Par François Jarraud
Après le succès du mouvement « Pas de 0 de conduite », on croyait en avoir fini avec le projet de fichage systématique des enfants turbulents dès 3 ans. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la Justice, vient de rendre un rapport sur « la prévention de la délinquance des jeunes » qui agglomère tous les fantasmes conservateurs.
Qu’est-ce qui menace la société française ? Les familles monoparentales et la disparition de l’autorité paternelle. Pour JM Bockel c’est la clé de la prévention de la délinquance des jeunes. « Résulte de cette autorité parentale déstabilisée, tant en droit que dans les faits, un phénomène inquiétant de solitude d’un certain nombre de jeunes insécurisés par la faiblesse de la structure familiale », écrit-il. « La délégitimation des familles conduit également à une délégitimation plus globale de l’autorité et par voie de conséquence de l’école, avec pour effet une déscolarisation précoce. L’absence de parentalité réelle et assumée induit, dans l’esprit du mineur, une absence de projet et de possibilité d’inscription dans l’avenir. Se vivant sans parent, le mineur se perçoit sans passé, sans avenir et désinvestit l’école. Sans véritables repères, les sollicitations multiples conduisent à la mise en place de comportements désordonnés et dévalorisés soumis à des injonctions néfastes émanant des aînés, qui s’arrogent l’autorité des parents, ou des groupes inscrits dans la délinquance. » Etc. La disparition de la famille traditionnelle génère tous les maux de la société. POur JM Bockel, il n’y a pas de lien entre la situation sociale, le chômage des jeunes, l’absence d’une politique économique efficace et la délinquance des jeunes…
Tout est psy. Le ministre exige donc « la création d’un réseau partenarial réunissant éducation nationale, centres médico psycho-pédagogiques et services de psychiatrie infantojuvénile. Il est aujourd’hui nécessaire de créer une synergie entre l’ensemble de ces services pour évaluer les besoins par établissement et assurer le suivi des élèves qui présentent des troubles psychologiques voire psychiatriques ». Ainsi on retrouve le projet d’un fichage systématique des enfants dès 3 ans pour détecter les déviants, comme le préconisait le rapport de l’Inserm en 2005. » Cette vulnérabilité pourrait pourtant être repérée chez les petits entre 2 et 3 ans. C’est à ce stade que doit être posé sur l’enfant un regard pluridisciplinaire visant à rechercher s’il existe à ces troubles une cause médicale ou familiale ».
Mais ce n’est là qu’un élément d’un document qui cumule les peurs. Ainsi, pour les migrants, « les migrants doivent être soumis à l’obligation d’apprendre notre langue, le cas échéant avec la possibilité de suspendre les allocations familiales en cas d’évitement de la famille ». En clair, il faut obliger les migrants de parler français et de regarder TF1 chez eux… « La mission considère que les droits sociaux doivent être accordés en contrepartie du devoir d’intégration ». On retrouve là le point commun avec la politique générale de l’UMP : supprimer la notion de droit social, la remplacer par du contrat…
Le rapport
http://www.presse.justice.gouv.fr/archives-communiques-1[…]
Menteurs, voleurs, sécheurs : au cabanon ! (2005)
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2005/09/index230905_Pe[…]
Dépistage des bébés agités : le collectif « Pas de 0 de conduite » dit « non »
Après la remise du rapport de Jean-Marie Bockel, le Collectif Pas de 0 de conduite « engage les autorités à ne pas prendre les bébés et les enfants en otage d’une entreprise politicienne ». « Le collectif Pasde0deconduite demande solennellement au président de la République et au gouvernement d’abandonner définitivement cet amalgame entre les difficultés psychologiques durant l’enfance et la prédiction d’un avenir délinquant, ceci pour trois raisons : cet amalgame ne repose sur aucune preuve scientifique, cet amalgame constitue une véritable dérapage idéologique, cet amalgame est enfin fortement pathogène pour les enfants et leur famille ».
Pas de 0 de conduite
http://www.pasde0deconduite.org
FNAREN : Ne pas confondre dépistage et prévention
Réagissant au rapport Bockel, la Fnaren, qui réunit des enseignants rééducateurs, invite à privilégier la prévention au dépistage. « La logique du dépistage vise à repérer précocement les conduites inadaptées en vue de les traiter », explique la Fnaren. « Cette approche présente des inconvénients : les réponses apportées, parce qu’elles se focalisent sur les conséquences et cherchent à faire disparaître les manifestations de la souffrance sans travailler réellement sur leurs causes, sont inefficaces dans la durée. De plus, elles figent les personnes dans une identité construite sur le sentiment d’incompétence, la mésestime de soi, l’opposition, voire la transgression. Les conduites inadaptées sont alors renforcées ». Or, poursuit la Fnaren, « le respect des règles et la socialisation ne sont pas innés. Ils font l’objet d’apprentissages, étapes normales du développement de l’enfant. La prévention se base sur le postulat d’éducabilité et propose dès le plus jeune âge des dispositifs favorisant ces apprentissages, en lien avec les familles et les professionnels de l’éducation ». C’est justement ce que font les Rased. « Il est devenu urgent aujourd’hui de permettre aux professionnels des RASED de continuer à faire leur travail et d’occuper pleinement leur place dans la prévention des difficultés à l’école, qu’elles soient scolaires ou comportementales. »
La Fnaren
La FCPE réagit au rapport Bockel
« Le rapport de la mission conduite par Jean-Marie Bockel est essentiellement un catalogue des propositions déjà entendues ces dernières années qui visent à leur faire porter aux seuls parents la responsabilité de l’échec scolaire de leurs enfants et à les sanctionner, notamment en suspendant les allocations familiales », écrit la FCPE. » Notamment, la mission observe que c’est entre deux et trois ans « que doit être posé sur l’enfant un regard pluridisciplinaire visant à rechercher s’il existe à ces troubles une cause médicale ou familiale ». La FCPE n’acceptera pas le retour aux propositions du député Jacques-Alain Bénisti de détection précoce des « troubles du comportement ». A quand les maisons de redressement dès la crèche ? »
Sur le site du Café
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