Par François Jarraud
Ouvertes à Lyon le 9 novembre, les Journées de l’économie sont « un événement national grand public de référence en matière de réflexion sur les grandes questions économiques. » Organisées avec de nombreux partenaires (Ministère de l’éducation nationale, Apses, Apceg, Ocde etc.) elles proposent une série de conférences qui permettent d’écouter des acteurs de l’économie et de grands universitaires. De grandes conférences ornent le programme comme celle sur la gouvernance environnementale, avec Alain Ayong Le Kama, Vincent Chriqui, et Michèle Pappalardo, ou celle sur la gouvernance internationale avec François Bourguignon, Michel Camdessus, Roger Guesnerie, Angel Gurria et Christine Lagarde. En prime, cette année, un parcours dédié aux nouveaux enseignements d’exploration de seconde. Sur le thème des clés pour comprendre le monde, il propose des cycles SES « Quels sont les grands enjeux du monde économique ? » et PFEG « PFEG : Face aux nouveaux défis, comment comprendre le monde ? ». Vincent Levrault nous fait bénéficier de ses notes prises durant ces Journées.
Des conférences à la carte
Les JECO proposent un choix riche de conférences, il n’est possible de suivre toutes les conférences. Il faut effectuer des choix. J’ai pour ma part assisté à huit conférences2 pendant ces trois jours. Je reviens ci-dessous sur les différents thèmes abordés et les points importants à retenir de chacune des conférences auxquelles j’ai assisté, voici mes notes…
Les français ont un niveau médiocre en économie, tel est le constat sur lequel s’ouvrent les journées de l’économie 2010 (JECO). La troisième édition des JECO s’est déroulée à Lyon du 9 novembre 2010 au 11 novembre 2010. Une trentaine de conférences ont lieu pendant cette période abordant une grande partie des thèmes de recherche en sciences économiques. Se déroulant dans plusieurs salles de Lyon, de la Bourse du travail, en passant par l’Opéra ou l’Hôtel de ville, les JECO visent à démocratiser les sciences économiques en proposant librement et gratuitement un programme de conférences de qualité, tout en ouvrant ces lieux de Lyon à un public varié.
La séance d’ouverture des JECO, rapporte les résultats d’une enquête sur les connaissances de l’économie par les français. Les français obtiennent 8,3 de moyenne sur 20 à un test dont les questions portaient sur la connaissance qu’ils ont du taux de chômage, du niveau des dépenses publiques, du tissu productif ou encore du système de retraite. Interrogé à ce sujet, Jean-Marc Huart, Inspecteur général de l’éducation nationale explique que le ministère dans l’optique de réconcilier les français avec l’économie avait intégré ces données à la réforme du lycée, en mettant en place un enseignement d’économie en seconde pour tous à hauteur d’1h 30 par semaine (les élèves devant choisir entre SES ou PFEG). Ainsi à la rentrée de septembre 2010, c’est près de 321 000 élèves de seconde qui suivent un enseignement de sciences économiques et sociales (contre environ 150 000 précédemment) ainsi que 83 000 élèves qui ont choisi le nouvel enseignement intitulé « principes fondamentaux de l’économie et de la gestion ».
Michel Camdessus, économiste, administrateur honoraire de la banque de France, semble réjouit de l’initiative du ministère de l’Education nationale, mais ne manquera pas de rappeler quant au test de connaissances en économie des français, que la science économique, tirant son origine étymologique de science du domestique, constitue avant tout un mode de raisonnement, plutôt que des données à connaître.
«Gouvernance internationale » point d’orgue des JECO 2010
A la suite de cette séance d’ouverture, une conférence sur la « gouvernance internationale », en présence de Christine Lagarde, ministre de l’économie, d’Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE et ancien ministre mexicain, Michel Camdessus ancien directeur du FMI, François Bourguignon, ancien économiste en chef de la Banque mondiale et Roger Guesnerie, professeur au Collège de France.
