Par François Jarraud
Qui solliciter pour nous parler du web 2 ? Nicolas Martello, professeur d’éducation musicale en collège et en lycée et aussi très présent sur tous les outils du web 2.
L’éducation musicale a intégré des outils informatiques dans le travail du son. En est-il de même pour les outils de communication comme le web 2.0 ?
Oui, en effet, beaucoup de professeurs d’éducation musicale utilisent depuis longtemps des logiciels spécifiques à la musique : des séquenceurs, des arrangeurs, des éditeurs audio-numériques (type Audacity), des éditeurs de partitions, l’acousmographe développé par le GRM mais aussi plus “basiquement” des logiciels de bureautique : traitement de texte pour élaborer des fiches de cours, des diaporamas incluant du son, des vidéos, du texte… Des logiciels utilisés par les professeurs pour la préparation de leurs cours mais aussi parfois pour des activités où l’élève est lui même acteur face au logiciel.
Pour ce qui est du web 2.0 il en est tout autre chose ! Déjà, faut-il savoir ce qu’est le web 2.0… certains l’utilisent sans le savoir. Un nombre croissant de professeurs ouvre des blogs afin de mettre en ligne des documents à destination des élèves. Ce sont souvent des fiches de cours en pdf, des liens vers youtube pour réécouter un extrait de musique étudié en classe, le lien vers le clip d’une chanson apprise en classe ou bien des ressources connexes au cours afin de prolonger celui-ci. Dans le meilleur des cas, les élèves prennent parti au blog en laissant des commentaires. Il s’avère que l’utilisation des ces blogs reproduit souvent le schéma traditionnel du maître qui fait passer un savoir, une connaissance aux élèves. Il me semble que l’on peut aller plus loin encore dans l’usage du web 2.0. Le web est aussi un espace de réseautage, ainsi, créer des espaces apprenants virtuels (blog, wiki, réseaux sociaux, ENT) peuvent très bien se contrepointer aux groupes classes que nous avons sur le terrain. Les deux doivent d’ailleurs idéalement être complémentaires l’un de l’autre. Avec mes lycéens j’utilise beaucoup la communication web 2.0, je fais systématiquement ouvrir aux élèves un compte google pour utiliser le service “google document” qui me sert de plateforme de diffusion de documents et d’outil de travail collaboratif, j’utilise même parfois Facebook pour communiquer, répondre aux questions qu’ils me posent. Nous avons aussi un ENT qui fonctionne ou pas…
Des outils pour l’écoute et la création
http://www.ac-nancy-metz.fr/em/cgi-bin/telechargement/
Réflexion sur l’intégration de l’informatique
http://www3.ac-clermont.fr/pedago/musique/spip/spip.php?article5
USMAG 643 : Les ticce en éducation musicale, pour quoi faire ?
http://www.scribd.com/doc/2536909/USMAG643-Les-TICCE[…]
Une séquence incluant les TICCE réalisée pour les TraAM éducation musicale
http://www3.ac-clermont.fr/pedago/musique/spip/spip.php?article142
Vous-même vous avez ouvert de nombreux sites dont un blog à destination de vos élèves. Comment l’utilisez vous en classe ?
Comme je le dis précisément au-dessus, il faut de la complémentarité. Dans mes nombreux sites, certains ne s’adressent pas directement aux élèves mais peuvent susciter de la curiosité (certains aiment bien le bouton home ou la caméra de l’iPhone de ma page d’accueil www.nikkojazz.fr ). Le portail des élèves est ici : http://musique.nikkojazz.fr . L’idée est de donner aux élèves un ensemble d’outils appropriés (et pas un simple lien wikipédia où l’élève ne comprend rien à ce qu’il lit…), alléchant visuellement parlant car je crois beaucoup en l’ergonomie et au design : ce qui attire l’oeil nous fait s’arrêter dessus ! (c’est aussi un des enjeux du data-journalisme que de donner du sens à des bases de données incompréhensibles au commun des mortels). L’interface est donc quelque chose d’essentiel dans le processus de transmission. Si l’interface doit être claire, élégante, simple, il n’en reste pas moins que les mécanismes, les rouages sont bel et bien complexes (un bel exemple est la page d’accueil www.google.fr ).
Ce que l’on trouve sur mon site portail n’est que la partie visible de l’iceberg… je crée aussi des mini-sites pour les différentes séquences de cours (voici un exemple pour une séquence de classe de 3è : http://nikkojazz.fr/3-musique-architecture ) qui rassemblent les différentes “données” du cours (musiques, photos, textes…). En classe ce sont les mêmes données qui sont utilisées mais “scénarisées” de sorte à créer une séquence de cours (à laquelle est intégré un projet musical, ne l’oublions pas : en éducation musicale on produit de la musique). Je pense que ces sites doivent rester le prolongement du cours (très pratique aussi pour les élèves qui seraient absents) ou bien un moyen de remédiation ou d’entraînement (exercices en ligne). Les élèves n’interviennent pas sur ces sites, le seul maître d’oeuvre c’est moi ! Comme je disais au-dessus, dans le meilleurs des cas, les élèves laissent des commentaires qui souvent apportent peu par rapport aux objectifs et je pense qu’il ne faut pas exiger trop de choses hors-classe car les élèves sont déjà “surbookés” de devoirs dans beaucoup de disciplines, laissons leur le temps de vivre et de rêver aussi. Par contre j’ai une exigence particulière en présentiel ! en classe quoi… : il faut que l’unique heure d’éducation musicale (au collège en tout cas) soit entière, pleinement investie par tous les élèves de la classe : on fait du son, on écoute du son, on réfléchit, on réagit ! (parfois un peu d’histoire des arts aussi puisque tous ce qui est écouté doit être recontextualisé, expliqué et peut être mis en relation avec d’autres domaines artistiques). Le site n’est donc pas une finalité en classe, il est juste un outil pratique.
