A St-Etienne, quand on parle
du
lycée professionnel Mimard, on parle de “la
Prof”,
et ceux qui y sont passés dans les décennies
précédentes sont encore fiers de leur formation.
C’est là que se l’association
“Éducation & Devenir” tenait ses
journées
annuelles dont le titre est clair : “le service public, une
mission à partager. Menu copieux, d’autant plus
que
l’ambition n’est pas mince : “il ne
s’agit pas
de promouvoir la défense du service public tel
qu’il
est”, précise Claude Rebaud, président
de
l’association, mais d’être à
la fois
“prospectif et réaliste, en dégageant
des pistes de
progrès et d’innovation pour
l’avenir”…
Si les débats du premier jour ont permis de mesurer les
différences d’approche entre Bernard Toulemonde ou
Claude
Lelièvre, ceux du deuxième vont montrer que des
grands
principes aux difficultés concrètes des
établissements, les plaidoyers vertueux ne suffisent pas
toujours à appréhender les complexités
du
réel.
Choukri Ben Ayed :
“qu’est-ce qu’une école
démocratique ?”
Quel
peut être le rôle des chercheurs face à
la crise que
traverse l’École ? Quel est le patrimoine commun
qui fasse
référence et qui permette de construire un projet
politique commun ? Quelle est l’ampleur des mobilisations
autour
de l’école ? Les avis peuvent diverger, mais
Choukri Ben
Ayed constate l’émergence des collectifs qui
tentent de
venir “au secours” de l’École
primaire, par
l’appel de Bobigny ou l’appel des 50 chercheurs
à
construire une école démocratique.
Présentant le
contenu du récent ouvrage qu’il a
coordonné, “L’Ecole
démocratique, vers un renoncement politique ?”,
il précise l’intention des auteurs : “Nous
n’avons pas cherché à faire un
manifeste radical,
nous avons essayé de saisir ce qui, dans les
réformes en
cours, se joue réellement. Chaque mois voit se
succéder
de nouvelles réformes, dont la
généralisation des
CLAIR est le dernier avatar, comme la préparation de la
carte
scolaire annonce des coupes claires dans toutes les
filières.”
La réduction de la
scolarisation
des jeunes enfants, la remise en cause des mouvements
d’éducation populaire, le traitement
sécuritaire de
la violence à l’École,
l’empilement des
dispositifs de traitement de la difficulté scolaire, le
développement du soutien scolaire privé, la
réforme de la carte scolaire lui semblent autant
d’éléments qui contribuent à
une crise
d’un genre nouveau : si les crises
précédentes
étaient liées au décalage entre les
objectifs
politiques de démocratisation et les gains réels
observés dans la réussite des
élèves, celle
d’aujourd’hui est pour M. Ben Ayed la trace du
renoncement
à construire l’école
démocratique. “On
change réellement la donne, la méritocratie
scolaire est
au centre de la doxa politique, la rhétorique de
l’excellence, l’appel à
l’individualisation
construit une école du chacun pour soi, en fonction de ses
présumées capacités. C’est
une rupture
réelle de projet politique, un idéal qui
disparaît”.
Mais après avoir fait
ce constat,
le sociologue constate qu’on manque de définition
réelle de ce qu’est une école
démocratique,
“au-delà de nos intuitions”.
Il constate que
le projet de Condorcet n’a jamais éclos dans
l’école de Jules Ferry. Dans la salle, Claude
Lelièvre opine… Choukri Ben Ayed propose donc un
quasi-programme pour une alternative politique sur
l’École, constatant le “vide
des propositions alternatives, marquées par les compromis et
l’accompagnement des
inégalités” :
–
Une
école qui réduise les
inégalités sociales et de genre.
Si on ne sait pas vraiment ce qu’est
l’égalité, on peut objectiver les
phénomènes inégalitaires, notamment
dans
l’accès à l’enseignement
secondaire et dans
les dotations territoriales. “Nous savons notamment que la
suppression de la carte scolaire renforce ces
inégalités”
–
Une école qui favorise
l’émancipation des individus et
l’autonomie de pensée.
Truisme, banalité ? Derrière la fonction
d’insertion sociale de l’École, qui
renforce la
compétition interindividuelle, ne perd-on plus la boussole
du
savoir désintéressé ?
“L’insertion
professionnelle ne suffit pas à faire
société”.
–
Une école humaniste,
progressiste, adossée au principe de l’éducabilité
de tous, qui ne réduit pas
l’expérience scolaire à celle de la
souffrance et de la disqualification.