L’actualité rattrapa vite cette conférence, le G20 se déroulant à Séoul le 11 et 12 novembre 2010, Christine Lagarde ne put rester qu’une vingtaine de minutes avant de filer aux réunions préliminaires du G20 à Séoul, tout en prenant le temps de rappeler les principaux enjeux de la gouvernance internationale et le rôle joué par le G20 pendant la crise dans la relance de l’activité économique. La France préside le G20 et le G8 pendant les douze prochains mois. Christine Lagarde souhaite aborder pendant cette période trois sujets qu’elle considère comme primordiaux, concernant le système monétaire international (débat sur les changes), les prix des matières premières, et la gouvernance mondiale (question du statut juridique international pour le G20 par exemple).
Angel Gurria rappelle le rôle important que joue la France dans la coordination internationale, en énumérant les noms de français détenant des positions stratégiques dans les institutions internationales, Pascal Lamy à l’OMC, Dominique Strauss-Khan au FMI, Jean-Claude Trichet à la BCE. A. Gurria n’oublia pas d’insister sur la nécessité de prendre en compte les pays émergents dans les orientations politiques internationales, qui pour lui doivent suivre la règle des trois « C » de la gouvernance internationale : Coordination, coopération et cohérence des politiques.
Michel Camdessus aborde la question de la gouvernance monétaire et financière internationale. Dans les années 1980, nous avons assisté à la financiarisation de l’économie, qui a contribué à enrichir le monde, nous explique-t-il, mais qui ne s’est pas accompagné d’instruments de réglementations de la sphère financière favorisant l’instabilité financière. Il faut, pour lui, arriver à mettre en place des réglementations, un système de surveillance et de contrôle des marchés monétaires et financiers, et créer un véritable prêteur en dernier ressort international, fonctionnant comme une structure centrale mondiale pouvant émettre la liquidité et permettant d’observer l’évolution des liquidités. Pour Michel Camdessus, c’est au FMI de jouer ce rôle, il faut donc lui donner les moyens de jouer ce rôle, lui donner la pleine légitimité.
François Bourguignon expose le rôle de la Banque mondiale et le problème de l’aide au développement. La Banque mondiale collecte des moyens, effectuent des prêts aux pays en développement à des taux avantageux, et fournit une assistance technique à ces pays. François Bourguignon pense qu’il faut arriver à améliorer ce circuit de financement et observe le retour d’un désordre dans l’aide au développement.
Roger Guesnerie apporte un regard extérieur au débat sur la gouvernance internationale. La gouvernance pour lui désigne l’existence d’un gouvernement là où il n’y a pas de nations. Il constate que les marchés ont dépassé les frontières des Etats Nation, ce qui justifie l’existence d’organisations internationales en mesure d’organiser et de réglementer ces marchés mondiaux (OMC,FMI, OMS). Roger Guesnerie, effectue un bilan critique du mode de gouvernance (rayons d’action des organisations qui s’entrecroisent, absence de contrôle démocratique directe, définition vague des mandats des organisations internationales, problème de fonds sur l’autonomie des organisations) tout en rappelant la nécessité de préserver les Etats-nation comme niveau légitime de la redistribution et des solidarités.
Chômage en Europe, une autre divergence
La crise économique a touché l’ensemble des pays européens, entraînant un recul du PIB dans ces pays entre 2007 et 2009, en revanche l’impact sur l’emploi diverge fortement d’un pays à l’autre. Des études comparatives permettent d’en tirer certaines leçons (cf. étude du BIT sur les pays européens, étude OFCE sur le cas allemand, rapport du CAE, sur le chomage en France).
