Gérard Toupiol est au bureau national de la FNAME depuis dix ans, président depuis huit. Damienne Delmon est rentrée en 2003, Pascale Havrez a « fait une apparition », depuis la dernière assemblée générale. Ils vont quitter les instances nationale après ce congrès de La Rochelle. Autour du petit déjeuner, ils ont accepté de faire un retour sur ces années d’investissement bénévole.
Alors, si on jette un regard en arrière sur le chemin parcouru ?
G. Toupiol : Je n’ai pas participé à la création de la FNAME, en 1997, parce que j’étais à l’époque dans un département sans association locale. En 1998, arrivant dans l’Eure, je crée une Association départementale de maîtres E (AME), puis dans le bureau national. Mais à l’époque, quand on se réunissait, c’était dans des tout petis espaces, avec une petite quinzaine de départements représentés. Les budgets étaient minuscules, et chaque déplacement que nous faisions pour animer le travail national était à nos frais. Très rapidement, il a fallu penser à des journées de rencontres et d’échanges, ce qui est une des vocations premières d’une association professionnelle. L’identité du mâitre E était d’une autre nature que celle d’aujourd’hui, la circulaire de 1990 définissait précisément ce que nous avions à faire. On était dans une période de confirmation, à la suite de la loi de 1989, sans menaces de fermetures de postes. En 2003, c’est le premier colloque.
Damienne Delmon : c’est aussi la première recherche avec M. Guillarmé, qui illustre la volonté d’apporter de la réflexion professionnelle. C’est dans ce cadre que je suis rentrée à la FNAME, parce que je cherche des espaces pour continuer à me former, dans la suite de ma formation spécialisée.
Pascale Havrez : l’activité de la FNAME se structure autour de la réflexion interne, pas forcément dans la capacité à organiser des colloques…
G. Toupiol : certes, mais le premier colloque, en 2003, avait rassemblé au-delà de nos espérances : six cents collègues se sont déplacés à Anthony alors que nous avions réservé un amphi de trois cents places… Ca débordait, c’était impressionnant
Damienne : dans les années 2000, tous les nouveaux métiers cherchent à construire leur identité professionnelle. Les rééducateurs ont construit la FNAREN, les psychologues ont plusieurs associations.
Pascale Havrez : nous devenons aussi rapidement le seul lieu institutionnel où on peut réfléchir ensemble. Une fois qu’on est sortis de formation, les offres de formation continue sont maigres.
Quels satisfactions avez-vous sur ce que vous avez fait à la FNAME ?
Gérard Toupiol : nous avons parcouru du chemin sur plusieurs directions, et le cap que nous avons suivi semble aujourd’hui avoir été assez pertinent. Nous avons développé les associations départementales (AME) en donnant un cadre général, et l’attractivité de nos colloques a permis de nourrir la réflexion et de construire l’identité professionnelle. Cela se constate par une reconnaissance institutionnelle de ce que nous faisons, une légitimité par rapport au ministère ou nos partenaires.
Evidemment, 2008 est une fracture, avec la volonté politique de supprimer les réseaux, qui a été aussi un moment fort de regroupement des gens pour la défense des RASED : défenses des personnes, mais aussi défense de l’idée de l’aide spécialisée au sein de l’école et l’éthique de l’aide à la réussite de tous les élèves, et particulièrement pour les élèves de milieux populaires.
Damienne Delmon : ça a mis en relief ce qui nous rassemble. Cette année, nous avions une inquiétude : avec toutes les fermetures de postes qui ont été réalisées, combien allions-nous être ? Nous sommes encore plus de mille, ce qui dit bien la force de ce que nous avons initié pour la construction de l’identité professionnelle, malgré les menaces. On existe, quel que soit l’avenir. Une force collective est perceptible
Pascale Havrez : c’est la force de la réflexion professionnelle : quels que soient les dispositifs et les atteintes, je suis persuadée qu’on peut réussir à maintenir une identité, des orientations de travail.
Damienne Delmon : notre travail collectif nous rend plus lisible. La feuille de route du bureau national est donnée par l’assemblée générale, en prise directe avec les adhérents.
Vous travaillez beaucoup avec des chercheurs des différentes disciplines qui gravitent autour de l’Education ?
Gérard Toupiol : nous avons convaincu, sans grande difficulté, des grands noms de la recherche à venir travailler avec nous. J’y vois un signe de reconnaissance mutuelle, qui signifie aussi leur volonté de participer à l’émergence de cette identité professionnelle, de nourrir sa réflexion.
Un secret que vous allez transmettre à la prochaine équipe de direction, qu’il ne faut pas perdre ?
Damienne Delmon : Le travail de réflexion et de proximité, le temps nécessaire pour que tout le monde s’empare de ce que nous avons à faire, en prenant le temps des digestions successives et en étant en prise avec la réalité. Dans la FNAME, les collègues ont besoin de prendre du temps, de beaucoup parler de ce qu’ils vivent, pour nourrir la réflexion et rebondir, se sentir entendus. Nous avons aussi le souci de ne pas trop spécialiser les fonctions, même si c’est parfois apparemment moins simple.
Gérard Toupiol : si le renouvellement du bureau national est un peu important cette année, je pense qu’il faut le vivre comme inscrit dans des continuités, sans rupture. Nous avons anticipé la suite : le colloque 2012 est déjà en cours de programmation…
Des orientations claires ont été votées à l’unanimité à l’assemblée générale, il y a quelques jours, donc l’équipe de direction a une feuille de route claire pour travailler, en développant le réseau de relation avec les autres associations professionnelles, les syndicats, les fédérations de parents. Depuis 2008, nous avons stabilisé un réseau de 17 organisations qui se réunissent sur des projets communs.
Plus que de défendre un type de structure particulier, nous entendons rester sur le fond de notre mission : contribuer à faire réussir les élèves qui ont besoin de l’Ecole, à la mesure de nos moyens.