–
Une école non
inféodée à
l’impérialisme économique,
qui ne considère pas les citoyens comme de simples
consommateurs
d’école. A chaque fois qu’on renforce la
pression
utilitariste, on se rend compte que ça ne suffit
même pas
à faire progresser dans les classements
internationaux… “Le
shème du consommateur d’école est un
mythe que
tente d’imposer le pouvoir pour faire passer sa vision du
rapport
des familles à l’École, mais nous
savons que ce
n’est pas ce que cherchent réellement les
familles…”
–
Une école qui
remette au cœur l’apprentissage, la culture et la
connaissance,
à la place de l’obsession permanente des
classements et de
la concurrence, comme le montre Elisabeth Bautier. “Le
brouillage
est attendus pédagogiques et l’invasion des
compétences n’aident pas les
élèves à
s’y retrouver, et on cherche à mettre la charrue
avant les
boeufs, en s’occupant d’abord de
l’évaluation
avant de se pencher sur la manière dont les
élèves
apprennent, comme si les établissements étaient
des
unités de production…”. Dans la salle,
on grince :
nombre des présents ne partagent pas cette
dernière
idée…
–
Une école qui
défend les intérêts collectifs
et non la maximisation des intérêts
privés. “Selon
qu’on considère que l’école
est
l’affaire de tous, ou l’affaire de chacun, on
change son
rôle : gare de triage de la distinction, comme disait
Bourdieu,
ou outil pour faire ensemble société ? Au risque
d’apparaître naïf, le modèle de
l’école détermine le modèle
social…
L’École n’est pas ce qui permet de se
séparer, mais de vivre ensemble. Lorsque le pouvoir actuel
veut
passer du collège unique au collège pour chacun,
il nous
invite à quel horizon ?”
Il invite la salle
à discuter ces principes, et à populariser un
débat public sur ces questions.
Réagissant
à ces propos, Jean Claude Emin se déclare
“impressionné”
lorsqu’il constate que Bernard Charlot, qui refusait il y a
vingt
ans de “tirer les leçons” de ses
recherches pour
donner des conseils aux politiques, a aujourd’hui
accepté
de préfacer un ouvrage de chercheurs qui interpellent le
politique. Lorsque le ministre communique sur les résultats
de
PISA, explique Emin, il peut à la fois présenter
les
vrais résultats (ce qui est assez nouveau) et
déclarer
que la politique qu’il mène est
déjà la
réponse aux questions posées au
système
éducatif français, ce qui revient à
refuser de
questionner la direction prise. “L’Education
est une instance particulière, qui ne superpose pas aux
transports publics… “L’utopie
réaliste”, c’est de s’attaquer
aux
inégalités, ce qui implique d’abord de
les
connaître. “Faire Nation”, comme dit C.
Lelièvre, “n’est pas la même
chose que
“faire société”.
A creuser…
Justement, Claude
Lelièvre est le premier à réagir :
“Le lien entre
les chercheurs et les politiques n’est pas
récent”.
En 1996, l’appel à “défendre
et transformer
l’école pour tous” était un
appel de
chercheurs : avec Bautier, Rochex, Joshua, il avait lancé un
appel signé par des centaines de chercheurs, ce qui a
donné un colloque passionnant à Marseille. Il
rappelle
aussi que la méritocratie scolaire n’est pas non
plus une
nouveauté.
“La
nouveauté n’est pas qu’on
évalue les
élèves, mais qu’on évalue
les enseignants et
les établissements…”.
Le recteur Bouvier
déplore le fait que les syndicats
“n’aient plus de
projet”. Philippe Watrelot (Cahiers Pédagogiques)
ne se
retrouve pas dans la critique faite du Socle Commun et des
compétences : “il
faut
à la fois résister et proposer. Les
compétences ne
sont que les connaissances en action”.
Arnold Bach (Ligue de l’Enseignement) note le risque de
concurrence entre plusieurs appels qui risquent de restaurer
d’antiques clivages dans la gauche. “On
ne peut pas faire comme s’ils avaient totalement disparu, y
compris au sein des organisations. Comment parvenir à des
synthèses mobilisatrices et ne pas rester dans les
injonctions
de ce qu’il faudrait faire ?”.
Quel
serait le projet politique qui mobiliserait les enseignants pour un
projet alternatif pour l’École
démocratique ? Il faudrait poursuivre les
confrontations sans craindre les controverses…
Choukri Ben Ayed conteste le
fait qu’on juge le propos de son ouvrage
“militant” : “Sommes-nous
des chercheurs engagés ? Bourdieu disait qu’on
reprocherait aux sismologues de ne pas informer la population des
risques d’un tremblement de terre imminent… Nous
sommes un
peu des sismologues sociaux…”.