Le taux de chomage a augmenté sur cette période dans l’ensemble des pays européens, allant de + 2 points de % (France, Allemagne) à environ + 10 points de % (Lituanie, Estonie, Espagne). Ces divergences s’expliquent par l’ampleur de la crise selon les pays, mais également par des politiques spécifiques pour soutenir l’emploi et par des modèles différents de marché du travail (mode d’ajustement interne ou externe). En Espagne, par exemple 1/3 des emplois sont des contrats temporaires ce qui permet un ajustement rapide de l’économie en période de baisse d’activités. De même, l’ajustement est rapide pour le Royaume Uni, lié à la faible réglementation du marché du travail, facilitant les licenciements. C’est ce que l’on nomme l’ajustement externe du marché du travail. En France et en Allemagne, les politiques de soutien à l’industrie automobile notamment (prime à la casse par exemple visant à renouveler le parc automobile) a permis de préserver des emplois et de maintenir l’activité économique. Enfin, les pays où le dialogue social n’existe pas, ceux où les syndicats ont un rôle institutionnel faible, comme par exemple la Bulgarie, la Hongrie, la Lituanie, n’ont pu négocier les licenciements, comme cela a été le cas en Allemagne notamment. La situation économique de l’Allemagne est quasi miraculeuse, dès le deuxième trimestre 2010, ils ont retrouvé une croissance économique supérieure à 2% et un taux de chomage de 7% égale à celui avant la crise économique. La principale explication de cette « réussite » serait dans le dialogue social, d’après les économistes présents lors de cette conférence. Le système de négociations collectives décentralisées allemands a permis d’effectuer un ajustement interne, moins coûteux socialement. Plutôt que de licencier, il a été décidé dans les entreprises allemandes de partager le travail existant entre les travailleurs, aboutissant à une réduction du temps de travail.
L’une des causes des taux de chomage élevé suite à la crise est l’importance des contrats temporaires dans l’emploi. Aujourd’hui, l’entrée dans la vie active se fait notamment pour 80% des salariés par un emploi temporaire. L’une des raisons de taux de chomage moins élevé dans les pays qui s’en sont mieux sorties est la place du dialogue social dans la régulation du marché suite à un choc.
« L’enseignement de l’économie »
Cette conférence sur l’enseignement de l’économie organisée par l’IDIES rassemblait côté intervenant Sylvie Cordesse-Marot, présidente de l’APCEG (association des professeurs de communication d’économie et de gestion), Marjorie Galy, présidente de l’APSES (association des professeurs de sciences économiques et sociales), Jean-Renaud Lambert, professeur de SES dans le secondaire, et Jacques Le Cacheux, professeur d’économie à l’université de Pau et président du groupe d’experts sur les programmes de SES du lycée. Dans la salle, on compte principalement des enseignants de SES ainsi que des lycéens. Quelques figures de la discipline sont présentes, telle Roger Guesnerie, professeur au College de France et auteur du rapport sur l’enseignement de l’économie au lycée remis à Xavier Darcos en 2008, Alain Beitone, professeur de SES au lycée Thiers de Marseille, et membre du groupe d’experts sur les programmes de SES, Gérard Grosse, ancien professeur de SES et formateur de l’IUFM de Paris, membre de l’IDIES, Michel Coudroy, professeur de SES, modérateur actif de la liste de diffusion professionnelle des professeurs de SES, ou encore Renaud Chartoire, professeur de SES, ancien membre du bureau national de l’APSES.
La communauté des enseignants de SES s’est donnée rendez-vous pour un débat animé mais courtois et serein entre deux parties qui s’écoutent mais ne semblent ne pas s’entendre. D’un côté, Jacques Le Cacheux, président du groupe d’experts à l’origine du nouveau programme de première considère qu’il s’agit d’une réponse plus satisfaisante que le programme précédent renforçant le lien aux disciplines scientifiques de références des SES que sont la science économique et la sociologie, en s’appuyant plus que précédemment sur les théories, les analyses et les concepts de ces disciplines permettant une meilleur compréhension des mécanismes économiques et des phénomènes sociaux. Jean-Renaud Lambert, professeur de SES à Marseille se montre plutôt satisfait de ce nouveau programme de première, il considère qu’il s’inscrit dans le processus historique de la discipline, renforçant la partition économie/sociologie. Un programme construit à travers une logique disciplinaire qui correspond mieux aux pratiques réelles des enseignants, qui depuis longtemps raisonnent par séparation disciplinaire dans leurs cours. Jean-Renaud Lambert trouve que ce programme rigoureux maintient la possibilité de débattre des questions de société tout en transmettant des concepts, et des outils conceptuels permettant aux élèves de raisonner. Jean-Renaud Lambert conclut par un bémol quand à l’enseignement de l’économie en seconde réduit à un enseignement d’exploration d’1h30 par semaine, durée horaire qui il l’avoue ne le satisfait pas totalement, mais considère qu’il faut faire avec dans le contexte actuel.
