Par François Jarraud
Attendus impatiemment, les résultats de l’évaluation internationale PISA ont été dévoilés le 7 décembre lors d’une conférence de presse par Bernard Hugonnier, directeur adjoint à l’éducation de l’OCDE, Eric Charbonnier et Sylvie Vayssettes. Ils mettent le doigt sur la plaie principale de l’école française : la montée des inégalités. Ce sont elles qui pèsent sur les résultats globaux qui restent moyens.
Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) évalue les compétences des jeunes de 15 ans dans les domaines de la lecture, des mathématiques et des sciences depuis 2000. L’enquête dirigée par l’OCDE en 2009 couvre une soixantaine de pays dont une trentaine de membres de l’OCDE. Cette croissance du nombre de pays participant montre l’importance que revêt cette étude pour le pilotage des systèmes éducatifs nationaux. Pisa 2009 a encore deux autres particularités importantes. L’enquête a étudié en détail les capacités en lecture des élèves de 15 ans, y compris la lecture sur écran. Enfin un volume est entièrement dédié à l’évolution des systèmes éducatifs depuis PISA 2000. Concernant le système éducatif français, on retiendra quelques traits principaux.
L’école française obtient la moyenne. La France se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE aussi bien en lecture (496), maths (497) que sciences (498). Ces résultats la mettent à égalité avec des pays comme l’Allemagne, la Grande Bretagne, ou encore les Etats-Unis. Si la Finlande reste en haut du tableau, ce sont les pays asiatiques qui cette année emportent la palme. La région de Shanghai (Chine), la Corée du Sud, Hong Kong, Singapour, le Japon prennent les meilleures places. Le modèle éducatif asiatique semble ainsi le plus performant alors même que certaines de ces régions ne font pas partie des pays les plus développés. 2009 enregistre les progrès de certains pays comme l’Allemagne, le Brésil, le Portugal ou la Pologne. Inversement des pays régressent comme l’Irlande ou la République tchèque. La France stagne à un niveau moyen, sauf en maths où elle perd presque 20 points.
Il faut inciter les élèves à lire ! L’étude PISA montre que les élèves qui lisent réussissent mieux. Quoiqu’ils lisent. La lecture sur ordinateur a elle aussi un impact positif. PISA montre l’impact déterminant de la fréquence de la lecture sur la réussite scolaire. Celui qui lit 30 minutes par jour est a 510, avec 2 heures il est à 550 alors que celui qui ne lit pas est à 450. Entre le lecteur et le non lecteur l’écart peut atteindre 100 points soit près de 3 années d’école ! Or on retrouve en lecture également l’écart entre les milieux sociaux. L’étude montre aussi que le plaisir de lire est un élément déterminant.
La France face à ses inégalités scolaires… L’école française se singularise par de fortes inégalités. En lecture, la France fait partie avec Israël, la Belgique et l’Autriche, des pays où l’écart est le plus fort entre les élèves les plus forts et les plus faibles. La part des élèves faibles en lecture dépasse la moyenne OCDE. 20% des élèves sont en échec scolaire c’est à dire au niveau 1 (le plus faible) dont 8% au niveau 1b et en dessous. C’est plus que la moyenne de l’OCDE qui se tient à 6% aux niveaux 1b et en dessous. C’est la même chose aux niveaux les plus élevés : 9,5% sont aux niveaux 5 et 6 (contre 8% pour l’OCDE).
Et sociales…. Ce « grand écart » se retrouve également en maths. Socialement, les résultats des élèves favorisés sont supérieurs de 50 points à ceux des élèves défavorisés : cela représente plus d’une année d’école !
Et ethniques… Une autre inégalité saute à la figure : l’écart entre les jeunes d’origine étrangère et les autres. Les immigrants de première génération sont à environ 420 en lecture, ceux de seconde génération à 448 et les autochtones à 502. 420 c’est à peu près la Thaïlande ou Trinidad. 448 renvoie au Chili et 502 la Norvège. Comme si l’Ecole française abritait trois systèmes éducatifs différents ! L’écart entre les immigrés de première génération et les autochtones représente deux années d’études. L’écart demeure entre ceux de seconde génération et les autochtones. Il représente encore l’équivalent d’une année d’école ! Tout se passe comme si l’école n’avait aucun effet et était incapable de faire réussir les élèves issus de l’immigration. Ceux ci ont deux fois plus de chances d’être en échec scolaire que les élèves autochtones.