“Mais
le discours du sismologue doit être repris par le politique
pour
organiser concrètement ce qu’il y a à
faire” conclut Jean-Claude Emin. Ce
n’est pas en développant seulement
l’évaluation qu’on résout
quoi que ce soit
aux problèmes. C’est davantage un outil du
libéralisme qu’on outil de
pédagogue”,
déplore-t-il même s’il invite
à ne pas jeter
l’évaluation avec le bain du
libéralisme…
Philippe Joutard : La maison des
savoirs et de la formation tout au long de la vie ?
Invité par les
organisateurs à dessiner les contours d’un nouvel
établissement d’enseignement, Philippe Joutard entend
jouer la prospective à partir de l’existant.
Lorsqu’il était recteur, explique-t-il, il avait
déjà proposé que les petits
établissements
menacés de réduction de moyens puissent avoir
d’autres missions culturelles, à la fois pour
“rentabiliser” la dépense et
améliorer les
résultats des élèves.
“Depuis
longtemps, il existe dans les écoles des
bibliothèques
scolaires ouvertes au public, des résidences
d’artistes en
lycée agricole, pionniers en matière de rapport
au
territoire. Le concept de l’école ouverte date de
1991,
sans pour autant qu’il progresse beaucoup”.
En vrac,
il cite les informations recueillies sur Eduscol qui voit dans cette
modalité un moyen de réduire le
décrochage des
élèves du primaire à
l’entrée au
collège, de “s’ouvrir vers
l’extérieur”, de modifier le regard
porté par
les élèves sur leur établissement, de
développer
“l’égalité des
chances”…
Visant tous les publics,
établissant un lien entre la formation initiale et la
formation continuée, “toujours
évoqué, jamais
réalisé”,
l’établissement formateur est pour lui une
nécessité économique, et une formation
initiale
qui ne prépare pas les jeunes à construire le
besoin de
formation continue échoue à une part de sa
mission,
puisque le savoir est “toujours
en construction, jamais achevé…”
Marie-Chantal Génemaux (Ligue de
l’enseignement)
est censée réagir. Seule femme à la
tribune, elle
le fait d’abord en pestant contre le retard qui limite son
temps
de parole. Même si elle donne quitus à la salle
qui
proteste contre les réductions de moyens
constatés par
ceux qui sont engagés dans l’école
ouverte, elle
appelle à l’alternance d’un projet
politique qui
puisse ouvrir l’établissement scolaires aux
ressources et
à la production culturelle, en s’appuyant sur les
“compétences énormes” des
enseignants et sur
les bâtiments disponibles, pour que
l’établissement
devienne un lieu de “maillage social”, y compris
pour les
parents les plus éloignés de
l’école, avec
des lieux d’accompagnement ou de remise à niveau
des
connaissances.
“C’est un
moteur de projet collectif et solidaire pour les
élèves
et les adultes, pour que les établissements aillent
à la
rencontre du monde”. Le plaidoyer devient
vibrant… Mais la pause approche…
Services publics et espaces publics : un espace de collaboration ente
le public et le privé.
Un
architecte dans un colloque d’Éducation &
Devenir… L’occasion était trop belle.
Les
importants mouvements d’urbanisme en cours dans la ville de
Saint-Étienne sont un beau cas d’école
pour
chercher à comprendre comment la géographie peut
avoir un
impact sur les services publics.
M. Pigeon,
adjoint à
l’Urbanisme de la Ville, présente avec un cabinet
d’urbanisme comment la mairie réaménage
le
“cœur de ville”. Marc Bigarnet,
architecte, ne craint pas de filer les métaphores :
“L’organisation
de la ville n’est que le résultat de nos
représentations et de nos actions sur le
vivre-ensemble”.
L’agora et la rue sont au cœur d’une
collaboration
entre le politique, qui prescrit, et le privé qui met en
œuvre, construit, achète et vend.
L’architecte fait
à la place et pour les autres, comme
l’écrivain ou
le boulanger. Il doit interpréter la commande publique et
faire
des liens entre des questions complexes. Il est “expression
de la
culture”, pour reprendre l’expression inscrite dans
la loi
de 1977 sur l’architecture.
L’orateur
prend l’exemple du trait qui, selon les cas,
sépare et
réunit, clot ou partage, mêle l’histoire
et la
géographie, l’intime et le public. “La
vraie question est comment vivre ensemble, comme le peignait
déjà Bruegel dans sa peinture des jeux
d’enfants ».