D’un autre côté Marjorie Galy, présidente de l’APSES, effectue une analyse critique du programme de Première ES, et fait état d’une pétition s’opposant à la mise en place de celui-ci signée à l’heure actuelle par 2300 enseignants (la discipline comptant plus de 5000 enseignants). L’argument le plus porteur qu’elle avance est celui d’un programme pléthorique comptant 33 chapitres pour 32 semaines d’enseignements, ne laissant ainsi qu’environ 4H par chapitre, évaluation comprise. Pour Marjorie Galy, les apprentissages demandent du temps, et ce programme n’accorde pas le temps nécessaire pour mettre en place des projets, des activités de remédiation, des recherches documentaires ou pour travailler l’argumentation en classe. Pour Marjorie Galy, et plus particulièrement pour l’association qu’elle représente, ce nouveau programme limiterait le pluralisme disciplinaire ainsi que la liberté pédagogique des enseignants.
Face à la place prise par le débat sur les SES, on en aurait presque oublié la présence de Sylvie Cordesse-Marot, qui s’est exprimée en première. La présidente de l’APCEG s’est ainsi contentée d’évoquer quelques principes pédagogiques, tel que le travail sur les représentations des élèves comme point de départ aux apprentissages, l’utilisation des théories et concepts de la science économique, former à des raisonnements afin de rendre l’élève autonome avec le savoir et à rappeler la nécessité que les programmes ne soient pas pléthorique et adossé à des horaires suffisants.
Emotions et décisions économiques
L’économie expérimentale consiste à procéder à des expériences de laboratoire où l’on simule des situations, et on teste les choix des agents dans des contextes particuliers.
Paul Seabright fait l’hypothèse que « l’homme est l’animal qui a construit sa vie par excellence sur la coopération ». La vie humaine dépend de la coopération de toutes les personnes du groupe. La coopération a besoin de confiance. Les émotions interfèrent dans l’action d’accorder sa confiance à quelqu’un. Pour lui les émotions sont coûteuses et difficilement manipulables, elles sont une clé de la crédibilité des agents économiques et interférent à ce niveau là dans la coopération. Paul Seabright a effectué des expériences en laboratoire, sur des jeux de confiance, il en conclut que le sourire authentique est coûteux car il demande sincérité mais il est aussi extrêmement efficace car il facilite la coopération, en intervenant comme un signal de l’honnêteté.
Différents travaux de neuro-économies sont ensuite présentées (travaux de Sacha Bourgeois-Gironde, et travaux de D. Lewi-Dickinson). Le principe est de créer des situations où l’agent doit prendre des décisions, au préalable des émotions sont suscitées par les configurations de jeu, ce qui permet aux chercheurs en neuro-économie d’étudier l’impact des émotions sur des décisions. Les neuro-économistes utilisent des scanners et des casques électro- encéphalographiques pour étudier les zones du cerveau qui sont activées par les différentes émotions. Ainsi par exemple, le sens de l’injustice, fait travailler le cortex insulaire, il fait appel à des fonctions cérébrales primaires, il ne s’agit pas que d’une abstraction. L’exclusion sociale, le sentiment de rejet est également étudié, à travers un jeu de ballon. L’exclusion crée une activité du cortex antérieur cingulaire, manifestant l’existence d’une douleur psychique.
