Par Jeanne-Claire Fumet
Vous ne verrez d’elle qu’un vague profil. Rebecca, 24 ans, fait partie des nouveaux titulaires du CAPES 2010. Comme ses collègues, elle expérimente l’entrée sans formation dans le métier. Elle a bien voulu, sous couvert du respect de son anonymat, nous livrer ses impressions sur le vif.
Rebecca, tout juste 24 ans et titulaire du CAPES de Lettres Modernes en juin 2010, fait partie des stagiaires nommés directement sur le terrain, dans le Nord 77. Après un parcours scolaire sans fautes, une Prépa Littéraire, un Master 1 de Lettres Modernes et un séjour Erasmus d’un an en Irlande, la jeune professeur de lettres ne manque ni de maturité ni de charisme ; « juste de temps » nous confie-t-elle, « pour pouvoir faire mieux ».
Comment s’organise votre semaine ?
Mon service d’enseignement est de 15h, avec 2 classes de Seconde et une de Première. J’ai 2h de décharge pour formation et 1h complémentaire de TZR non effectuée. La formation est d’environ 8h, mais sur une seule journée. La préparation des cours me prend tout le temps qui reste, je n’arrête jamais de travailler. Plus de loisirs, plus de vie privée. J’avoue que je suis très fatiguée.
La relation pédagogique avec les élèves est-elle satisfaisante ?
Le dialogue avec les classes est excellent. Je travaille beaucoup sur leur réactivité, je sollicite leur participation – ce qui demande d’être en forme ! – et ça se passe vraiment bien. Je regrette juste d’être limitée par la fatigue, et puis aussi par le manque de recul pour analyser erreurs et réussites, anticiper et reprendre. Sans expérience, on a besoin de plus de temps pour réfléchir à sa pratique. Je pourrais faire tellement mieux…
Avez-vous un tuteur attitré ?
Oui, mais il enseigne dans un établissement éloigné et ne peut pas venir souvent. C’est un réel problème, car j’ai régulièrement besoin de ses conseils. J’aurais préféré qu’il soit dans le même lycée que moi, pour pouvoir échanger plus facilement. Il est très exigeant, mais très fiable et je lui fais confiance. Il me donne de repères solides. Sa première visite, au bout de trois semaines de cours, a été une rude épreuve : j’en ai pleuré. Tout mon travail à revoir…
Les collègues ne vous ont pas aidée ?
Au contraire, j’ai été très bien accueillie et entourée par l’équipe du lycée. Mais ce n’est pas pareil de recevoir quelques indications, de se prêter des cours à l’occasion, et de travailler au quotidien avec un tuteur référent dont c’est la responsabilité de soutenir et de guider son stagiaire. Les relations sont clairement établies, alors qu’on hésite toujours à solliciter les collègues. Quant à son poids dans la décision finale de titularisation, ce n’est pas un problème pour moi, dans la mesure où je lui fais confiance et où le travail se passe bien. Mais ce doit être redoutable, si le stagiaire ne s’entend pas avec son tuteur.
Avez-vous été étonnée par la réalité du métier ?
Honnêtement ? Non… Ma mère est enseignante, j’ai toujours entendu parler d’enseignement et de pédagogie. Je veux faire ce métier depuis le collège, parce que j’y ai adoré les cours de mes professeurs de français. J’ai envie faire découvrir aux élèves une approche de la vie à travers les textes littéraires. Tous ne feront pas de longues études, mais si certains pouvaient apercevoir tout ce que la littérature peut leur offrir… Ce métier me plaît vraiment, je ne me laisserai pas décourager. Mais débuter dans de meilleures conditions, pouvoir travailler autrement que dans l’urgence et la fatigue permanentes, ce serait vraiment le moins qu’on pourrait espérer, dans l’intérêt de tous.
La suite du reportage : Stagiaire impossible : la voix d’un mécontentement profond
Entretien avec Romain Geffrouais, porte-parole du collectif Stagiaire impossible.
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