Par Antoine Maurice
La thématique du 117 pose la question du Web 2.0 dans l’éducation. Nous vous proposons ainsi deux rencontres avec Florian Colombat fondateur de la Pepsteam, site internet regroupant plus de 13500 membres, et avec Alex Nèples qui a bien voulu partager son expérience de l’utilisation des réseaux sociaux tel facebook en EPS.
Web 2.0 et EPS, la pepsteam
Florian Colombat vous êtes enseignant d’EPS dans l’académie de Grenoble, webmestre de cette même académie et fondateur du site PEPSTEAM, forum de professeur d’éducation physique et sportive regroupant plus de 13000 membres. Le café a décidé de faire le point sur le web 2.00 dans l’éducation et notamment en EPS.
Tout d’abord, pouvez-vous précisez ce qu’on peut entendre par Web 2.00 ?
Le web 2.0 est une évolution de l’utilisation initiale de l’Internet. Auparavant, nous l’utilisions comme une gigantesque source d’information mais en restant passif derrière notre écran, comme s’il s’agissait d’une encyclopédie numérique mondiale mise à jour en permanence.
Le web 2.0 apporte cette notion d’interactivité entre l’internaute et le site qu’il consulte. Il est non seulement lecteur mais aussi acteur de sa navigation sur le web. Ainsi il peut mettre des commentaires sur un blog afin d’apporter des précisions, élargir le débat ou tout simplement remercier l’auteur. Il peut également participer à l’élaboration de contenus autour d’un projet commun avec des personnes de l’autre bout du monde qu’il ne connait pas. L’exemple le plus connu est Wikipedia.
Chaque internaute peut agir en fonction de ses compétences et envies. Ainsi, s’il ne souhaite pas s’investir dans la création de contenus, il peut tout simplement PARTAGER l’information qui lui semble importante et pertinente en favorisant la lisibilité de tel ou tel article à travers les réseaux sociaux, la blogosphère…
La pepsteam est un exemple remarquable du WEB 2.0 ?
La Pepsteam fondée en 2004 repose sur 2 grands principes fondateurs : le PARTAGE et l’ECHANGE. Il n’a pu grandir qu’avec l’implication grandissante des membres de sa communauté. La richesse du forum n’existe que grâce aux membres qui font grandir jour après jour la Pepsteam. Chaque membre apporte sa pierre à l’édifice et ce de multiples façons. Par notre conception, notre vécu, notre sensibilité et notre pratique professionnelle, nous nous enrichissons mutuellement afin d’aborder notre discipline dans toutes ses dimensions.
Aujourd’hui, 13700 membres communiquent, échangent, partagent jour après jour sur le forum. Les seuls gagnants sont nos élèves et notre discipline.
Le Web 2.00 peut donc jouer le rôle de formation continue !
L’Internet est un outil formidable. Il est toujours disponible, 7j/7, WE, jours fériés où l’institution ne peut répondre à nos besoins. La Pepsteam offre donc ici un accès à l’information en continue.
Cependant je pense qu’il faut clarifier ce terme de formation continue. 2 acceptions cohabitent.
Celle dite institutionnelle où des formateurs choisis par les IPR ont un message bien entendu pédagogique et didactique mais également institutionnel (respect des programmes, socle commun) et la formation continue dite empirique. Celle que nous apprenons sur le terrain au contact des élèves et des collègues. C’est ici que la pepsteam trouve tout son sens. Les échanges d’expériences, de documents permettent de s’auto-former sur des APSA qui ne sont pas au PAF ou encore sur des fonctions souvent peu documentées (TICE, DNL, secourisme…).
On parle souvent des avantages du Web 2.0, mais il existe aussi des inconvénients ?
Comme tout système, le web 2.0 comprend des avantages certains mais également des inconvénients non négligeables.
Sur le forum, nous avons fait le choix de la modération à postériori c’est-à-dire que l’équipe des régulateurs du forum intervient une fois que le commentaire ou que le document ait été mis en ligne. Cela dans le but de faciliter les échanges et le partage sur le forum. Vous comprendrez aisément qu’avec plus de 50 messages par jour, il est nécessaire d’avoir une équipe de modérateurs efficace et régulièrement connectée. Cette liberté d’expression grandement facilitée par l’anonymat (relatif) du pseudonyme engendre régulièrement des déviances quant au respect de la Netiquette et de la charte du forum. De plus, la masse des documents partagés (grâce au web participatif) nous oblige à être très vigilants concernant le respect des droits d’auteur. Tout cela représente une quantité de travail non négligeable pour modérer le forum mais c’est le prix à payer si l’on veut tendre vers un site internet participatif de qualité.
Comme nous l’avons précisé plus haut, tout le monde peut participer et partager ses documents, ses expériences. Les documents présents sur le site sont donc à l’image des membres, très diversifiés et cela oblige l’internaute à réaliser un travail réflexif et d’appropriation sur les documents trouvés.