A noter que la neuro-éconnomie est au coeur d’un débat éthique sur son usage. Axel Khan, généticien français spécialiste des questions éthiques à déclarer à son sujet qu’elle était un danger potentiel de la manipulation des esprits. M-C.Villeval animant ce débat sur la neuro-économie évoque cette crainte qui sera balayer rapidement par Sacha Bourgeois-Gironde comme étant une position fantasmée et insoutenable.
Plaisirs peine, colère, surprise, frustration, rancoeur, sont autant d’émotions qui interviennent dans les décisions économiques des agents, que l’économie expérimentale parvient à cerner.
Walras un économiste à redécouvrir
Pascal Bridel, professeur d’économie, fondateur du centre de recherche Walras-Pareto de l’université de Lausanne, pose la question de la modernité de Walras aujourd’hui. Il s’interroge quant à l’impact de la théorie de l’équilibre général sur la démarche intellectuelle des économistes aujourd’hui. S’inscrivant dans une optique walrassienne de la science économique, considérant notamment « l’abstraction comme moyen de compréhension d’une réalité complexe », Pascal Bridel, défend en effet l’idée que le modèle d’équilibre général de Walras est « faux », qu’il s’agit d’une abstraction totale, mais que la pertinence d’une théorie provenant justement de son écart avec la réalité, le modèle de walras garde un intérêt à travers sa dimension heuristique.
Pour André Orléan, l’équilibre général est un achèvement profond, une pensée forte car il représente une économie dans sa totalité, dans son ensemble et participe à la réflexion sur l’existence d’un ordre marchand. Walras effectue une rupture avec les économistes classiques (Smith, Ricardo…), en posant l’échange comme le rapport fondamental de l’économie et non plus les rapports de production. La question du partage des biens, du rapport de production devient dans le modèle walrassien une contrainte technique. Cependant, André Orléan ne manque pas de noter que le modèle walrassien souffre de limites importantes dans la description de la société marchande, mais dans le même temps ce modèle contourne cette lacune en considérant l’utilité comme précédent l’échange (rapport entre besoin et échange.). Walras considère l’économie pure, comme une branche des mathématiques. Il ne cherche pas à décrire mais à expliquer et comprendre des mécanismes. Il construit ainsi un modèle idéal-typique, abandonnant le rapport au réel, s’inscrivant dans une démarche de construction conceptuelle d’objets. André Orléan pointe, ce que Max Weber considérait comme l’un des problèmes des modèles idéaux-typique, l’existence d’applications à ce modèle (exemple du marché aux fraises en sologne dont le fonctionnement est décrit par M-F. Garcia-parpet), mettant ainsi en avant la performativité de l’économie.
Enfin, le dernier intervenant, J-P. Potier, professeur d’économie à l’université de Lyon, propose notamment de redécouvrir la théorie de la justice sociale « particulière » de Walras. Walras, qui se revendique d’un socialisme libéral, synthétique, s’oppose à « l’Etat providence », à « l’Etat-nourrice », il est contre le système des cotisations à la Bismarck, et est plutôt favorable à un système libre d’assurance. En revanche, il souhaite le rachat des terres par l’Etat, la mise en place d’un collectivisme de marché, de production et mène une véritable réflexion quant à la concurrence et les services publics (Walras distingue déjà l’infrastructure du moyen de transport). Globalement, Walras est un économiste important méritant d’être redécouvert.
Quelle réforme fiscale ?
Débat extrêmement intéressant sur la fiscalité entre deux économistes Thomas Piketty, et Alain Trannoy, en présence d’un député UMP, Hervé Mariton.