Au lycée il en va autrement car les effectifs par niveau sont moins importants qu’en collège (la musique est une option) et puis nous avons un lycée relativement bien équipé (vidéoprojecteur et ordinateur dans toutes les salles, salle informatique qui fonctionne bien). Par exemple, chaque année pour les oeuvres imposées au bac option facultative musique, je crée un site qui analyse l’oeuvre, regroupe des ressources… Ainsi les élèves préfèrent s’approprier les oeuvres, en autonomie, chacun à son rythme. Ce qui me permet d’individualiser davantage les parcours de chacun car les besoins ne sont malheureusement pas les mêmes pour tous ! Cela limite aussi les cours magistraux sur l’étude des oeuvres pour laisser plus de temps à s’entraîner à la technique de commentaire d’écoute, faire parler les élèves, les mettre en situation et faire de la pratique musicale.
L’accueil est-il le même auprès des collégiens et des lycéens ?
J’ai la chance d’avoir en effet un panel très large d’élève (de la 6è à la Terminale), et je m’aperçois que l’accueil ne change pas fondamentalement entre les collégiens et les lycéens. C’est un outil qui leur est quasi-familier mais qu’ils maîtrisent souvent très mal même au lycée… cela dit ils sont toujours partant, avides de nouveautés, de découvertes, de nouvelles sensations ! Les élèves apprécient d’avoir accès en ligne de ce qui est fait en classe, et c’est aussi un moyen de montrer que le professeur n’est pas totalement “dépassé” par les technologies qui nous environnent.
Quel regard les parents et les collègues jettent-ils sur ces activités ?
Je n’ai pas assez de recul par rapport à la vision des parents, j’entends dire ici ou là que “c’est bien”, “c’est super ce que vous faites”. Quant aux collègues dans mes établissements, c’est pareil, je suis plutôt discret et ne me vante pas du dernier site que j’ai fait… Par contre mes autres collègues d’éducation musicale (que je côtoie dans mon académie ou bien sur les listes de diffusion) sont enthousiastes et élogieux à mon égard, ce qui bien sûr motive pour en faire davantage !
Vous avez ouvert une page facebook. Quels usages pédagogiques en faites vous ?
Les outils de réseautage comme facebook, twitter, etc., peuvent, je pense, être d’une grande utilité pour faire le lien entre la classe et le temps hors de la classe (pour prolonger le cours). Facebook est un quasi incontournable chez les ados : au lycée, sur une trentaine d’élève, deux ou trois seulement n’ont pas de compte alors qu’au collège c’est un peu plus disparate (avec une majorité en 4è et 3è, un peu moins en 6è et 5è). Un problème demeure : Facebook est bloqué dans les établissements qui imposent le filtrage des adresses web. Une utilisation pédagogique au sein des établissements n’est donc pas envisageable pour l’instant. Les élèves s’en servent pour l’usage qu’on connaît : la communication et le jeux… moi, je l’utilise comme outil de communication : envoi de messages, événements et diffusion de flux rss (mashup de flux provenant de google reader, mes sites, et autres sites relatifs à l’éducation musicale). Facebook est en quelque sorte une partie d’un ENT sans la gestion administrative des appels, absences… surtout depuis l’intégration de docs.com la suite Microsoft Office en ligne qui permet de partager des documents.
Vous avez plusieurs fils twitter. Comment vous est venue l’idée ? A qui et à quoi sert un fil comme nikkojazz education ?
Twitter reste, dans mon usage, un outil de veille pédagogique, de veille informationnelle. Au début, twitter ne proposait pas cette fonctionnalité de “liste”, il devenait très difficile de gérer la “time line”. Quand cette fonction a fait son apparition j’ai très rapidement créé des listes pour classer les flux d’information notamment en effet un fil “education” (http://twitter.com/#!/list/nikkojazz/education ) qui agrège les comptes de personnes s’intéressant de près ou de loin à l’éducation, aux nouvelles technologies et leurs usages. Se tenir informé de ce qui se fait ailleurs ou même dans d’autres disciplines peut aider à innover, à se renouveler, se poser des questions…
Avez vous une idée de l’efficacité de ces dispositifs pour les élèves ?
C’est un moyen de susciter intérêt et motivation. C’est aussi une opportunité d’individualisation des parcours de chaque élève. La même chose pour tout le monde en même temps, ça ne marche plus, ou, dans meilleurs des cas, peu !
Ce n’est pas en allant une fois de temps en temps dans une salle informatique avec une classe entière que les usages seront efficients. Il faut passer à une phase d’immersion totale (plus de papier, tous en réseau)… les collègues ne sont pas tous prêts !
Nicolas Martello
Pour découvrir le travail de N Martello :
http://www.nikkojazz.fr/home/mysites.html
Sur le site du Café
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