Pour lui, aujourd’hui, la manière de vivre en
commun est
plutôt de séparer, comme le fait le tableau de
Mondrian
qu’il projète, que ce soit pour les voies de transport ou le
logement, alors que l’impressionnisme
invite à
créer la couleur du mélange des pigments. « Une
ville, c’est d’abord des voies et des espaces
dédiés, qu’on hérite de
l’histoire,
mais qu’on doit réorganiser au service
d’un projet
humain.”
Saint-Étienne est
une des villes de
France qui est le plus en transformation, tant pour
l’accès à la mobilité,
l’économie et l’environnement. Comme
dans
d’autres villes, les “zones de
rencontres” à
vitesse limitée permettent aux piétons, cyclistes
et
voitures de cohabiter. Comme ailleurs, chaque place à une
fonction particulière dans l’espace public, comme
les
pièces dans une maison : commerce, centre historique,
transversales, alentours et reliefs. Aujourd’hui, pour
retrouver
un contact direct avec le sol, refaire une place à la nature
dans la ville, l’ambition de l’équipe est
d’organiser un sol qui va permettre d’accueillir
les usages
humains les plus partagés possible, tout en y superposant du
mobilier urbain emblématique de la culture
stéphanoise du
métal,
“sans aseptiser
l’histoire. Tout doit être prétexte pour
mettre en
valeur le territoire, son économie et ses savoir-faire ».
Le responsable municipal
reprend la parole : “nous
avions dans notre projet de campagne la mise en œuvre des
concepts liés au développement durable.
L’année de notre élection, 2008, est
celle de
l’arrivée de la crise durable, qui ne va pas
cesser dans
les mois à venir, mais aussi celle de la prise de conscience
de
la crise écologique. Les deux ne sont pas dissociables, et
toute
politique qui ne prendrait pas en charge les deux aspects du
problème serait vouée à
l’échec. La
ville est un objet fondamentalement écologique, car
lorsqu’elle est socialement attractive, la densification
permet
de réduire les déplacements et
l’émission de
CO2, mais aussi de replacer l’homme au cœur de nos
préoccupations.”
Comment faire profiter
l’économie locale de la manne publique induite par
ces transformations de la ville ?
La question reste entière et demanderait
l’évolution des règles nationales et
internationales de conclusion des marchés publics, trop
libérales, qui font trop souvent la place au
“moins-disant”, même s’il faut
importer les
matériaux de l’autre bout du monde…
A la question de la salle sur les difficultés
liées
à non-mixité sociale, l’élu
insiste sur la
volonté, dans la rénovation urbaine, que chaque
quartier
rénové ait sa part de logement social, pour ne
pas
devenir un nouveau ghetto. “Nous
développons aussi des services publics attractifs dans tous
les
quartiers, comme Lille le fait depuis longtemps. Cela aide tous les
citoyens à se déplacer aussi dans les quartiers
populaires et aider aux mixités”.
Même si les
enquêtes de Choukri Ben Ayed ont montré que la
tradition
stéphanoise aidait à la réussite
scolaire
grâce à la mixité sociale des
populations,
“tout n’est pas rose à
St-Etienne”
conclut l’élu par une boutade presque
involontaire. Sans
doute ces collègues de la métropole environnantes
poseraient eux aussi quelques bémols.
Mais en
entendant l’architecte filer les métaphores sur les
jardiniers
en difficulté professionnelle lorsqu’on leur demande de ne
plus
seulement faire pousser les belles plantations, mais de soigner aussi
les herbes folles, on ne peut éviter de faire
le
parallèle avec toutes les transformations en cours dans les
métiers de l’enseignement ou des services publics.
Dépasser les juxtapositions de logiques, respecter chaque
acteur, ne pas demander à ceux qui mettent en
œuvre les
projets de rester de simples exécutants, mais profiter de
leur
savoir-faire pour gagner en transversalité et en
efficacité, un beau projet pour
l’éducation aussi ?
Atelier « syndicalisme »…
Afin
de
susciter les échanges directs des participants, plusieurs
ateliers sont organisés en parallèle. L’un d’eux
entend
traiter un serpent de mer : quel rôle jouent les syndicats
d’enseignants dans les grands débats de ce type ?
Si tous
les syndicats d’enseignants sont attachés
à la
notion de service public, tous n’ont pas la même
manière d’envisager les réformes :
décentralisation, individualisation,
démocratisation sont
des notions que les uns et les autres peuvent diversement analyser.