Thomas Piketty présente les travaux effectués avec Camille Landais et Emmanuel Saez, dans le cadre de la publication proche d’un ouvrage plaidant « Pour une révolution fiscale ». Ils ont additionné les 41 prélèvements obligatoires en France. En moyenne, ils se situent à 45% du PIB, donc du revenu des individus. Thomas Piketty observe également que les prélèvements sont progressifs pour les bas revenus mais régressifs pour le dernier centile, c’est-à-dire le 1% de la population française le plus riche. Thomas Piketty estime qu’en augmentant l’impôt global d’environ 15% des 1 à 2% des personnes les plus riches, cela permettrait de diminuer l’impôt de 1 à 2% des 97% de la population. Pour mettre en place un système fiscal plus juste, il propose de fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu et de se baser sur l’assiette de la CSG (effectuer un abattement sur l’assiette d’un impôt porportionnel permet d’en faire un impôt progressif) afin d’améliorer la progressivité de l’impôt sur le revenu. Il faudrait également taxer davantage le capital que le travail, et individualiser l’impôt ce qui n’est pas le cas aujourd’hui explique Thomas Piketty.
Hervé Mariton, député UMP, qui dans un premier temps fait semblant de s’offusquer de la configuration du débat, où il doit réagir aux propositions de Piketty, insiste sur l’idée que la progressivité n’a de sens qu’au service d’une finalité. Il invite donc à débattre de cette finalité. S’il s’agit d’améliorer l’équité du système fiscal, alors , il répond que ça ne sert à rien et qu’il ne sait pas ce que signifie le terme « d’équité », qu’il n’aurait aucun sens, ce qui l’amène à préférer l’idée d’égalité et plus particulièrement d’égalité devant l’impôt. On comprend ainsi que Mariton n’est pas un fervent défenseur de la progressivité de l’impôt. Mariton refuse également d’indiviudaliser l’impôt, pour lui il faut conserver le quotient familial car la famille est le socle de la société. Il insistera sur ce point déplaçant légèrement le débat sur la fiscalité sur un débat de valeurs, de moral.
Alain Trannoy, professeur d’économie à l’Université d’Aix-Marseille, revient sur les questions de fiscalité optimale. Tout d’abord la taxation du capital ne peut être trop élevée, car le capital se transmet, se transfert dans le temps et est donc un vecteur de croissance future. Il explique ensuite qu’en économie ouverte, il y a également le problème des fuites de capital, où de nombreuses études sont effectuées sur la mobilité du capital. (cf ; étude sur la mobilité des footballeurs) ; Alain Trannoy explique que le « coup de blues » (ou coût du blues), la nostalgie de l’expatrié du pays d’origine peut s’évaluer : On est indifférent entre deux pays lorsque le revenu est supérieur à 20% du revenu dans le pays initial. Les augmentations d’impôt en France doivent forcément tenir compte des situations dans les systèmes fiscaux voisins. Ainsi Alain Trannoy considère que taxer plus les hauts revenus comme le propose Piketty n’est pas nécessairement la situation opitmale pour le système fiscal français. Trannoy pose la question du consentement à l’impôt, est-ce qu’un choc fiscal (d’environ +15%) sera accepté par les plus hauts revenus ?
Très cher héritage !
Débat organisé par l’association Regards croisés sur l’économie, et animé par Marion Navarro.
Cédric Rio, économiste à l’observatoire des inégalités commence sa présentation à travers un graphique montrant la répartition des héritages supérieur à 100 000 euros selon les catégories sociales. Globalement, 16% des cadres reçoivent un héritage de cet ordre contre seulement 3% des ouvriers. Le capital économique va en direction majoritairement de ceux qui possèdent le capital culturel. Cédric Rio reprend ensuite Alexis de Tocqueville pour qui les lois sur les successions sont une source de démocratie, pour revendiquer l’importance de taxer les héritages.
Guillaume Allègre (OFCE) expose quelques éléments sur le droit de la fiscalité de l’héritage, et demande s’il faut supprimer ou subventionner l’héritage. Il crée ainsi un cadre de réflexion par rapport à des idéaux-type d’héritage : le leg accidentel, le leg altruiste et le leg stratégique. Pour Guillaume Allègre, il ne faut pas taxer les très petites successions car les détournements sont simples (phénomène de l’enveloppe), et les vérifications seraient coûteuses. Il propose d’effectuer des abattements sur les transmissions selon le nombre d’enfant et enfin de favoriser la création de fondation d’utilité publique sur le modèle américain, permettant aux plus grosses fortunes de satisfaire leurs besoins de reconnaissance post-mortem.
