur engagement, une sortie de service.
Article 5 Par dérogation au principe posé à l’article 3 du titre Ier du statut général des emplois permanents à temps complet d’enseignants-chercheurs des établissements d’enseignement supérieur et de recherche peuvent être occupés par des personnels associés ou invités n’ayant pas le statut de fonctionnaire.
Article 6 Les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet d’une durée n’excédant pas 70 % d’un service à temps complet, sont assurées par des agents contractuels.
Les fonctions correspondant à un besoin saisonnier ou occasionnel sont assurées par des agents contractuels, lorsqu’elles ne peuvent être assurées par des fonctionnaires titulaires.
L’article 4 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 reprend explicitement ces dispositions :
Article 4 L’agent non titulaire est recruté par contrat ou par engagement écrit. Pour les agents recrutés en application des articles 4, 5 et 6 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, le contrat précise l’article en vertu duquel il est établi, et, éventuellement, s’il intervient en application du 1° ou du 2° de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984.
Outre sa date d’effet et la définition du poste occupé, ce contrat ou cet engagement précise les obligations et droits de l’agent lorsqu’ils ne relèvent pas d’un texte de portée générale ou d’un statut particulier.
Les dispositions de cet article sont très importantes. En effet, selon l’article de la loi n°84-16 en vertu duquel votre contrat sera conclu et la teneur de votre service, vous pourrez ou ne pourrez pas prétendre, au bout de six ans, à la conclusion d’un Contrat à Durée Déterminée.
A ce propos, rappelez vous qu’un contrat est un acte authentique signé par deux parties librement consentantes. Rien n’oblige l’employeur à le proposer à l’employé de même que rien n’oblige l’employé à l’accepter. De plus, les modalités du contrat sont librement discutées entre les parties même si dans la réalité votre marge de manœuvre dépend étroitement de la nécessité pour l’employeur de vous contracter. Enfin, souvenez vous que les termes d’un contrat ne peuvent pas être modifiés sans l’accord de l’autre partie et qu’il est donc totalement inutile de vouloir modifier les dispositions d’un contrat une fois ce dernier signé.
Article 5 (Modifié par Décret n°88-585 du 6 mai 1988 art. 2) En cas de renouvellement du contrat conclu en application de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, l’article 45 ci-après est applicable.
Article 45 que voici :
Article 45 (Modifié par Décret n°2007-338 du 12 mars 2007 art. 30) Lorsque l’agent non titulaire est recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d’être reconduit, l’administration lui notifie son intention de renouveler ou non l’engagement au plus tard :
– le huitième jour précédant le terme de l’engagement pour l’agent recruté pour une durée inférieure à six mois ;
– au début du mois précédant le terme de l’engagement pour l’agent recruté pour une durée supérieure ou égale à six mois et inférieure à deux ans ;
– au début du deuxième mois précédant le terme de l’engagement pour l’agent recruté pour une durée supérieure ou égale à deux ans ;
– au début du troisième mois précédant le terme de l’engagement pour le contrat susceptible d’être reconduit pour une durée indéterminée. Dans ce cas, la notification de la décision doit être précédée d’un entretien.
Lorsqu’il est proposé de renouveler le contrat, l’agent non titulaire dispose d’un délai de huit jours pour faire connaître, le cas échéant, son acceptation. En cas de non-réponse dans ce délai, l’intéressé est présumé renoncer à l’emploi.
Cet article pose le principe des délais de notification du renouvellement ou non-renouvellement de contrat soit :
· Huit jour avant le terme de l’engagement pour l’agent recruté pour une durée inférieure à six mois,
· Au début du mois précédant le terme pour une durée d’engagement supérieure ou égale à six mois et inférieure à deux ans,
· Au début du deuxième mois précédant le terme pour une durée d’engagement supérieure ou égale à deux ans et,
· Au début du troisième mois précédant le terme d’un contrat susceptible d’être reconduit pour une durée indéterminée (la décision doit être précédée d’un entretien).
C’est pourquoi, lorsqu’il vous est proposé un renouvellement de contrat, vous disposez d’un délai de huit jours pour faire connaître votre acceptation et que vous serez présumé renoncer à l’emploi en cas de non-réponse dans ce délai,.
Article 6 (Modifié par Décret n°2007-338 du 12 mars 2007 art. 5) Le contrat conclu en application de l’article 6, 1er alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée pour occuper des fonctions correspondant à un besoin permanent, impliquant un service à temps incomplet, peut être conclu pour une durée indéterminée.
Toutefois, lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, celui-ci a une durée maximale de trois ans. Ce contrat est renouvelable, par reconduction expresse, dans la limite maximale de six ans.
A l’issue de la période maximale de six ans mentionnée à l’alinéa précédent, le contrat ne peut être reconduit que par décision expresse et pour une durée indéterminée.
Jusqu’à ce décret n° 2007-338, seul un contrat conclu en vertu de l’article 4 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 pouvait ouvrir droit à un Contrat à Durée Indéterminée après six années consécutives de C.D.D.
Mais cet article modifié ouvre dorénavant la possibilité de conclure un Contrat à Durée Indéterminée pour des fonctions permanentes dont la quotité ne dépasse pas 70%.
