Par Jeanne-Claire Fumet
Le Salon du BETT recevait cette année encore à Londres plus de 600 exposants, à partir du mercredi 12 janvier 2011 : les solutions numériques éducatives, tableaux numériques interactifs, espaces numériques de travail, baladeurs numériques, tables d’activité, se disputaient la vedette sur les stands porteurs des plus grands noms de la technologie comme des plus modestes concepteurs. Les restrictions imposées par le nouveau gouvernement auront peut-être un effet mais, pour le moment, les entreprises sont restées fidèles au plus grand rendez-vous international des TICE. Invités par la société canadienne SMART Technologies à découvrir ses dernières innovations, nous avons pu constater l’âpre concurrence qui règne dans un secteur où l’uniformisation des produits oblige à beaucoup d’imagination dans la conquête de marchés encore largement ouverts.
La jeune société canadienne SMART, pionnière sur le marché des tableaux blancs numériques avec son premier modèle de tableau interactif tactile conçu en 1986 et commercialisé en 1991, ambitionne de s’implanter sur le marché français. Présenté par Nancy Knowlton, co-fondatrice de SMART, le dernier né de la gamme « 800 » présente une version sophistiquée de la technologie « Digital Vision Touch » qui permet à l’aide de capteurs intégrés dans le tableau d’écrire sur la surface avec un doigt, un crayon ou n’importe quel objet neutre. Le tableau peut accueillir deux acteurs différents sur des fonctions distinctes ; il donne accès à un système de bibliothèque dont les contenus peuvent être personnalisés, complétés et échangés à volonté. L’interactivité est décuplée et permet de produire virtuellement une dissection progressive de grenouille ou l’analyse critique d’une œuvre d’art.
Quelle différence avec la concurrence ? Bertrand Lohézic, directeur du développement chez SMART, en fait la démonstration : l’outil est ludique, son utilisation plutôt intuitive et ses fonctionnalités séduisantes. Les principaux atouts : piloter librement l’image, écrire sur l’écran et enregistrer les apports. Plus difficile de définir les différences avec son principal concurrent, l’anglais Promethean : SMART insiste sur l’avantage d’un stylet non technologique, et d’une large gamme de modèles évolutifs. A l’étude, le développement de capteurs externes pour ajouter une dimension d’interactivité supplémentaire ; en prévision aussi, le développement de tablettes numériques pour les élèves, avec un outil de supervision central pour l’enseignant. Un système de vote par boîtier, pour une évaluation en temps réel, existe déjà pour les classes équipées en mode PC et devrait se développer. Le budget d’un équipement complet en gamme 800 s’élève à 4000€ minimum pour une salle de classe .
Un enjeu crucial : celui des contenus
Un prix élevé pour une technologie fascinante, mais dont l’intérêt réside essentiellement dans la richesse des contenus : les cours fournis par les enseignants. Les concepteurs de produits technologiques l’ont bien compris : ils se tournent vers les éditeurs scolaires pour mettre au point des ressources conformes aux programmes scolaires. La formation des utilisateurs constitue l’autre point délicat : fournie avec le produit, elle s’adresse pour le moment à des enseignants référents, dans les CRDP ou CDDP, chargés de transmettre les rudiments aux enseignants sur le terrain. La France n’est pas très bonne cliente pour ses produits, et l’investissement formation pèse lourd pour de maigres commandes. Tandis que l’Angleterre affiche un taux d’équipement de ses écoles primaires avoisinant les 70%, à la suite d’un plan d’action gouvernemental, la France n’en compte que 7% (environ 20 000 tableaux numériques). Mais à titre indicatif, il a suffi d’un an à l’Espagne pour passer d’un taux similaire à la celui de la France à un taux similaire à celui de l’Angleterre.
Le « retard » français. Pour Richard Ramos, Directeur Général France de SMART, le retard français s’explique par trois raisons principales : le choix d’équipements bas de gamme qui ont pu décevoir les utilisateurs, le manque de ressources pédagogiques disponibles et l’appropriation du matériel par les enseignants. Question de choix budgétaires, donc, mais aussi de disponibilité pour des enseignants peu attirés par la découverte de ces technologies éducatives. Le plan d’Équipement Numérique Rural a encouragé de petites communes à s’engager dans une voie qui résout les problèmes d’isolement. Mais le véritable enjeu des technologies numériques scolaires, affirme R. Ramos, réside dans les contenus : les logiciels facilitent le transfert, la mutualisation des données et leur déplacement, de l’école à la maison, de l’élève aux parents, des parents à l’enseignant, mais il faut inventer la matière, et peut-être aussi la forme d’esprit, qui rendra ces outils pleinement efficaces.
Pour les petits aussi. Pour les maternelles, encore peu équipées, la Table numérique (SMART Table et produits semblables chez d’autres fabricants) propose des ateliers de manipulation virtuelle de formes et d’images : pouvant accueillir un petit groupe d’enfants autour d’un support de taille adaptée, elle semble particulièrement efficace auprès d’enfants autistes. Ce qui éclaire d’un jour original les vertus de l’apprentissage par les outils numériques : elle offre une médiation entre l’enfant et le monde extérieur, y compris les autres enfants, qui atténue son contact avec la réalité. Si les apprentissages kinesthésiques y perdent, ce peut être le prix d’une amélioration de la socialisation et de l’intégration, pour les plus en difficulté. Le brouillon virtuel, qui ne laisse pas de traces et donne l’illusion d’une maîtrise instantanée, sous l’égide rassurante de technologies impartiales, peut en effet contribuer à surmonter l’angoisse d’échec.
Aide à la lecture et à l’écriture pour les enfants dyslexiques
C’est aussi une aide au handicap que propose la société Jabbla avec le logiciel Sprint-Plus : mis au point à l’Université de Gand, pour des personnes ne sachant pas parler, le logiciel s’est développé de manière indépendante à destination de personnes souffrant de paralysie ou de sclérose en plaques, avant d’évoluer, à la demande des familles, vers une aide à la lecture et à l’écriture pour les enfants atteints de troubles du langage. Créé il y a 5 ans, le logiciel Sprint est désormais utilisé dans les écoles de Flandres et semble apporter une aide significative dans les cas de dyslexie. Encore peu connu en France, ce logiciel propose une lecture syllabique et phonétique en quatre langues (français, anglais, allemand et espagnol) et peut être être intégré dans un traitement de texte équipé d’un logiciel de prédiction de mots (SKIPPY).
Baladodiffusion pour les langues vivantes.
La société EDU4 présentait à l’occasion du BETT son nouveau système de baladodiffusion permettant de transformer n’importe quelle salle de classe en laboratoire de langues, à l’aide d’un ensemble de baladeurs reliés à un poste central, que l’enseignant peut alimenter et contrôler librement. Partant du principe que l’apprentissage des langues passe par la répétition fréquente des mêmes séquences, la baladodiffusion fournit à l’élève un module d’entraînement mobile et interactif pour l’écoute et l’entraînement à la prononciation. « Nous avons tenu compte des exigences du Ministère de l’Éducation, explique Harold Castro, directeur international d’EDU4. Ce système facilite le travail en atelier, la répartition par groupes de niveaux, la vérification en temps réel par le professeur. Nous avons intégré les exigences du CECRL (cadre européen de référence pour les langues). » L’équipement d’une classe d’une trentaine d’élèves, pour environ 5000€, peut se révéler plus souple et avantageux que l’aménagement complet d’un laboratoire audio. Une solution innovante, mais qui suppose une transformation complète de l’organisation pédagogique du travail de l’enseignant.
à suivre mardi 18 : Visite dans une école numérique
Le Bett :