Secrétaire général du Se-Unsa, Christian Chevalier répond à nos questions sur le nouveau dispositif ECLAIR appelé à remplacer les Réseaux Ambition Réussite (RAR) qui représentent le coeur de la politique d’éducation prioritaire.
Que redoutez-vous du nouveau dispositif Eclair ?
Il y a d’abord la façon dont il se met en place, une question de forme. On est surpris par une annonce qui est faite sans concertation, qui ignore aussi les conseils d’administration des établissements. Il y aussi des questions de fond. Les RAR vont disparaître à la prochaine rentrée avec la mise en place des nouveaux Eclair. Or il y a eu un rapport de l’Inspection générale, un autre de la Dgesco (direction de l’enseignement scolaire du ministère) sur les RAR qui tous deux montrent que le dispositif a des qualités, qu’il fonctionne. Alors pourquoi le faire disparaître ? Le dispositif Eclair a été imaginé durant les Etats généraux de la sécurité à l’Ecole. Il a une finalité sécuritaire. C’est un glissement du prioritaire vers le sécuritaire.
Enfin les problèmes de fond demeurent. Ceux liés au recrutement du personnel. On nous dit que les directeurs d’école ne participeront pas au recrutement dans le primaire. Le fait est qu’ils n’en ont pas la capacité juridique. Mais rien ne nous dit que le recrutement ne sera pas fait par les inspecteurs (IEN). Apparemment la question est toujours à l’ordre du jour.
Pensez-vous qu’il y aura réellement beaucoup de volontaires pour ces établissements ?
Il y a des enseignants très engagés dans ces réseaux. Mais le problème est plus global. Il y a déjà la question des gens en place. La circulaire Clair est inquiétante : on ne pourra pas les chasser mais on pourra les pousser vers la sortie. Surtout on demande aux enseignants d’adhérer à un projet qui est celui du seul chef d’établissement. On est évidemment pas contre que des équipes construisent des projets en fonction d’un terrain qu’elles connaissent très bien. Mais ce n’est pas ce que prévoit Clair. Il parle du projet du chef d’établissement même , par exemple, si celui-ci vient d’arriver.
Qu’est ce qui pourrait changer dans les réseaux Eclair ?
Il y a la question des moyens particuliers. Dans ces établissements il y a des personnels en nombre plus important. Pour le moment les moyens supplémentaires annoncés sont peu nombreux. La carotte indemnitaire qui a été annoncée, les indemnités d’intérêt collectif, sont eux aussi attribués par le seul chef d’établissement. On peut craindre que ce soit un excellent moyen pour désengager les équipes de terrain…
Que faudrait-il faire dans ces zones d’éducation prioritaire ?
Leur existence est liée au développement de ghettos urbains. Il faut donc agir déjà à ce niveau avec une politique de la ville. Or la suppression de la carte scolaire a nettement aggravé la ghettoïsation des établissements comme le montre l’enquête du Snpden. En attendant que la politique de la ville agisse, il faut mettre le paquet sur ces établissements.
Au Se-Unsa on pense qu’il faut une politique d’établissement, avec un projet, des moyens financiers, de formation et pédagogiques. On est pas hostile à une autonomie encadrée des établissements. Mais ces projets d’établissement ne doivent pas venir du chef d’établissement mais des équipes.
Sur le fond notre désaccord avec le dispositif Eclair c’est qu’il est un ballon d’essai vers une gestion libérale des établissements avec une autonomie accrue des établissements, une forme de gestion autorégulée. Pour nous ce n’est pas au système à s’autoréguler mais c’est à l’Etat de le faire. Sinon on assistera à la montée des inégalités.
Christian Chevalier
Entretien François Jarraud