Et de genre. L’écart entre filles et garçons représente près de 40 points en lecture c’est à dire l’équivalent d’une année de classe. Cet écart s’est creusé depuis 2000 où il n’était que de 14 points.
Une évolution inquiétante. Depuis le premier PISA en 2000, la France a légèrement décroché. Quelques pays ont plongé (l’Irlande, la république tchèque). Mais d’autres ont amélioré leurs résultats comme l’Allemagne. PISA montre l’évolution par catégorie d’élève entre les plus faibles (niveaux 1 et 2) et les plus forts (niveaux 5 et 6). De 2000 à 2009, on constate l’augmentation de la proportion d’élèves très faibles (niveaux 1 et 2). Ils sont passés de 15 à 20%. L’école française n’arrive pas à diminuer leur nombre. Bien au contraire la part des élèves les moins performants a doublé (8%). On a là le défi majeur pour les années à venir. Si ce défi est éducatif, il est clair qu’il renvoie aussi à la situation sociale dans le pays.
Un meilleur sentiment d’équité. Quand on regarde ce que les élèves déclarent sur la vie des établissements et les rapports avec les enseignants, on reste partagé. Les élèves trouvent que leurs enseignants ne se soucient pas assez de leur bien-être. En France plus qu’ailleurs ils déclare que les élèves ont du mal à se mettre au travail, qu’il y a du bruit en classe. 73% des élèves de l’OCDE déclarent des cours au démarrage rapide contre seulement 64% en France. Le climat scolaire s’est dégradé depuis 2000. En même temps les élèves pensent pouvoir compter sur leurs enseignants pour les aider davantage en France qu’ailleurs. 88% les trouvent « justes ». C’était 73% seulement en 2000 et ça reste en 2009 valable pour 79% des élèves de l’OCDE.
Les 10 commandements de l’OCDE. L’OCDE ne se limite pas à établir des statistiques. L’étude PISA les analyse et montre ce qui marche. Le rapport fait des recommandations.
– Il faut croire dans l’éducabilité de tous les élèves. Les études PISA montrent qu’on a pas à choisir entre la performance et l’équité du système éducatif. Les pays qui ont les meilleurs résultats sont ceux qui ont le plus d’élites et où l’écart entre les faibles et les forts est le plus faible. La Finlande en est un exemple. Par conséquent l’OCDE est pour l’école unique et le collège unique.
– La société doit reconnaître un statut favorable aux enseignants et aux élèves. Ils doivent être reconnus.
– Il faut fixer des directives claires aux écoles, valables pour tout le territoire. Elles doivent indiquer les connaissances à connaître mais aussi les valeurs à transmettre et les attitudes à acquérir. L’OCDE insiste sur l’efficacité de la discipline.
– Il faut donner aux enseignants une formation académique de haut niveau mais aussi une formation pratique. Sur ce point la France est fautive estime B. Hugonnier. Il faut les former « tout au long de la vie » et une évaluation régulière des enseignants.
– Les chefs d’établissement doivent être des leaders
– les établissements doivent être autonomes y compris dans le curriculum et les modes d’évaluation. Mais il doit y avoir des évaluations nationales fréquentes et l’établissement doit rendre compte de ses résultats. « Quand les résultats sont publics on observe que les résultats montent », estime M Hugonnier.
– Les redoublements sont à proscrire. C4est un des points faible de la France.
– Il faut donc des aides pour les élèves en difficulté. Elles doivent être globales et utiliser le temps familial. Par exemple l’Allemagne a progressé pour avoir mis en place des aides à l’apprentissage de l’allemand pour les immigrés.
– l’enseignement préélémentaire a un impact positif sur le niveau des élèves. En FRance il est même particulièrement positif.
– En période de crise il faut savoir gérer les ressources. Par exemple, pour l’OCDE, il vaut mieux mettre l’argent dans une augmentation de salaire des enseignants que dans la diminution du nombre d’élèves par classe.
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