Article 7 (Modifié par Décret n°2007-338 du 12 mars 2007 art. 6) Pour l’application de l’article 6, 2e alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, la durée totale, au cours d’une période de douze mois consécutifs, du contrat conclu et des renouvellements éventuels ne peut excéder :
– six mois pour l’exercice de fonctions correspondant à un besoin saisonnier ;
– dix mois pour l’exercice de fonctions correspondant à un besoin occasionnel.
Voici donc, enfin, réglementairement définie la notion de besoin saisonnier ou occasionnel.
Malheureusement, force est de constater que la définition du besoin occasionnel restreint parfois à dix mois les contrats à durée déterminée des personnels enseignants et ce, sans limitation de durée puisque la période de six ans maximum prévue par les autres articles traitant de l’embauche du contractuel n’est pas reprise par cet article 7.
Article 8 Dans les autres cas, le contrat ou l’engagement peut être à durée indéterminée, sauf dans les situations suivantes :
– sous réserve de l’alinéa ci-dessous, lorsque la réglementation applicable aux agents non titulaires qui ont refusé leur titularisation ou les stipulations du contrat qu’ils avaient souscrit avant ce refus prévoient un recrutement à durée déterminée.
Dans ce cas, lorsque le contrat ou l’engagement de ces agents a été renouvelé au moins une fois depuis le contrat ou l’engagement initial, les intéressés sont réputés être employés pour une durée indéterminée ;
– lorsque le poste confié à un agent non titulaire en application des articles 3 (2e, 3e et 6e alinéa) et 5 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée présente, de par sa nature, un caractère temporaire.
Dans ce cas, le contrat ou l’engagement prévoit la date à laquelle il prendra fin. Si à cette date le contrat ou l’engagement est renouvelé, il est réputé être à durée indéterminée, sauf stipulation ou disposition contraire expresse.
Il fallait bien que cela se complique.
Remarquez tout d’abord le terme peut dans la première phrase : c’est donc une possibilité et non un droit. Ensuite, vous ne pourrez pas prétendre à un contrat à durée indéterminée si vous refusez une titularisation ou si votre contrat prévoit explicitement le contraire, sauf si un renouvellement de contrat est intervenu entretemps. Enfin, pas de CDI non plus si le poste est temporaire sauf si le contrat est renouvelé sans stipulation ou disposition contraire expresse.
Une fois encore, faites donc très attention à la rédaction de vos contrats avant de les signer.
II. Les contrats à durée indéterminée
Au décret n°86-83, somme toute assez lisible, s’ajoute la loi n°2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.
La principale mesure de cette loi concerne l’accès à des contrats à durée indéterminée pour les personnels contractuels de l’État ayant plus de six ans de contrat :
Article 13 I. Lorsque l’agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi ou bénéficie, à cette date, d’un congé, en application des dispositions du décret mentionné à l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de l’article 4 de la même loi.
Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l’agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse et pour une durée indéterminée.
II. Le contrat est, à la date de publication de la présente loi, transformé en contrat à durée indéterminée, si l’agent satisfait, le 1er juin 2004 ou au plus tard au terme de son contrat en cours, aux conditions suivantes :
1° Etre âgé d’au moins cinquante ans ;
2° Etre en fonction ou bénéficier d’un congé en application des dispositions du décret mentionné à l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ;
3° Justifier d’une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années ;
4° Occuper un emploi en application de l’article 4 ou du premier alinéa de l’article 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, dans les services de l’État ou de ses établissements publics administratifs.
Par conséquent, à la date du 26 juillet 2005, date de publication de la loi :
· Tout CDD renouvelé d’un contractuel en fonction depuis plus de six ans a du l’être sous la forme d’un C.D.I.. Mais attention, la loi ne donne aucun droit au renouvellement du contrat à l’issue de ces six ans, ce dont certains contractuels ont fait l’amère expérience.
· Tout CDD d’un agent non titulaire âgé de cinquante ans ou plus, ayant six ans de contrat ou plus et occupant, un emploi pour lequel il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes, un emploi du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, ou un emploi dont les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet d’une durée n’excédant pas 70 % d’un service à temps complet, a été, normalement, transformé en Contrat à Durée Indéterminée.
Dans ce dernier cas, les conditions cumulatives des cinquante ans et des six ans au cours des huit dernières années étaient à remplir avant la fin du contrat en cours.
Vous noterez qu’en application du dernier alinéa de l’article 12 de cette loi, les contractuels de GRETA, de CFA et les contractuels des missions d’insertions ne pouvaient, en principe, pas bénéficier d’un Contrat à Durée Indéterminée puisqu’ils œuvrent dans des programmes de formation, d’insertion, de reconversion professionnelles ou de formation professionnelle d’apprentissage. Mais cette disposition à parfois été oubliée…
Depuis le décret n°2007-338 du 12 mars 2007, cette possibilité de conclure un CDI est étendue aux contrats initialement conclus sur la base de l’article 6 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 (voir en ce sens l’article 6 et 7 du décret n°86-83).
Mais l’application de ce décret aux contrats conclu pour une durée de dix mois va indéniablement poser problème puisque, conclus de septembre à juin, ils n’ont, de fait, aucune continuité entre eux.
Or, la continuité des contrats est, en principe, une condition indispensable à l’obtention d’un CDI, même si cette condition est, parfois, appliquée avec bienveillance par l’administration.
Espérons que cela sera toujours le cas avec la loi à venir.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
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