Pour André Masson « la taxation des héritages est un bon impôt » car Il touche les seniors riches plutôt que les jeunes et il évite les inégalités sociales. L’économiste souhaite favoriser les dons par rapport aux héritages. Pour lui les dons se font plus tôt, lorsque les héritiers sont plus jeunes et évite la double taxation: pendant la vie avec les impôts sur le patrimoine, et après la mort avec l’impôt sur les héritages. Il explique ainsi que lorsque l’on hérite jeune ça aide à la création d’entreprises et à l’acquisition d’un logement, c’est ainsi bénéfique pour l’économie dans son ensemble.
Thomas Piketty, ne semble pas enjouer à l’idée de taxer plus les transmissions. Il explique qu’il préfère taxer des situations économiques tout au long de la vie en fonction des valeurs économiques que des transmissions de capitaux, à un moment donné, des moments particuliers de la vie. Taxer l’héritage apparaît même comme une injustice pour lui puisque la taxation sur le patrimoine réduit déjà considérablement la valeur de l’héritage et du patrimoine, et donc réduisent les raisons de taxer fortement l’héritage.
La gouvernance environnementale
La dernier journée des JECO est clairement sous le signe de l’environnement. Un débat sur la gouvernance est proposée à l’Opéra de Lyon en présence de huit intervenants.
Kateline Schubert rappelle le problème de la production, de la gestion, et la régulation de biens publics globaux tel que l’environnement en l’absence d’un cadre juridique supranational. Il faut donc nécessairement négocier lorsqu’aucune instance internationale n’existe. A l’heure actuelle, il existe un marché européen des quotas de CO2, qui apparaît comme un point de départ comme moyen de régulation environnementale.
Michèle Pappalardo, commissaire général au développement durable, expose ensuite la concertation au niveau national effectué dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Pour elle le succès du grenelle est dans le mode de concertation qui s’est appuyé sur la participation et une consulation large du public, mais surtout sur une gouvernance à cinq : Etat, collectivité locale, entreprise, syndicat et ONG où chacune des parties avait un poid égal dans le grenelle.
Vincent Chriqui (CAS) expose le problème des négociations internationales sur le climat. A Kyoto, en 1997, les pays émergents furent traités différemment, et n’eurent pas d’objectif contraignant de réduction des émissions de gaz à effet ce serre. Désormais, il n’est plus possible de les traiter différemment, la Chine, par exmple est le plus grand émetteur de CO2 au monde et refusec de négocier sur le climat. Les pays émergents revendiquent le droit au développement grâce aux énergies fossiles (moins coûteuses que l’installation de nouvelles technologies).
L. Chabasson, E.Vieillefond, D.Gauthier et A. Ayong le Kama, abordent ensuite respectivement la question de la gouvernance internationale de la biodiversité, le rôle de l’autorité des marchés financiers dans le développement durable, la place du patronat (MEDEF) dans les négociations environnementales, et l’absence d’institution internationale de l’environnement capable de prendre les décisions (actuellement les négociations environnementales s’effectuent le plus souvent dans le cadre des négociations commerciales de l’OMC).
La dernière conférence des JECO 2010 aborde la question des catastrophes naturelles et du réchauffement climatique.
Liens :
Les journées de l’économie
http://www.journeeseconomie.org/
http://www.journeeseconomie.org/blog/
De nombreuses vidéos des conférences sont en ligne
Par exemple sur la gouvernance internationale
http://www.touteconomie.org/index.php?arc=v29
La gouvernance européenne
http://www.touteconomie.org/index.php?arc=v30
Les ressources liées aux conférences
http://www.touteconomie.org/index.php?arc=bv0
Sur le site du Café
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