Comment se positionnent-ils, réagissent-ils aux
réformes,
varient dans leurs discours ?
Pour Jean-Yves Seguy,
chargé de cours à Lyon 2, le syndicalisme
enseignant ne
se centre pas exclusivement sur la défense corporatiste,
mais
entend avoir une réflexion sur les enjeux professionnels.
S’il est en perte de vitesse au point de vue syndicalisation
(environ 25% du corps), sa représentativité est
largement
supérieure à ce qu’elle est dans
d’autres
secteurs. Du SNALC à Sud-Education, tous promeuvent le
service
public comme garant de l’égalité, au
moins dans les
discours.
Dans la mise en place de la LOLF
et de la RGPP,
présentés par les pouvoirs publics comme un outil
“de modernisation”, c’est à
dire permettant de
dégager des moyens pour faire “mieux et moins
cher”,
la réforme de l’Ecole ou du lycée,
l’accompagnement personnalisé sont des axes
présentés par les pouvoirs publics comme
efficaces. Mais
face à la diminution des postes, les syndicats pensent que
“moins de service public”, c’est remettre
en cause la
fonction même du service public, avec en point de mire la
réforme des statuts et la précarisation des
personnels.
Cependant, dans
l’analyse de certains dispositifs, on voit des
réactions syndicales différentes
: certains déplorent les principes même des
réformes, d’autres l’insuffisance de
moyen dans leur
mise en oeuvre. Certains centrent leur propos sur la défense
des
savoirs, d’autres sur l’insertion professionnelle.
Certains
entrent dans la confrontation frontale quand d’autres veulent
davantage négocier. Certains cherchent les
cohérences
entre le projet général et les
réformes
concrètes, quand d’autres cherchent dans la mise
en oeuvre
concrète des réformes des marges de manoeuvre.
“Il
existe aussi des points de divergences sur le statut des
établissements, notamment dans le premier
degré”
précise un membre de l’atelier. Qand un syndicat
questionne la pratique pédagogique, ne rique-il pas dans le
même temps aux conditions de travail des enseignants, quand
les
intérêts des enseignants ne coincident pas
exactement avec
les intérêts des élèves ou
des parents ? “Entre
la logique de statut qui définit le métier
exclusivement
par un horaire d’enseignement, et la logique de projet qui
implique de nouvelles tâches dans
l’établissement,
la tension pour les syndicats peut être
grande…”. “Quand
on repère les pour et les contre, l’arc du refus
peut
largement dépasser les clivages idéologiques
tradtionnels”, poursuit P. Watrelot. “Il
faut faire l’hypothèse que les
identités
construites autour de certaines représentations de
l’Ecole
peuvent être aussi généreuses que
contradictoires.
L’égalité peut conduire à
l’égalitarisme, au refus des marges de manoeuvres
du
local”.
“Ce
n’est pas parce qu’une politique globale de moyens
est
contestable, que toute réforme de structure est
négative.
Il ne faut pas globaliser la critique et cultiver le
“niet” complète un membre
de l’atelier. “Il
faut ne pas mélanger les grandes déclarations de
principes et les arrangements locaux qui peuvent être faits
par
les responsables locaux” reprend Jean-Yves
Séguy. “De
nombreux syndicats font un travail sur les évolutions du
métier. Par exemple, si le SNUipp mène une
réflexion pédagogique approfondie, est-ce que son
travail
va jusqu’à construire un projet
pédagogique
cohérent et écrit ?”.
“Souvent, ce que
refusent les enseignants, c’est l’injonction
extérieure. A trop prescrire, on
empêche les gens d’agir et de penser
ensemble” explique un des participants. “Et
du coup, on dépense une énergie
considérable pour
ne pas avancer beaucoup. Les représentants du personnel ont
parfois une responsabilité dans
l’immobilisme” pense un chef
d’établissement. “On
assiste aussi à une professionnalisation du travail des
représentants syndicaux, pour pouvoir répondre
à
toutes les demandes techniques, qui peut éloigner des
réalités du terrain, d’autant plus que
les
réseaux syndicaux locaux sont beaucoup plus diffus”
poursuit un proviseur vie scolaire. “Dans
le système éducatif, à chaque fois
qu’on a
une difficulté, on crée un corps
spécifique, comme
on le fait avec les CPE ou les assistants
d’éducation, on
divise l’enfant en de multiples regards différents
sur sa
difficulté, on crée des corporatismes.
Où sont les
espaces de travail collaboratifs entre professionnels, ou entre
élèves ? Apprendre, c’est
d’abord une
activité, pour les adultes comme pour les enfants.”