Florian Colombat merci d’avoir accepté cet entretien
Le site de la pepsteam
WEB 2.0 et EPS, l’exemple de Facebook
Le café a rencontré ce mois-ci pour ses lecteurs Alexandre Nèples, professeur d’EPS au collège Louis Grignon de Fagnières et précédemment enseignant au Lycée Français Pierre Loti d’Istanbul. Il a d’ailleurs au cours de cette dernière expérience utilisé le réseau facebook dans le cadre de son enseignement. Il a accepté, et nous l’en en remercions, de répondre à nos questions pour partager ses expériences.
Le partage d’informations via les réseaux d’échanges sociaux interpellent et inquiètent. Pourtant des enseignants ont tenté l’expérience. Pouvez–vous nous indiquer dans quelles conditions vous avez utilisé cet outil ?
Tout d’abord je souhaite préciser que j’ai utilisé les réseaux sociaux dans un cadre un peu particulier puisque c’était un travail au sein d’un établissement français de l’étranger. Cette situation est favorisante : la quasi-totalité des élèves avaient une connexion internet à la maison, 24 élèves sur 25 en moyenne utilisaient le réseau social Facebook, la Turquie est le 4ième pays utilisateur de ce réseau au monde après les états Unis, la Grande-Bretagne et l’Indonésie.
Facebook avec des élèves, c’est possible ?
Tout à fait, et avec plusieurs entrées possibles.
Mais surtout (et avant tout) en définissant en amont avec les élèves, leur famille et l’administration de l’établissement un protocole clair et précis des informations qui pouvaient être échangées.
D’où des courriers, des demandes d’autorisations, un long travail pour rassurer les parents et parfois même les élèves sur ce qui pourrait être dit d’eux ou montré !
Vous nous évoquez différentes entrées et différentes informations échangées, pouvez vous nous en donner quelques exemples concrets ?
La première possibilité fut de créer des « groupes fermés », ces espaces n’étant accessibles qu’aux membres dûment autorisés par les administrateurs.
Cette formule permet de mettre en relation et d’échanger rapidement, presque instantanément, des informations sécurisées.
Un exemple parmi d’autre, la gestion, l’organisation et la transmission d’informations aux élèves de 1ières et de Terminales qui encadraient le Cross des Collégiens se sont faites sous cette forme…
La possibilité de mettre des images en ligne, des plans et des discussions avec des thématiques particulières (sécurité, informatique pour l’arrivée etc…) a été largement exploitée avec ce système de groupe.
L’information reste en interne, aucune possibilité pour un « ami » de l’un des membres de voir ce que celui-ci a dit ou posté dans l’espace dédié.
Une autre utilisation possible fut d’utiliser la page de mon profil pour transmettre des informations ciblées. Par exemple il m’est arrivé de mettre en ligne les performances réalisées par les élèves lors des séances de préparation au baccalauréat ou des vidéos de pré évaluation en acrosport ou en gymnastique.
Une troisième possibilité fut de mettre un document officiel en ligne (épreuve du baccalauréat ou grille de notation) afin que les élèves accèdent directement à l’information et puisse ainsi consulter sur Facebook les différents critères d’évaluation.
Quelle est la plus value éducative de l’utilisation de cette plate forme ?
Il y a deux possibilités de mon point de vue : soit on ignore les outils de communication qui sont actuellement utilisés par les adolescents soit on essaye de se les approprier.
En utilisant cet outil, on parle le même langage que nos élèves, inutile de leur expliquer ce qu’est un « mur », comment « tagger » ses contacts, comment s’inscrire à un groupe… Le temps passé sur le net par les élèves est important, et la part de ce temps accordé à Facebook reste prépondérante.
Pourquoi, alors, ne pas en faire un outil maitrisé et qui permette en plus aux élèves de mieux gérer le web et les informations qui y sont véhiculées ?
Aller regarder le soir (en rentrant chez soi) la vidéo de son évaluation d’acrosport de l’après midi même, tout en sachant qu’elle n’est visible que par les autres élèves du groupe afin de mieux cerner les améliorations à y apporter, c’est mettre de nouveaux outils de communications entre les enseignants et les élèves et entre les élèves eux mêmes.
Possible, éducatif, mais sous quelles conditions ?
La première limite à l’utilisation de cet outil reste la grande ignorance de la part des élèves quant aux informations qu’ils peuvent, qu’ils doivent diffuser. Il est extrêmement inquiétant de voir les jeunes mettre en ligne des photos, des vidéos personnelles sans aucune protection avec des paramétrages de sécurité et d’intimité quasi inexistants.
Il faut donc impérativement encadrer l’utilisation des informations qui sont véhiculées par l’enseignant et préciser aux parents que les documents téléchargés par leurs enfants sont des documents de travail qui doivent donc rester dans le cadre strictement familial.
Les paramétrages de confidentialité, que l’on trouve sur chaque profil à cette adresse : http://www.facebook.com/settings/?tab=privacy&ref=mb doivent être expliqués, commentés. Ceci peut d’ailleurs se faire dans le cadre du B2i.
Au même titre que le site internet d’un établissement, l’utilisation des photos et des vidéos doivent avoir reçu l’aval des parents mais force est de constater qu’une grande majorité d’entre eux ignore (ou feigne d’ignorer) ce que représente Facebook, l’utilisation que l’on peut en faire et les risques qui y sont associés.
Sur le site du Café
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